Arrêté dans la matinée du jeudi 17 janvier 2013 à Téma, au Ghana – jour de commémoration du 52ème anniversaire de l’assassinat du tout premier Premier ministre du Congo libre et indépendant Patrice Emery Lumumba
, l’ancien ministre de la jeunesse du dernier gouvernement du président Laurent Gbagbo et leader du Congrès panafricain des jeunes patriotes (Cojep) Charles Blé Goudé a été immédiatement emmené dans les locaux du Bureau national des investigations, à Accra où il avait pu parler dans la matinée du vendredi 18 janvier 2013 à ses avocats ghanéens. Il avait été par la suite transféré le même vendredi en Côte-d’Ivoire. Dans un bref communiqué conjoint publié vendredi dernier, les ministères ivoiriens de l’Intérieur et de la Justice ont confirmé les faits.
Procédures judiciaires ouvertes Ces deux ministères ont indiqué qu’«à l’ occasion d’une opération policière conjointe de la Côte d’Ivoire et du Ghana, M. Charles Blé Goudé a été appréhendé le jeudi 17 janvier 2013. Il est actuellement détenu en Côte d’Ivoire par les services de la police ivoirienne dans le cadre de la poursuite des procédures judiciaires déjà ouvertes contre lui en Côte d’Ivoire».
Visé par un mandat d’arrêt international émis par les autorités ivoiriennes pour son implication présumée dans les violences post-électorales de novembre 2010 à mai 2011 qui ont fait environ 3.000 morts, Charles Blé Goudé avait trouvé refuge au Ghana depuis la fin de cette crise. Chargé de coordonner sa défense, l’avocat israélien Nick Kaufman avait déclaré vendredi à l’Afp que la justice ghanéenne lui avait expliqué que l’arrestation de M. Blé Goudé répondait à un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (Cpi): «Pour le moment, je n’en suis pas sûr», avait-il tout de même souligné.
En effet, la Cpi a récemment affirmé à l’Afp n’avoir pas de «lien public» avec l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo. C’est-à-dire qu’elle n’avait pas rendu public un mandat d’arrêt contre Charles Blé Goudé. Ce qui n’exclut pas cependant la possibilité d’un mandat d’arrêt sous scellé. Surnommé «le général de la rue» pour son immense capacité de mobilisation et régulièrement cité comme l’un de ceux qui pourraient être interpellés par la Cpi, Charles Blé Goudé s’était dit prêt à comparaître devant la Cpi. Dans un entretien avec l’Afp en juin 2012, mais aussi dans une interview exclusive publiée dans Jeune Afrique n° 2630 du 5 au 11 juin – interview reprise dans jeuneafrique.com-, Charles Blé Goudé revenait sur la chute du président Laurent Gbagbo dont il demandait la libération, sa cavale et sa vision des nouvelles autorités ivoiriennes.
Blé Goudé: «Je ne me reproche rien»
Il y réaffirmait ses propres ambitions politiques. Il disait avoir «refusé d’appeler les Jeunes patriotes à descendre dans la rue pour éviter des tueries massives». Charles Blé Goudé était clair sur ce point précis: «Je suis prêt à aller à la Cpi parce que je ne me reproche rien », avait-il dit. Charles Blé Goudé attend son éventuel transfert à la Cpi. Son transfert brusque et rapide en Côte d’Ivoire est survenu au moment où des membres du camp Gbagbo se préparaient à organiser sa défense au Ghana, dans l’espoir d’empêcher une extradition. Dans un communiqué publié avant l’annonce de l’extradition de Charles Blé Goudé, Human Rights Watch (Hrw) avait salué son arrestation. Mais, Hrw avait appelé les autorités ghanéennes à s’assurer, avant de le remettre à la Côte d’Ivoire, qu’il ne courait pas «un risque crédible de traitement inhumain ou de torture» dans son pays.
L’arrestation et l’extradition de Charles Blé Goudé ont fait beaucoup de bruit dans la capitale ivoirienne. Selon certaines sources, Charles Blé Goudé ne disposait pas du statut de réfugié politique au Ghana. Il était sous le coup des sanctions de l’Onu depuis 2006: gel des avoirs et interdiction de voyager. Il avait rendu publique l’année dernière une lettre dans laquelle il fustigeait les exactions des forces pro-Ouattara et prônait la voie de la réconciliation. Il est de ceux qui prêchent depuis une véritable réconciliation en Côte d’Ivoire. «Je suis prêt à jouer ma partition (…) et les acteurs politiques – au pouvoir ou dans l’opposition – doivent reconnaître leur part de responsabilité», disait-il.
L’ancien «général de la rue» de Laurent Gbagbo estimait avoir «permis à la Côte d’Ivoire d’éviter la catastrophe à plusieurs reprises. Malheureusement, ce n’est pas reconnu», avait-il indiqué.