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Biographie: Ousmane Sow, premier Noir à l’Académie française des Beaux-Arts

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Ousmane Sow, célèbre sculpteur sénégalais est le premier Noir à  devenir membre de l’Académie des Beaux-Arts de Paris. Portrait de ce plasticien aux « doigts de sorcier » qui, de Dakar à  Paris, a gravé son nom dans la glaise.

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Ousmane Sow – DR

Solennel, presque mal à  l’aise quand il se lève pour prendre la parole, le sculpteur Ousmane Sow déclame, tête baissée, un long discours de remerciements. Nous sommes le mercredi 11 décembre, il est 15 heures, le célèbre plasticien sénégalais devient le premier Noir à  occuper un fauteuil de l’Académie des Beaux-Arts, à  Paris. Sous la coupole de l’Institut de France, Ousmane Sow – qui sera désormais membre associé étranger – a du mal à  cacher son émotion. Il salue sobrement la « sagesse » de ses confrères, le talent d’un autre Sénégalais, l’écrivain Léopold Sédar Senghor, et la mémoire du premier président noir sud-africain, Nelson Mandela.

Ousmane sow, premier africain à l’academie des beaux-arts

« Rien de ce qui m’arrive cet après-midi ne m’est habituel […] Comme mon confrère et compatriote sénégalais Léopold Sédar Senghor, élu à  l’Académie française, il y a trente ans [le 2 juin 1983], je suis africaniste. Dans cet esprit, je dédie cette cérémonie à  l’Afrique toute entière, à  sa diaspora et aussi au grand homme qui vient de nous quitter, Nelson Mandela », a-t-il déclaré, tiré à  quatre épingles dans son costume spécialement conçu pour lui par le couturier d’origine tunisienne Azzedine Alaïa. « Mon élection a d’autant plus de valeur à  mes yeux que vous avez toujours eu la sagesse de ne pas instaurer de quota racial, ethnique ou religieux pour être admis parmi vous », a ajouté le sculpteur africain, soucieux d’être reconnu pour les corps qu’il sculpte et non pour la couleur du sien.

À 78 ans, Ousmane Sow, qui a été élu à  l’unanimité, occupera désormais le fauteuil du peintre américain Andrew Wyeth – qu’il a reconnu mal connaître. Il sera assis devant Jean Cardot, un autre sculpteur de renom qui, aussi ému que le nouvel occupant des lieux, n’a pas tari d’éloge sur son voisin. « Vous êtes l’exemple même de la richesse et de la merveilleuse diversité de l’expression artistique », a-t-il déclaré lors du discours d’intronisation. « Quelle audace ! Quel succès ! Oui vraiment, de l’audace, vous n’en manquez pas. »

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Ousmane Sow devant ses scuptures : « Vous avez l’instinct du sculpteur »

Né à  Dakar en 1935, Ousmane Sow débarque à  Paris à  l’âge de 22 ans, où il vit de petits boulots, de nuits passées au chaud dans les commissariats parisiens, de l’hospitalité des uns et des autres, avant d’entrer à  l’école de Boris Dolto. Avant de s’accomplir dans sa passion, il se consacrera donc à  un métier – lié au corps, évidemment – : il sera kinésithérapeute. Mais dès sa plus tendre enfance, Sow sait qu’il deviendra sculpteur. Sur les plages sénégalaises déjà , il ramassait des pierres pour les modeler, les façonner. « Vous renouvelez ce geste vieux comme l’humanité. Vous avez, l’instinct du sculpteur », dit de lui Jean Cardot. Son maître d’école expose l’une de ses premières sculptures dans la classe. Un bon présage.

Il attendra pourtant ses 50 ans avant de se consacrer pleinement à  son art. Il expose d’abord à  Dakar, qu’il a rejoint en 1960, à  l’Indépendance. De cette période sénégalaise, on retient surtout la gigantesque sculpture de plus de 50 mètres, pompeusement appelé « Monument de la renaissance africaine » qu’il a édifiée en 2010 sous le regard bienveillant d’Abdulaye Wade. Sur le continent européen, son œuvre, moins colossale, est présentée en Allemagne, en Italie, en France. Sow s’intéresse à  l’homme, à  l’Africain, aux ethnies zoulou, masaïs, peul, nouba. Il sculpte les peuples d’Afrique « dans une mixture dont il a le secret, à  base de sable, de paille et de jute, soit une vingtaine de produits longuement macérés ensemble », écrit Le Monde.

Ousmane Sow a exposé sur le Pont des Arts, à  Paris, en 1999.

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Le succès est au rendez-vous. Son art dépasse les frontières. Sow devient l’un des créateurs contemporains les plus doués de sa génération. Il expose aux Etats-Unis, au Whitney Museum. « Ousmane Sow ne cisèle pas seulement la complexité des êtres et des choses, des instants et des événements, des émotions et des sentiments, il sait extraire l’énergie vivifiante de la terre pour créer l’Homme à  l’image de l’Homme, il arrive à  extirper de l’inerte la mémoire essentielle du vivant, sait l’emprisonner pour mieux la libérer, la contraindre pour mieux la magnifier », écrit à  son propos l’écrivain John Marcus.

C’est en 1999 qu’il connaît la consécration, quand il expose ses sculptures sur le Pont des Arts, au-dessus de la Seine. Plus de trois millions de visiteurs viendront admirer ses « guerriers » et « lutteurs », massifs, magistraux. La même année, son oeuvre consacrée à  la bataille de Little Big Horn – ultime victoire du peuple sioux sur le général Custer avant l’extermination – fait l’unanimité. Pas moins de trente-cinq sculptures, hommes et chevaux font partie de cette œuvre unique.

Aujourd’hui,Ousmane Sow travaille sur les personnalités qui ont marqué sa vie, une série de sculptures intitulée « Merci » parmi lesquelles on retrouve Victor Hugo, Toussaint Louverture, Martin Luther King ou encore son propre père… Mais mercredi 11 décembre, c’est lui – l’homme « aux doigts de sorcier » comme le surnomme John Marcus – que le monde de l’art a voulu remercier. « Cher Ousmane Sow, conclut ainsi Jean Cardot. Vous étiez naguère sur le pont des Arts. Il suffisait de passer le pont ! Et vous voici désormais parmi nous sous la coupole, où nous sommes heureux de vous accueillir. »


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