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Christelle Nadia Fotso s’en prend à Franck Biya pour être allé à Foumban sans faire un détour dans la famille du défunt Fotso Victor

Franck Biya Njoya

L’avocate et fille du défunt milliardaise estime que le fils du président de la République n’a pas par son action, honoré la mémoire de Fotso Victor qui partageait les mêmes visions que Paul Biya. C’est la quintessence d’un message qu’elle a publié le 17 novembre 2021 sur Facebook. 

Franck Biya Njoya
Franck Biya à Foumban (c) Droits réservés

 Je ne pouvais vous écrire sans bonnes raisons. Les enfants de personnages publics étant trop facilement harcelés, il était essentiel d’éviter l’erreur grossière hélas assez fréquente de beaucoup : nous nier toute individualité voire toute humanité en présumant par paresse intellectuelle, ressentiment ou envie que le nom et l’habit font le moine afin de de juger et condamner. Mon expérience me permet de savoir que lorsqu’on rejette l’inculture, il n’est guère facile de faire partie de la progéniture d’un être qui n’appartient pas à sa famille mais à tout un pays. Certes, nos patronymes confèrent des privilèges mais si on acquiert des valeurs structurantes, ils s’accompagnent de responsabilités dont la plus importante est de respecter ce qui a été sans le mythifier pour avancer. Oui, on naît Biya ou Fotso, mais cette filiation cesse d’être une coquille vide mais tapageuse parfois meurtrissante pour prendre corps quand on connaît son histoire en acquérant le sens de l’Histoire.

Le 6 novembre 1982, Paul Biya devenait le deuxième président du Cameroun. Le 6 novembre 2021, Emmanuel Franck Biya, vous fîtes la démonstration la plus implacable de l’échec du Renouveau : le désossement de la camerounité qui a transformé les Camerounais en Africains zombies. Notre africanité est désormais un instrument qui légitime des absurdités, des abominations et la prédation. C’est à cette visite dans les Grassfields, à Foumban sans faire l’indispensable détour pour le fils d’un homme état qui semble vouloir le devenir par Mbo, Tséla, ou simplement l’hôtel de ville de Bandjoun construite par Fotso que vous devez cette lettre ouverte. Le Noun et sa famille royale méritaient incontestablement cet honneur. Cependant, les terres sacrées des Grassfields, ses traditions, le njitapage du Dernier Bamiléké et notre roman national, s’il a encore un sens, vous imposaient de passer par le village d’un Fô qui vous a traité comme un membre de sa famille et n’est toujours pas enterré.

Monsieur Biya, le sens politique de mes propos importe peu. Mes mots sont ceux de la mère d’une icône africaine qui, en dépit de sa loyauté envers votre père et de son statut de Patriarche, a servi de paillasson au parti présidentiel, son opposition et des officiels. Fotso Victor est mort à 15h45 le jeudi 19 mars 2020 dans une petite chambre de l’Hôpital Américain de Paris de la plus atroce des manières : séquestré, seul, après une extorsion en bande organisée. Même sa dépouille a été profanée pour être par la suite occultée par tout un pays : la vedette du soi-disant enterrement d’un chef a été un téléphone portable ! Cela a été possible au Cameroun de Paul Biya parce que notre africanité n’est plus que zombie.

