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Pourquoi les prix de l’immobilier montent en flèche depuis plusieurs décennies et comment les mairies peuvent-elles y mettre fin?

La flambée des prix de l’immobilier est un problème répandu dans de nombreuses régions, et le Cameroun ne fait pas exception. Plusieurs facteurs influencent cette tendance haussière, notamment le déséquilibre entre l’offre et la demande de biens immobiliers, la spéculation immobilière, la montée des « faux agents » immobiliers, et la corruption. Les mairies, en collaboration avec les autorités gouvernementales, ont un rôle crucial à jouer pour faire face à ce problème et stabiliser le marché immobilier.

De quoi s’agit-il ?

L’immobilier est un secteur en constante évolution, et le Cameroun ne fait pas exception à cette tendance. Entre 2016 et 2020, le prix moyen d’un mètre carré de terrain à Douala en passant de 5000 à 10000 francs CFA. C’est une augmentation de 100 % en seulement quatre ans. En zone urbaine, le m² de construction au standing moyen est situé entre 250000-400000 FCFA. Pour les constructions dites « spéciales », le m² est de 600000. Cette augmentation masque de multiples phénomènes sociaux qui dérèglent le système normatif mis en place par le gouvernement. C’est dans ce sens que, sans même se rendre compte, certains trouvent normal d’acheter des terrains à plus de 100000 FCFA/m². Les étudiants aussi sont contraints de louer des chambres à plus de 35000F par mois juste parce qu’ « il y a le goudron et c’est à côté de la route ». D’autres payent des maisons chères parce qu’une élite vit également dans la zone. Ceci est d’autant plus inquiétant que le nombre de personnes vivant en location ne cesse d’augmenter et le salaire minimum bien qu’ayant augmenté dernièrement ne reflète avec exactitude le niveau de vie moyen des populations. En effet, le rapport de l’INS mentionne qu’en 2001, 48% des habitants étaient locataires alors qu’en 2014, ce pourcentage est passé à pratiquement 60% soit une évolution de plus de 10%.

Les données disponibles recueillies permettent de faire quelques estimations de l’évolution des prix sur le marché de l’immobilier. Il en ressort par exemple que l’indice des prix des logements (neufs et anciens) à Yaoundé est passé de 102,8 au 1er trimestre 2013 à 133,6 au 4e trimestre 2022. D’après une enquête menée auprès de certains cadres au MINDCAF, il en ressort qu’en 2015 par exemple, dans les villes de Yaoundé et Douala, le prix d’un appartement d’une chambre en dehors du centre-ville était de 57000CFA, tandis qu’un appartement de trois chambres dans le centre-ville coûtait 459 233,27 CFA.

Cette situation pose un défi majeur pour les citoyens qui aspirent à posséder leur propre logement ou investir dans ce secteur lucratif. Au regard du niveau élevé de pauvreté, des  mauvaises conditions de vie et d’un développement durable en retard, il est important d’essayer de comprendre les raisons derrière la flambée des prix immobiliers au Cameroun et de proposer des pistes d’action à mener par les collectivités locales décentralisées. Ces dernières ont un  rôle crucial à jouer pour résoudre ce problème.

Les facteurs liés à cette tendance haussière

Les prix immobiliers au Cameroun sont influencés par plusieurs facteurs. Nous regroupons ces facteurs en trois catégories à savoir : les facteurs infrastructurels, les facteurs économiques et les facteurs institutionnels.

En ce qui concerne les facteurs économiques, l’on note le déséquilibre entre l’offre et la demande de biens immobiliers. La demande croissante de logement a conduit à une augmentation de l’activité des investisseurs locaux, de l’État et des gros investisseurs internationaux sur le marché. De plus, la dépréciation et les rénovations effectuées sur les propriétés peuvent également avoir un impact sur les prix immobiliers. La construction de logements neufs est un autre facteur qui peut influencer les prix. Une pénurie durable de logements neufs pourrait entraîner une augmentation des prix, car l’offre ne répondrait pas à la demande croissante. L’autre facteur est celui de la spéculation immobilière. Les spéculateurs peuvent acheter des biens immobiliers dans l’unique but de les revendre à un prix plus élevé. Il existe aussi une montée croissante des « faux agents » immobiliers et des concierges de bâtiments en location qui modifient le prix au cours de la négociation avec les clients sans le consentement du propriétaire. Ce phénomène crée une bulle immobilière à l’image de la crise des « subprimes » car l’augmentation des prix qui en découle ne reflète pas l’état actuel de l’économie.

