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Anicet EKANE: au Cameroun, « les gens sont tribalistes dans la nuit. Le jour venu, ils jouent aux malins »


C’est dans ce sens que l’homme fort du Manidem et candidat malheureux à la récente présidentiel au Cameroun voit la situation Politico-Ethnique dans notre pays. Il s’est exprimé dans les colonnes du quotidien le Jour 13 Marsanicet-ekane


Morceaux Choisis…

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Ces temps-ci, intellectuels et activistes, échangent de plus en plus, même indirectement, sur les questions ethniques dans notre pays. Pourquoi cela arrive-t-il en ce moment?

Autant on entendait ces débats en 1990, autant on les entend maintenant.

On se situe dans une phase particulière.

Tout le monde sait que l’alternance arrive et il y a des enjeux de pouvoir. Cette mise en évidence de la théorisation du tribalisme est le résultat de l’appât du pouvoir en transition. L’axe nord-sud, toutes les élites dont l’élite bamiléké qui cherche des alliés pour soi-disant partager le pouvoir participent de cette perspective.

Et les hommes politiques, eux, semblent être en retrait…

Les hommes politiques sont en retrait parce que la plupart d’entre eux travaillent sous le prisme du tribalisme. Je vais vous citer des exemples. Au Sdf, John Fru Ndi a déclaré tout de go qu’un Bamileke ne peut pas être secrétaire général de son parti. A l’Upc, vous avez les tribus piliers qui font que les secrétaires généraux doivent être bassa et les présidents, bamileke. A l’époque de la restauration du multipartisme, je m’étais entendu demander ce que moi, un Sawa, venait faire à la tête de l’Upc. Au Rdpc, il y a une hégémonie beti qui ne fait aucun doute. Il y a une ethnicisassions de l’Udc. Dans les congrès de l’Udc, à part le français et l’anglais, on parle généralement une autre langue dans les couloirs. A l’Undp, il y a une pratique de cloisonnement ou de promotion des différents responsables en fonction de leur tribu. Je me souviens quand Pierre Flambeau Ngayap a été désigné secrétaire général de l’Undp, Shanda Tonme a déclaré que l’Undp avait fait le choix du nombre et de la puissance économique. Lui, qui se fait passer pour le chantre de la défense des intérêts des peuples bamileke, avait félicité Bello Bouba Maïgari.

Est-ce à dire que le tribalisme arrange à peu près tout le monde ?

Oui, absolument. Quand on parle de fiefs des partis politiques, en réalité on parle de fiefs régionalistes. La plupart des dirigeants politiques de notre pays dessinent leur politique suivant le prisme ethnique. Dans les partis politiques, il y a, comme au niveau du pouvoir, une répartition des postes en fonction des régions et des origines. Mais vous ne le verrez pas au Manidem et dans les partis d’obédience upéciste en dehors de l’Upc gouvernementale où le tribalisme s’est installé de façon totale. Ce prisme tribaliste est dans la pratique de la plupart des hommes politiques qui ne s’en cachent même pas. La plupart des responsables politiques du Nord se définissent comme tels, comme une association, une synergie des hommes politiques du Nord indépendamment de leur orientation politique. Ça pose problème. Jean-Jacques Ekindi est dans la même logique. Et malgré son discours, son terreau politique est un terreau tribaliste. Malgré tout le mal qu’on peut penser du Sdf, ce parti a gagné toutes les mairies à Douala en 1996. Et on a vu Ekindi, à la tête d’une association, «Kond’a mboa sawa», «la renaissance du peuple sawa» pour défiler avec d’autres intégristes dans les rues de Douala. Avec des pancartes sur lesquelles il était écrit «que les Bamileke aillent voter chez eux». Explicitement et au vu et au su de tout le monde. Ekindi était dans la marche. Et l’administration a laissé faire parce qu’elle était embêtée que le Rdpc ait perdu toutes les municipalités de Douala.

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Au même moment, pourquoi la question de l’ethnie est-elle si taboue?

C’est parce que les gens sont tribalistes dans la nuit. Le jour venu, ils jouent aux malins. Tous ces hommes politiques, à l’exception de celle de ma famille politique, font de la politique dans l’arrière boutique et dans la nuit dans les associations tribales ou tribalistes. Le jour venu, ils viennent parler d’intégration nationale à la radio ou à la télévision. Ça les arrange parce que chacun est roi et maître chez soi.

En quels termes se pose la question ethnique chez nous?

Il faut préparer notre pays à l’intégration. Les échanges, les mariages inter-ethniques, le brassage des populations du fait du développement des infrastructures, l’ouverture de nos enfants hors de leur région font qu’on arrive automatiquement à l’intégration. Cette intégration qui brasse les cultures est même freinée de façon théorique par les hommes politiques qui voudraient que le Cameroun soit le résultat d’une balkanisation. Il faut encourager l’intégration par des mesures simples: les internats scolaires, les affectations. Dans ma région d’origine, tous les délégués régionaux des ministères sont des Sawa. Un peu partout ailleurs, c’est la même configuration. On ne peut pas en même temps dire qu’on veut un Cameroun uni, qu’on veut l’intégration nationale, fustiger le Rdpc et se complaire dans cette façon de voir les choses selon laquelle chacun doit diriger chez lui. Et les événements de Deido ont montré que beaucoup ont voulu les exploiter ainsi.