Monsieur Biya, en vous écrivant, je choisis de m’adresser d’abord et surtout à quelqu’un qui a passé au moins une nuit dans la résidence de Victor Fotso à Bandjoun. Si vous n’aviez pas eu avec mon père et d’autres membres de sa famille des liens particuliers, il aurait été possible d’avaler cette humiliation de plus en ignorant votre visite au nouveau Sultan sans un geste pour un autre chef qui a fini comme un vieux nègre à Neuilly malgré ses médailles et de son parcours. Comment pouvez-vous justifier le fait de détourner les yeux du deuil explosif d’un fô pour honorer celui d’un autre sans mesurer les conséquences d’une telle provocation ? Le 6 novembre 2021, vous avez confirmé aux Camerounais que tous les Patriarches ne sont plus sacrés et qu’il est acceptable de politiser impunément leur fin, leurs obsèques et leur succession. Vous qui avez un père qui a ce rarissime privilège de durer, que direz-vous à ceux qui, sans scrupules, sans culture et sans humanité, oseront troubler votre deuil, le moment venu, espérons que cela soit le plus tard possible, d’autant plus aisément après le njitapage de Fotso et le déni de Foumban ? Par un acte symbolique qui ne demandait rien d’autre que de la mémoire et de l’élégance, vous auriez pu rappeler que la politique est secondaire à notre camerounité qui défend á tous certaines choses. C’est elle qui fait des Patriarches des personnes entièrement á part quelles que soient leurs erreurs, leurs fautes, leur politique et les imperfections de leur vie privée.

Monsieur Biya, je parle à haute voix parce que j’ai été un enfant qui a essayé de protéger un père vieillissant. Les vautours, les hyènes et autres parasites rodent toujours autour des vieux lions en attendant sans souvent cacher leur impatience qu’ils poussent leur dernier soupir. La tâche devient alors de leur permettre une fin de vie et des obsèques réussies. Rater cela rend la succession bancale, le deuil impossible et l’héritage lourd. Quand, cette étrange défaite est causée par des consanguins et autres ennemis de l’intérieur, il est difficile de ne pas être détruit en refusant, toutefois, si on habite sa douleur, de lâcher pour la gloire du père et l’honneur du fils. Parce que je sais ce qui vous attend, je personnalise afin que vous compreniez qu’on ne choisit pas quel patriarche honoré particulièrement si on a eu le privilège de partager l’intimité de l’un d’eux et de réaliser combien durer est exceptionnel. Votre visite dans le Noun en oubliant Fotso a écrasé ce qui peut empêcher de futurs njitapages et justifierait une succession présidentielle de gré à gré.

Ressentant l’humiliation de Fotso dans ma chair, me taire ou l’accepter est inimaginable. Je sais qui était mon enfant. Non, je ne découvre pas les tares du Renouveau mais reste outrée par son amoralité et sa vénalité décomplexées. Consciente que tout ceci ne peut que perpétuellement se répéter, je refuse de normaliser la monstruosité en banalisant les camerouniaiseries. Mon combat n’est pas que pour la gloire de mon père mais la restauration du sacré dans nos sociétés éclatées afin que nous retrouvions tous un peu de dignité. Oui, Monsieur Biya, vous avez droit à vos ambitions et vos préférences mais elles ont eu à Foumban une signification qui dépasse votre personne vu votre nom et le contexte. Hélas, elles ne peuvent pas être sans conséquence. En piétinant, sciemment ou pas, la mémoire d’un mort et en fragilisant un peu plus notre patrimoine commun, il fallait vous attendre á ce que sa mère, sans mettre de gant, vous rappelle que même en médiocratie, il y a des interdits. Les âmes bien nées ne peuvent pas se permettre l’ignoratisme et l’obscurantisme qu’est le je la dis queisme.

Néanmoins, cher Franck Biya, rien ne peut me faire oublier combien il est indispensable pour le Cameroun que son président réussisse sa fin de vie. Jamais, je ne me permettrais ce que vous vous êtes permis. C’est cela être Fotso, poursuivre une quête intransigeante de l’excellence, venger son père sans sacrifier son humanité et ses valeurs. Le Cameroun trouvera toujours les moyens de survivre á l’incompétence de ses enfants mais il devient de plus en plus périlleux pour lui de tenir face à la perversion de nos idéaux.

Monsieur Biya, je souhaite à votre famille et surtout à vous la pluie pour notre pays et pour Fotso. Je ne doute pas un seconde que j’ai votre soutien puisqu’il est question de ressusciter notre africanité afin que le njitapage communautaire s’arrête au Dernier Bamiléké.


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