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Pour les facteurs infrastructurels, on retient l’urbanisation rapide, les couts élevés de construction et l’insuffisance infrastructurelle. En effet, les individus qui souhaitent obtenir une maison et même les bailleurs en location mettent très souvent en avant des critères tels que la facilité d’accès, la présence d’une école, d’un hôpital. De ce fait, le prix varie à mesure que ces critères sont pris en compte. De plus, le coût des matériaux de construction influence directement le prix du bien.

La corruption est sans doute la principale variable lorsqu’on évoque les facteurs institutionnels. Il existe plusieurs canaux par lesquels cette dernière favorise la volatilité des prix. D’abord, dans un pays corrompu, les constructeurs et les agents immobiliers doivent corrompre les agents de l’état afin d’obtenir plus rapidement les permis et autorisations nécessaires. Ensuite, ces coûts supplémentaires sont considérés comme des coûts de transaction, la corruption ajoutant une certaine volatilité dans la mesure ou les acteurs du marché de l’immobilier par le biais des pots-de-vin influencent le prix du marché (Goel, 2013).

Enfin, la masse monétaire en circulation dans une économie corrompue est plus importante. D’autant plus que les fonctionnaires corrompus se tournent très souvent vers l’immobilier pour y dissimuler leurs revenus illicites par le biais de la pression sur la demande.

Comment les municipalités peuvent-elles faire face à ce phénomène qui semble bien ancré dans la société ?

Pour relever ces défis, les mairies peuvent mettre en œuvre différentes stratégies potentielles. Voici quelques exemples :

1- Collecte de données sur l’offre et la demande de logement dans la région : Cela peut inclure des statistiques sur la croissance démographique, les migrations, les investissements étrangers et les plans de développement. Cette collecte peut être très utile au développement local de plusieurs manières.

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Cela peut être très utile pour les mairies pour plusieurs raisons. Les données peuvent aider à comprendre les tendances actuelles en matière de logement et à prévoir les besoins futurs. Cela peut aider à planifier le développement de nouveaux logements et à déterminer où les ressources doivent être allouées. Elles sont aussi un outil de transparence dans la mesure où les citoyens peuvent avoir accès à des informations sur l’offre et la demande de logements dans leur région et ne pas faire face aux spéculateurs véreux.

2- Planification urbaine efficace : Les mairies peuvent élaborer des plans d’urbanisme à long terme qui tiennent compte de la croissance démographique, de l’utilisation des terres, de la création de zones résidentielles équilibrées et de la protection des espaces verts. Une planification urbaine bien pensée peut contribuer à réguler l’offre et la demande de logements, ce qui peut avoir un impact sur les prix.

3- Promotion de l’investissement dans les infrastructures : Les mairies peuvent travailler en étroite collaboration avec les autorités gouvernementales pour investir dans les infrastructures telles que les routes, les réseaux d’eau et d’électricité, les écoles et les hôpitaux. Un développement adéquat des infrastructures peut rendre les zones moins développées plus attractives pour les investisseurs immobiliers, réduisant ainsi la pression sur les prix dans les zones déjà développées.

4- Encouragement de la construction de logements abordables : Les mairies peuvent mettre en place des incitations et des réglementations pour encourager la construction de logements abordables. Cela peut inclure des avantages fiscaux pour les développeurs qui proposent des logements à des prix inférieurs au marché, des partenariats public-privé pour la construction de logements sociaux, ou encore des programmes de subvention pour les ménages à faible revenu.

5- Contrôle de la spéculation immobilière : Les mairies peuvent mettre en place des réglementations pour limiter la spéculation immobilière, telle que l’imposition de taxes sur les propriétés inoccupées ou la limitation des transactions immobilières à des fins spéculatives. Ces mesures peuvent dissuader les investisseurs de spéculer sur le marché.

Références

Goel, R. K., & Punzi, M. T. (2013). Corruption and Housing Price Volatility: Empirical Evidence-Corruzione e volatilità del mercato immobiliare: evidenze empiriche. International Economics, 66(3), 323-336.

Goel, R.K. (2013), “Initiation of Corrupt Exchanges and Severity of Corruption”, Financial Theory & Practice, 37(2), 207‑222

Dr. Laurent-Fabrice Ambassa

Économiste-chercheur, ACDC


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