Appartenir à une ethnie est-elle un avantage et à une autre, un inconvénient?

Je suis très amusé quand j’entends les gens dire «je suis fier d’être Sawa, je suis fier d’être Bamiléké». Mais, c’est un accident que votre père ait rencontré votre mère. Imaginez un garçon dont le père biologique est Bamiléké et qui est élevé à Douala. Il aura toutes les habitudes et les réflexes d’un «nkwah», comme on dit chez les Bamileke. Et l’inverse est vrai. Le milieu social fabrique les individus. C’est ça qui fait en sorte que l’individu est fabriqué par l’environnement et pas par le gêne bamiléké ou sawa. Je ne suis pas fier d’être Sawa, je suis fier de ce que je suis devenu, un militant politique ardu. Je me suis battu pour le devenir. Mais le fait que mon père soit de Bomono, je n’ai aucune fierté à en tirer. A la limite, je peux être fier de ce que mon père a réalisé. Je peux être fier de ce que les Um, Moumié et Ouandie ont fait parce qu’ils sont des Camerounais. Parce que je me réclame d’eux. Je suis fier des Milla, Kunde et Eto’o parce que nous sommes de la même nation. Mais être Sawa, je ne vois pas en quoi c’est extraordinaire.

Peut-on valablement parler d’un tribalisme d’Etat dans notre pays?

On peut en parler parce que dans des pouvoirs forts, vous avez l’hégémonie d’une élite. Et l’élite beti est hégémonique dans ce pouvoir. Forcément, elle se sert de cette hégémonie pour mettre en place une structure étatique qui renforce sa région d’origine. Cette élite excite et caporalise les masses pour leur faire admettre que ce pouvoir leur appartient. Ce qui est totalement faux. Allez voir ce qui se passe en pays beti. Moi, je connais toute la région du Sud en particulier et même la région du Centre. Il n’y a pas région plus enclavée que le Sud. Pourtant, c’est la bourgeoisie politico-administrative du Sud qui est au pouvoir. En revanche, à l’Ouest, les infrastructures ne manquent pas. C’est l’hégémonie d’une bourgeoisie. Ce ne sont pas les Betis et les Bulu qui sont au pouvoir. Donc, le tribalisme d’Etat est lié à la nature néocoloniale du régime qui est là pour diviser les Camerounais.

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Dans ce contexte, il semble bien qu’il y ait un problème particulier, celui des Bamileke…

Le problème bamileke est en réalité un problème de pouvoir. La bourgeoisie bamileke, sur le plan économique, est une bourgeoisie puissante. Elle a donc des appétits, des envies d’avoir une place plus importante dans le système du fait qu’elle a l’atout économique qui, même minime du fait du poids des multinationales, est réel. Forcément, cela provoque des sueurs froides aux autres bourgeoisies. On va donc vite à l’assimilation et à l’amalgame en considérant qu’il faut avoir peur de tous les Bamiléké. Comment peut-on avoir peur des pauvres gars qui souffrent à Bepanda et à Village et qui n’ont pas de quoi manger?

Sur quoi devrait-on déboucher?

Si on continue comme cela, on va vers la déflagration. Certains disent qu’il n’en sera rien parce que nous avons plusieurs ethnies. C’est un faux argument. Tout récemment, à Deido, imaginez que dans l’enchainement des représailles, une famille de Deido ait brûlé. Que, par la suite, une famille ait brûle à Bepanda… Contrairement à ce qu’on pense, on peut rapidement déboucher sur une déflagration qui embraserait le pays. La crise économique, le chômage, la misère, le désarroi des gens les ramènent à des instincts primaires très dangereux. Lorsqu’on fait la justice populaire, c’est parce que les gens pensent qu’on leur prend le peu qu’il leur reste. Mais quels sont les responsables de cette paupérisation ? C’est le milliardaire bamileke qui s’est enrichi avec la fraude douanière ou les impôts non payés. C’est le fonctionnaire beti qui a détourné l’argent du pays et reste impuni. C’est l’élite bourgeoise du Nord qui s’est enrichie au détriment des douanes dans l’importation du riz, du sucre ou de la farine. Ce n’est pas le pauvre Camerounais qui se débrouille chaque jour pour survivre.

Devrait-on pénaliser plus franchement le tribalisme?

En réalité, quand on pénalise, on essaye de trouver une solution administrative à un problème politique. Il faut poser le problème ethnique au Cameroun et en discuter ouvertement. Comment un homme politique, pendant la présidentielle, peut-il se prévaloir d’être le candidat d’une région? C’est contraire à la Constitution. Un candidat comme celui-là devrait être disqualifié. Si la situation se développe comme on le voit, il y a de quoi être inquiet. Mais je compte, avec d’autres patriotes, sur le patriotisme des Camerounais, sur la mutation de cette société de façon dialectique et pas à travers la misère et le chômage.

                                                                                    Avec Le Jour


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