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Djeukam Tchameni : « Un homme politique sérieux doit être prudent dans ses relations avec les présidents africains »

Après avoir apporté son soutien à la junte militaire au pouvoir, l’homme politique camerounais Djeukam Tchaméni revient sur ses relations avec des Chefs d’Etat africains et il profite pour donner le conseil à ses collègues acteurs politiques. Lebledparle.com vous propose le texte intégral.

Djeukam Tchameni STV

Mes relations avec les chefs d’état africains

En tant qu’homme politique, j’appartiens à des organisations qui cherchent à s’emparer du pouvoir politique pour mettre en œuvre un projet de société. Lorsque l’on a un tel objectif, il est avantageux de rencontrer autant de chefs d’État que possible pour apprendre d’eux les ficelles du leadership politique.

Je suis toujours étonné de voir des dirigeants de partis politiques qui n’ont aucune relation avec des chefs d’État. Cela montre que leur objectif n’est pas vraiment de prendre le pouvoir d’Etat, mais simplement de devenir députés ou ministres du gouvernement en place.

Je suis entré en politique parce que j’étais habité – presque hanté – par un idéal révolutionnaire panafricain.  J’appartiens donc à des organisations qui cherchent à prendre et à exercer le pouvoir afin de mettre en œuvre les changements radicaux nécessaires à la libération totale du Cameroun et à l’unité fructueuse de l’Afrique et des Africains dans le monde.

Un homme politique sérieux doit avoir une vision à long terme et doit être extrêmement prudent dans ses relations avec les présidents africains. Les présidents changent sous l’effet de toutes sortes de pressions exercées sur eux par des forces locales et étrangères. Ils peuvent donc prendre des décisions que l’on ne comprend pas ou que l’on désapprouve totalement. Un politicien avisé prendra soin de se positionner afin que  sa relation avec un président ne compromette pas son propre avenir politique.

Comment y parvenir ?

Tout d’abord, il est préférable de rechercher d’abord des relations avec des présidents qui ont les mêmes tendances idéologiques que vous.  Je suis un révolutionnaire et un panafricaniste. La plupart de mes amis présidents sont des personnes qui avaient la même vision, du moins au moment où nous nous sommes rencontrés. Mon premier contact de haut niveau a été Thomas Sankara, suivi de Blaise Compaoré.  Ils m’ont présenté à de nombreux autres présidents ou militants de gauche qui sont devenus présidents par la suite. Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum font partie de ce premier groupe.

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Deuxièmement, il faut se lier d’amitié avec les présidents des pays voisins. Il est pour le moins insensé de penser que l’on peut avoir un projet de prise de pouvoir dans une région sans avoir quelque part l’amitié ou la complicité d’un ou plusieurs présidents voisins. Un prétendant sérieux au pouvoir au Cameroun doit avoir de bonnes relations au Gabon, au Congo, en République centrafricaine ou au Tchad.  Je ne dirais pas qui je connais dans la sous-région. Tout ce que je peux avouer, c’est qu’il ne faut pas faire confiance aux politiciens du Nigeria. Ils changent plus rapidement que des pirouettes.

Lorsque vous réussissez à établir de bonnes relations à haut niveau, vous devez éviter les conflits d’intérêt. Si vous voulez établir une relation politique ou diplomatique avec un président, restez à ce niveau. Ne faites pas d’affaires avec lui en même temps. Si vous voulez faire des affaires avec lui, mettez vos relations politiques en veilleuse. Dès que vous commencez à présenter des propositions commerciales à vos amis politiques, la nature de votre relation change. Vous vous mettez dans une position où vous risquez de perdre la liberté de dire à ce président ce que vous pensez vraiment sur le plan politique.

J’ai été l’ami de Blaise Compaoré depuis 27 ans. Issoufou et Bazoum ont été au pouvoir pendant 12 ans à eux deux. Je n’ai jamais obtenu de contrat gouvernemental ni au Burkina Faso ni au Niger.

Un autre conseil. Ne vous mêlez jamais trop ouvertement de la politique intérieure d’un pays dont le président est votre ami. Aidez-le discrètement quand vous le pouvez. Exprimez clairement vos idées socialistes et panafricanistes, mais gardez des relations cordiales avec les autres forces politiques du pays. Ne vous lancez jamais dans des affaires privées louches.

En suivant ces conseils, vous garderez la latitude politique de dire ce que vous pensez à votre ami présidentiel et de vous librement vous désolidariser de lui s’il s’éloigne de vos penchants révolutionnaires.

Lorsque Blaise Compaoré s’est trop rapproché de la France, je me suis désolidarisé politiquement de lui. Il est donc facile de comprendre pourquoi sa chute n’a en rien affecté ma position au Burkina Faso. Bazoum s’est également rapproché des Français et a commencé à attaquer le Mali et le Burkina pour leurs positions anti-imperialistes. J’ai pris mes distances avec lui.

Je ne dois à mes amis présidents rien d’autre que mon soutien révolutionnaire. Je ne dépends pas d’eux pour me nourrir ou pour développer mes affaires. Ce que j’attends d’eux, c’est un soutien politique et diplomatique réciproque en cas de besoin.

S’ils s’écartent de la voie révolutionnaire et panafricaniste et se transforment en marionnettes de la France ou de toute autre puissance occidentale, je prends mes distances.

J’ai écrit un livre sur Bazoum intitulé : « Mohamed Bazoum, Chemin de la Presidence ». Dans ce livre, je décris comment son parti de gauche, le PNDS, créé en 1990, a manœuvré intelligemment pendant 20 ans pour arriver au pouvoir par les urnes. J’ai exprimé l’espoir que Bazoum, grâce à sa grande expérience militante, établirait une ligne rouge entre compromis et compromission. À ma grande déception, il n’a pas voulu ou n’a pas su le faire. Il a franchi la ligne rouge et son peuple a réagi.

Une forte vague anti-impérialiste et panafricaine déferle sur l’Afrique aujourd’hui. Les présidents qui vont à l’encontre de la roue de l’Histoire tomberont, tôt ou tard, pacifiquement ou violemment.

 

Djeukam Tchameni

Panafricaniste


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