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Affaire FIFA: Issa Hayatou: « J’ai la conscience tranquille »

Issa Hayatou
a Fondation Issa Hayatou décerne un "trophée de la paix" président togolais

Issa Hayatou

Peu lui importent les scandales et les accusations. Le président de la CAF maintient son soutien à Blatter et dit n’avoir lui-même rien à se reprocher.

Le rendez-vous a été fixé au dernier moment, au cœur de Paris, à deux pas des Champs-Élysées, sous le soleil du mois de juin. Cinq jours plus tôt, Issa Hayatou était chez lui, à Garoua. La veille, il se trouvait en Suisse. Le lendemain, c’est pour le Canada qu’il devait s’envoler, afin d’assister à la Coupe du monde féminine. Jérôme Valcke, le secrétaire général de la Fifa, a annulé ce déplacement, jugé à haut risque depuis que la justice américaine s’est attaquée à la corruption dans le football. Pas lui : « Je n’ai peur de rien », dit-il, serein. Mais aussi désireux de répondre aux nombreuses accusations dont il est l’objet.

Jeune Afrique : Le vote pour l’attribution du Mondial 2010, que se disputaient le Maroc et l’Afrique du Sud, a-t-il été truqué, comme l’affirme le Sunday Times ?

Issa Hayatou : Truqué par qui ? Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous, les Africains, nous avons fait un tirage au sort pour ne pas donner l’impression que nous étions pour telle ou telle candidature. Nous étions quatre. Nous avons décidé de donner deux voix à l’Afrique du Sud, et deux voix au Maroc. Et nous avons tiré au sort. Ismail Bhamjee et Amos Adamu ont tiré le bulletin de l’Afrique du Sud. Amadou Diakité et moi celui du Maroc. C’est la politique de la maison.

Pourquoi Ismail Bhamjee, à l’origine des allégations du Sunday Times, a-t-il dit cela ?

Je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que j’ai voté pour le Maroc, parce que le tirage au sort en a décidé ainsi.

Vous n’en aviez jamais entendu parler ?

Non, c’est la première fois.

Sepp Blatter a-t-il bien fait d’annoncer sa démission le 2 juin ?

Je ne peux pas vous dire, j’en ai été aussi surpris que vous.

Avez-vous envisagé de démissionner vous aussi ?

Pour quelles raisons ? Nous avons soutenu Blatter, et nous ne le regrettons pas. Il a beaucoup fait pour le football en général, et notamment pour l’Afrique, en nous permettant d’obtenir la Coupe du monde et en finançant de nombreux projets.

Vous parlez des projets du programme Goal ?

Oui. Mais je ne veux pas qu’on interprète mes propos : il n’a pas aidé le continent plus que les autres. Je préside la Commission qui distribue les projets, je sais comment ça se passe. Ce sont des décisions collectives, et tous les pays en ont bénéficié.

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Faut-il rénover la Fifa de fond en comble ?

Une maison a toujours besoin d’être rénovée. Mais il y a beaucoup de confusion autour de la Fifa. Les gens font des amalgames.

N’est-elle pas gangrenée par la corruption ?

C’est ce qui se dit. Si je soutiens le contraire, vous ne me croirez pas. Mais je ne pense pas.

Phaedra Almajid, un ancien membre de l’équipe de campagne du Qatar pour l’obtention de la Coupe du monde 2022, vous accuse d’avoir négocié votre voix 1,5 million de dollars [1,3 million d’euros]…

Je n’ai jamais vu cette femme de ma vie ! Elle prétend que nous avons rencontré les gens du Qatar dans un hôtel en Angola. Où ? Quand ? Elle l’a dit une première fois, puis elle a admis qu’elle avait menti. Un an plus tard, elle renouvelle ses accusations. Elle raconte n’importe quoi ! On lui demande de fournir des preuves. Elle n’en a pas apporté.

Elle cite également Amos Adamu et Jacques Anouma…

Amos Adamu était déjà suspendu à cette époque. Jacques Anouma n’était pas là-bas. J’ai l’impression qu’il y a une force derrière elle.

Quelle force ?

Je ne sais pas.

Pourquoi, lors du congrès de la CAF organisé à Luanda en janvier 2010, avez-vous accepté que le Qatar finance la confédération à hauteur de 1 million de dollars ?

Il s’agissait de 1,8 million de dollars, pas de 1 million. Versés en deux fois 900 000 dollars. Les Qataris nous les ont donnés pour pouvoir exposer leur projet [de candidature à la Coupe du monde 2022] lors du congrès.

Les autres candidats auraient-ils dû payer eux aussi pour présenter leur projet ?

Pas forcément. Nous n’avons pas demandé au Qatar de le faire. Il nous l’a proposé. Et le comité exécutif de la CAF a accepté. Nous n’avons pas interdit aux autres candidats d’assister à la présentation.

N’est-ce pas une manière comme une autre d’acheter les voix des Africains ?

Non. D’ailleurs, j’ai convoqué immédiatement après le comité exécutif de la CAF pour dire que ce qui s’était passé ne nous engageait en rien. Je n’ai donné aucune consigne, et chacun a voté en son âme et conscience.

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Le Sunday Times a révélé les méthodes de Bin Hammam pour acheter des voix en 2008, lorsqu’il convoitait la présidence de la Fifa. Étiez-vous au courant à l’époque ?

Non. Quand Bin Hammam invitait les présidents de fédération africains en Malaisie, je l’ignorais. Il ne m’y a jamais convié. Et même s’il l’avait fait, je n’y serais pas allé car je suis son senior au sein de la Fifa.

Le Sunday Times affirme que vous étiez au cœur de ce système…

Mensonge.

Le Maroc est soupçonné d’avoir acheté des voix pour obtenir la Coupe du monde 1998. L’Afrique du Sud, pour celle de 2010. Le saviez-vous ?

Pas du tout. Comment voulez-vous que je le sache ? Personne n’est venu me voir pour me le raconter.

Tous ces scandales ne vous inquiètent-ils pas ?

Non. Je n’ai peur de rien, car je n’ai rien fait. Ma conscience est tranquille.

En 2002, alors candidat à la présidence de la Fifa, vous disiez que vous limiteriez à deux le nombre de vos mandats. Pourquoi ne pas l’avoir fait au niveau de la CAF ?

Je l’ai fait en 2004. En imposant une limite d’âge. C’est moi qui l’ai instaurée.

Ce n’est pas une limite de mandats.

Cela revient au même.

Dans ce cas pourquoi avoir amendé cette décision lors du dernier congrès de la CAF ?

Parce que la Fifa l’a fait l’an dernier, et que nous devions nous mettre en conformité avec ses textes. Si, demain, la Fifa change à nouveau, je serai le premier à revenir dessus.

N’est-ce pas parce que la limite était fixée à 70 ans et que vous en avez près de 69 ?

Non. D’ailleurs, qui vous dit que je serai candidat ?

Le serez-vous ?

Vous êtes électeur ? Vous êtes éligible ? Ça ne vous regarde pas. Je le dirai le moment venu.

© Entretien avec Rémi Carayol, Jeuneafrique


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