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USA : Le »shooter », l’homme qui a tué Ben Laden est au chômage

La dernière cache d'Oussama Ben Laden, au Pakistan (la maison a depuis été détruite

Par sécurité, dans la longue interview qu’il a accordée au magazine Esquire, on l’appelle « the shooter », le tireur. D’ailleurs, dans l’équipe ST6 des Navy Seals, dont il faisait partie, sa fonction était « sniper », tireur d’élite.

Des missions clandestines pour abattre un responsable ennemi, avec le commando qu’il avait intégré, il en a fait des dizaines, en ex-Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan. Combien de morts à son actif ? Il dit qu’il n’a pas compté. Mais il prétend qu’avec son équipe, ils ne sont pas pour rien dans la capacité qu’ont eue les Américains de se désengager d’Irak plus rapidement. Parce que les chefs qui semaient la terreur à Bagdad ou ailleurs avaient été systématiquement éliminés. En somme, il est la version humaine des drones tueurs dont se sert Obama aujourd’hui pour se débarrasser des responsables d’al-Qaida au Pakistan ou au Yémen.


Il a intégré les Navy Seals à 19 ans. Parce qu’une fille l’avait plaquée, il s’est présenté à un sergent recruteur de l’US Navy. « Vous vous rendez compte, plaisante-t-il, c’est parce qu’on m’a brisé le coeur qu’al-Qaida a été décapité ! » C’est le 1er avril 2011, alors qu’il s’entraînait à des exercices de plongée à Miami, qu’il a été convoqué avec ses compagnons au quartier général des Seals à Virginia Beach. Tout de suite, il a su que cette fois c’était du gros gibier, parce que, quelques jours plus tard, il s’est retrouvé dans un centre de la CIA à Harvey Point, en Caroline de Nord. Et surtout parce que c’est le général commandant des opérations spéciales qui s’est chargé du briefing habituel avant toute mission, dans une salle de conférences sévèrement gardée et sécurisée. Il a tout de suite annoncé la couleur : « Okay, nous n’avons jamais été aussi près d’OBL », les initiales d’Oussama Ben Laden. Suivirent des précisions sur le domaine d’Abbottabad, au Pakistan, dans lequel le terroriste avait été presque à coup sûr repéré, comment on observait l’endroit, analysait les allées et venues, la manière dont on avait reconstitué la configuration de la maison.

« Il n’y a aucun doute, c’est bien lui »

Le reste est routine : l’entraînement dans le Nevada sur une réplique de la maison d’Abbottabad. Les gestes cent fois répétés, les procédures précises pour chaque pièce de l’habitation, chaque porte à forcer ou à faire sauter, la localisation probable des habitants, leur nombre, combien de femmes, combien d’enfants. Puis c’est le départ pour la base de Jalalabad, en Afghanistan, dans un avion cargo C17 inconfortable. Là-bas, il rencontre Maya, l’analyste de la CIA qui traque Ben Laden depuis des mois et qui deviendra en 2013 l’héroïne du film Zero Dark Thirty. « À 100 %, lui dit-elle, il est au troisième étage. Il faut absolument que vous parveniez là-haut. » Elle lui dit qu’elle est étonnée de le voir si calme. Le « shooter » lui répond qu’avec ses camarades ils ont fait cela tant de nuits : « L’hélico nous dépose près d’une maison, on liquide ceux qui s’y trouvent et puis on s’en va. C’est juste un vol un peu plus long que d’habitude. »

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Dans le récit qu’il fait à Esquire, c’est en effet une opération de routine, même si la cible est cette fois l’ennemi numéro un de l’Occident, le responsable de milliers de morts innocents. Après 90 minutes dans un hélicoptère, dont il redoute à tout moment qu’il ne soit repéré par les Pakistanais, c’est l’assaut de la villa d’Abbottabad. Le « shooter » n’est pas de la première équipe qui investit le bâtiment. Quand il y pénètre, il y a déjà des cadavres dans les escaliers, des femmes qui hurlent, des enfants qui pleurent. Il n’a qu’un obsession : le troisième étage. « Et là, dans une chambre, il y avait Ben Laden, debout, tenant une femme par l’épaule et la poussant devant lui. Sa plus jeune femme, Amal. Il est plus grand que je le pensais. Mais il n’y a aucun doute, c’est bien lui. Quand nous nous nous entraînions au tir, les cibles avaient son visage. » Grâce à ses lunettes de vision nocturne, il a évidemment l’avantage sur Ben Laden, qui entend mais ne voit rien car c’est le noir complet dans sa chambre. C’est au moment où le terroriste fait un geste en direction de son AK47 posé sur une étagère que l’Américain tire. Deux balles dans la tête presque coup sur coup, puis une troisième par sécurité quand l’homme glisse à terre, à côté de son lit. « Je me souviens que je l’ai regardé tenter de respirer une dernière fois et je me suis dit, est-ce la meilleure chose ou la pire que j’aie faite de ma vie ? »

« Qui a tué Ben Laden ? Nous tous ici »

À son retour de mission aux États-Unis, le « shooter » sera comme ses compagnons félicité par le président, lors d’une cérémonie très privée à la base de Fort Campbell, dans le Kentucky. Mais quand un des conseillers d’Obama posera la question : « Qui a tué Ben Laden ? » il répondra : « Nous tous ici. »

Mais on ne rentre pas indemne d’une telle affaire qui vient couronner des dizaines d’opérations commando du même genre. Le « shooter » ne veut plus entendre parler de ces actions pour tuer qu’autrefois il accomplissait sans états d’âme. En septembre 2012, il décide de démissionner des Navy Seals, après 16 ans de service actif. Il lui manque 36 mois pour atteindre la retraite. Et la loi américaine est implacable : il n’a droit à rien. Le vendredi où il démissionne, on l’avertit que le soir même sa couverture médicale et celle de sa famille cessent d’être valables et qu’il vient de toucher sa dernière solde. Aujourd’hui, d’après Esquire, il n’a pas retrouvé de job et se demande comment il va payer la pension de sa femme dont il est séparé et nourrir ses enfants.

« Aucun de ceux qui ont combattu pour leur pays dans des opérations lointaines ne doit avoir à se battre pour trouver un travail », avait déclaré Barack Obama lors d’une cérémonie en hommage aux anciens combattants. Celui qui a vengé l’Amérique du 11 Septembre en abattant son pire ennemi est pourtant aujourd’hui le symbole de l’extrême ingratitude que peuvent avoir parfois les États pour ceux qui ont risqué leur vie pour eux. D’autant que sa vie est constamment en danger, car, si l’Amérique l’a oublié, comme le dit, à la fin du film Zero Dark Thirty, un analyste de la CIA, « le shooter sera toujours pour les djihadistes du monde entier en tête de la liste des hommes à abattre ».

 

©Lepoint.fr – Le titre est de la rédaction.

 

 


 

 

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