Cela fait pratiquement 2 mois sans Internet pour les 6 millions de Camerounais qui vivent dans les deux régions anglophones du pays. Est-ce une violation des droits de l’homme, d’après les résolutions sur le droit de la liberté d’information et d’expression sur internet, reconnu comme droit fondamental ?
Ce mardi, 14 mars 2017, ça fait exactement 57 jours que les habitants des régions anglophones du Cameroun sont privés d’Internet par le pouvoir de Yaoundé. Cette coupure d’internet qui est d’ailleurs la plus longue sur le continent africain, est intervenue le 17 janvier 2017. Les fournisseurs d’accès ont suspendu leurs services à la demande du gouvernement de Yaoundé, rapporte l’ONG Internet sans frontière. Depuis 2012, l’accès à internet est d’ailleurs reconnu comme un droit fondamental.
Le Cameroun qui a ratifié tous les accords, traités et conventions internationales relatifs aux droits de l’homme, rentre dans le cercle très fermés des pays qui ne respectent pas la résolution sur l’accès à internet comme un droit fondamental.
En juillet 2016, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH NU) a adopté une résolution historique sur la promotion, la protection et la jouissance des droits de l’homme en ligne condamnant sans équivoque les mesures visant à « prévenir intentionnellement ou perturber l’accès à la dissémination de l’information en ligne en violation du droit international des droits de l’homme ». Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies est allé plus loin en appelant « tous les États à s’abstenir et à cesser de telles mesures.»
En novembre 2016, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a affirmé la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique selon laquelle « chacun a la possibilité d’exercer le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information sans discrimination » par l’adoption de la Résolution sur le droit à la liberté d’information et d’expression sur Internet en Afrique , dans laquelle elle a également noté sa préoccupation « par la pratique émergente des États parties d’interrompre ou de limiter l’accès aux services de télécommunication tels que l’Internet, les médias et les services de messagerie, de plus en plus pendant les élections « . Le Principe II (2) qui est particulièrement pertinent, dispose que « toute restriction à la liberté d’expression doit être prévue par la loi, servir un intérêt légitime et être nécessaire dans une société démocratique. »
Le pouvoir de Yaoundé qui se targue d’être l’un des pionniers de l’économie digitale en Afrique centrale, jusqu’ici ferme l’oreille aux revendications à propos de la privation d’internet à 20% de sa population.
L’Association pour le Progrès des Communications(APC), au début de la coupure d’internet, a appelé le gouvernement du Cameroun à ordonner la réintégration immédiate de la connectivité Internet pour tous les citoyens et résidents du Cameroun. En plus de prendre des mesures urgentes pour arrimer les instruments législatifs et réglementaires du Cameroun au droit international en ce qui concerne l’application de tous les droits de l’homme reconnus à l’espace en ligne. Enfin de garantir que les droits de l’homme de toutes les personnes au Cameroun sont pleinement respectés en ligne et hors ligne.
L’organisation de défense des droits numériques Access Now et sa campagne #KeepItOn, à laquelle est associée Internet sans frontières et plusieurs autres associations, a également interpellé les opérateurs privés de télécommunications (MTN,Orange et Nexttel), de rétablir la connexion dans les régions anglophones. Le célèbre informaticien américain Edward Joseph Snowden, a rejoint le mouvement #BringBackOurInternet lancé sur twitter pour dénoncer la restriction du réseau internet dans la partie Anglophone du Cameroun. Le pouvoir de Yaoundé reste toujours silencieux et les conséquences sont déjà immenses tant d’un point de vue économique que pour les droits humains.