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Le vrai problème de La Bataille Des Chéries

Eric Elouga, journaliste à Cameroon-Tribune a fait une note critique de la nouvelle série d’Ebenezer Kepombia, plus connu par le nom d’acteur, Mitoumba. Il a beaucoup critiqué Madame Monsieur mais il arrive à trouver aujourd’hui que c’était mieux écrit que ce qu’il voit sur la bataille des chéries. C’est une analyse sommaire des premiers épisodes. Lebledparle.com vous propose la critique intégrale.

La bataille des cheris
Affiche de la bataille des chéries - DR

Si en terme d’audiences le succès devrait encore être au rendez-vous pour la dernière série de Pa’a Kepomb, les premiers avis ont laissé transparaître çà et là des formes de déceptions. Madame Monsieur, j’en ai parlé, avait d’énormes problèmes de cohérence et d’écriture mais savait captiver son public au point d’en devenir addictive pour les plus passionnés. Pourquoi La Bataille Des Chéries a ce je ne sais quoi qui fait que (pour l’instant) ça accroche nettement moins ? Parce que la série n’a pas réussi son pari de l’immersion.

Dans toute œuvre de fiction, il y a un contrat tacite qui se tisse entre le produit et son public. L’œuvre propose un univers et dans le champ de celui-ci développe des éléments de cohérence interne qui doivent susciter un sentiment d’immersion. Et en contrepartie, le lecteur ou téléspectateur y adhère à travers ce que les spécialistes du 7e art appellent la suspension volontaire d’incrédulité (SVI). C’est la SVI qui fait par exemple que vous pouvez regarder un starwars ou un film Marvel en acceptant un univers où on se déplace dans l’espace, utilise des sabre lasers, où on envoie des boules de feu, alors qu’on a bien conscience que dans la vraie vie ça ne pourrait exister. Mais pour que cette immersion fonctionne, il est important que tous les éléments narratifs donnent l’impression d’une cohérence d’ensemble rendant le récit crédible, à défaut d’être réaliste. Pour prendre un exemple, si votre film est censé se dérouler dans les années 1800, mais qu’on y voit des gens habillés en jean et conduire des Mercedes au lieu des carrosses, ce défaut de cohérence empêche immédiatement l’immersion.

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En prenant pour toile de fond de son intrigue le domaine de la politique, La Bataille Des Chéries a fait un choix très casse-gueule. La politique est un domaine social complexe où le différentiel entre sa vitrine publique et ses coulisses requiert une subtilité d’écriture extrême pour arriver à bien le restituer. Les modèles du genre comme House Of Cards, Scandal, ou Game Of Throne, ont su en saisir l’essence pour mettre en scène cette subtilité narrative qui combine les ambivalences, volte-face, trahisons inattendues, opportunisme et allégeances, alliances contre nature, des enjeux qui évoluent et changent tout comme les intérêts, le tout avec une violence où jamais la morale, le manichéisme et la naïveté n’ont de place. Quand ce mélange est réussi, même pour un public non averti sur les questions politiques, c’est un régal.

Mais dans La Bataille Des Chéries, cette toile de fond de la politique nous est présentée avec un simplisme déroutant. Les enjeux électoraux sont extrêmement basiques et monocordes, avec un développement sans nuance. Les trajectoires des personnages n’en sont que plus lisses, prévisibles et les arcs peu intéressants. Jamais on ne ressent le côté stratégique, la roublardise, les coups qu’on n’a pas vu venir et cette brutalité cynique qui non seulement donnent du piquant à la mise en scène de la politique à l’écran, mais surtout sont calqués sur ce qu’elle est dans la réalité.

Les questions communautaires par exemple, qui en Afrique sont le sel même du combat politique, ne sont presque pas abordées (le nzuiland étant un Etat fictif cet aspect pouvait pourtant aisément être traité sans craindre de fâcher), le poids de l’argent (qui achète les consciences des électeurs comme les allégeances changeantes des barons politiques, de l’administration ou des corps intermédiaires comme les médias) est traité trop superficiellement. Tout comme la scène du procès (où il y a des Objections Votre Honneur alors qu’il s’agit d’une spécificité propre au système judiciaire américain), on assiste à une parodie de politique, structurée autour de clichés grossiers.

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Du coup même pour les moins familiers des arcanes politiques, une partie du public ressent que ce qui lui est proposé sonne faux, ne correspond pas complétement aux codes du genre. Même s’il n’a pas les outils d’analyse pour comprendre pourquoi, l’absence D’immersion s’installe d’elle-même, se traduisant par cette impression de lassitude devant une intrigue qui tourne sans savoir où elle veut aller. Seul le volet des rivalités entre les « chéries » parvient péniblement à raccrocher aux branches l’intérêt des inconditionnels. Mais là aussi, il y aurait pas mal à redire, sans doute dans une publication prochaine qui évoquera d’autres aspects de l’écriture et de l’acting. Avec un traitement particulier pour l’actrice principale du show, dont l’analyse du jeu a, pour les passionnés de cinéma comme moi, bien des choses intéressantes à révéler.

 


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