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[Tribune] Interrogations sur le rôle de l’élite intellectuelle au Cameroun

intellectuels faussaires

Le 7 janvier 2021, Caroline Meva a proposé à ses lecteurs une tribune sur le rôle de l’élite intellectuelle au Cameroun. Elle pense que l’élite intellectuelle locale est sortie de piste en ce qui concerne son rôle dans l’émancipation et l’éveil des consciences. L’élite est devenue partisane et lance un appel pour un retour de piste.


intellectuels faussaires
Les intellectuels faussaires – DR

De manière récurrente, l’on observe une certaine dérive langagière et comportementale de certaines élites intellectuelles dans notre pays. Je tiens, de prime abord, à préciser que ce propos ne concerne pas la majeure partie de l’élite intellectuelle camerounaise,  constituée de personnalités illustres, valeureuses, compétentes, dignes de respect et de considération, qui font la fierté de notre pays, et que je salue avec déférence ici. Je dénonce l’action  questionnable de quelques unes de ces élites intellectuelles qui sèment le trouble et la confusion dans l’esprit des citoyens. Tel est le cas d’un éminent Professeur d’université, politologue de son état, va-t-en-guerre assumé devant l’Eternel, qui s’est illustré il y a quelques mois   en balançant à tout-va dans les médias et en saturant les réseaux sociaux de messages d’une violence inouïe, aux lendemains  du massacre des enfants à Kumba. Il a attribué mordicus ce massacre aux cessessionnistes ambazoniens, au mépris de la prudence requise à cet effet avant la diligence d’une enquête sur le terrain, sans tirer les leçons du massacre de Ngarbuh,  en dépit du devoir de réserve auquel il est astreint de par ses hautes fonctions universitaires. Il s’agissait notamment d’appels insistants sur l’instauration d’une guerre perpétuelle sur le Cameroun ; 50, 100, voire 1000 ans, martelait-il, sans aucun état d’âme,  sans la moindre compassion pour les victimes collatérales que sont les femmes et les enfants innocents. Il a fait preuve d’un total mépris d’autrui, d’un mépris souverain de la vie humaine.

Plus récemment encore, un autre éminent Professeur d’université, Maître de Conférences mondialement connu, s’est répandu en imprécations, malédictions, appels au lynchage public, à la déportation (le sort réservé aux Juifs dans l’Allemagne Nazie de sinistre mémoire) d’une frange de la population camerounaise, pour leur appartenance à un certain parti politique. Cette attitude ouvertement belliqueuse traduit une intolérance et une irresponsabilité susceptibles d’impacter négativement la cohésion sociale. Par ailleurs,  s’ériger en Procureur de la République, quel que soit le dommage qu’on estime avoir subi, en lieu et place des institutions chargées de rendre la justice, c’est instituer la loi de la jungle où prévaut la loi du plus fort et où chaque citoyen s’arroge le droit de se faire justice lui-même,  avec comme corollaire, l’arbitraire, l’injustice,  les abus de toutes sortes. Il y a lieu de rappeler que nous sommes en démocratie, où ce genre d’agissements n’a pas droit de cité. Aujourd’hui dans notre pays, l’intolérance et la violence verbale s’expriment publiquement, de manière décomplexée, y compris dans les hautes sphères de l’échelle sociale, notamment au niveau de l’élite intellectuelle. L’écart à la norme s’érige petit à petit en norme. En légitimant la violence, l’intellectuel devient un « intellectueur ». Il est donc urgent de repréciser le rôle d’un intellectuel responsable.

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L’Elite intellectuelle dans son rôle de promotrice et de défenseur des principes, normes et valeurs sociales et républicaines.

Une élite intellectuelle est une personnalité qui a accumulé des diplômes,  des savoirs et des savoir-faire, mais aussi et surtout, qui présente des qualités humaines telles que la tolérance et la tempérance, l’altruisme et l’empathie, la discipline et la maîtrise de soi, l’humilité, l’honnêteté, la probité, entre autres.

L’intellectuel responsable se doit d’être l’instigateur, le promoteur et le défenseur des principes qui constituent la fondation axiologique de la société, à savoir, la liberté,  l’égalité,  le travail, le mérite et la compétence, le souci de l’intérêt commun, le respect d’autrui et de la vie humaine, etc…

L’élite intellectuelle occupe le haut du pavé, elle est la crème de la société, et à ce titre, elle se doit d’incarner les principes et valeurs évoqués ci-dessus,  qui concourent à l’élévation de la condition humaine, à l’harmonie et à la paix sociale. Il se présente, de ce fait, comme un modèle, écouté et suivi, parfois aveuglément par les autres citoyens. Il joue alors le rôle de guide et d’éclaireur des consciences. Le philosophe, plus que tout autre, qui s’approprie en priorité la question des valeurs, est concerné.

Comme guide et éveilleur des consciences, l’intellectuel se doit d’éclairer la pensée et l’action individuelle et publique, à la lueur de la lanterne que constituent les principes, valeurs, normes, lois,  procédures et règlements de la République. A cet effet, il a pour il se donne pour objectif de dévoiler les obstacles, les ornières scélérates, les bifurcations trompeuses qui jalonnent le chemin de la vie publique et privée, afin d’éviter des errements et des dysfonctionnements susceptibles de mener à la désorganisation et à la dislocation de la sphère sociale.

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Parce qu’il est écouté, suivi, parce qu’il bénéficie d’un capital de confiance et d’estime certain auprès des autres citoyens, l’intellectuel qui faillit à sa mission devient un danger pour la paix sociale et le bon fonctionnement des institutions républicaines. Cette élite intellectuelle qui  foule aux pieds les principes et valeurs qu’elle doit incarner et défendre,  qui entraîne les citoyens dans l’erreur, est indigne et condamnable. Elle l’est doublement lorsque la manœuvre a pour finalité la captation de quelques avantages matériels et l’octroi d’un strapontin.

L’on pourrait comprendre, sans forcément l’approuver, mais c’est tout à fait humain,  que certains intellectuels fassent preuve de prudence et choisissent de se taire sous la menace ou la contrainte,  afin de préserver leur  vie ou celle des leurs. Ce qui est inadmissible, déshonorant, honteux, c’est que des « intellectueurs » sans foi ni loi, se battent bec et ongles pour promouvoir et chercher à justifier la transgression des idéaux fondateurs de progrès, de paix, et d’harmonie sociale. Un examen de conscience et un retour aux fondamentaux de l’éthique, de la morale et de la déontologie s’impose pour cette élite intellectuelle défaillante, afin qu’elle restaure la confiance et la considération perdues auprès des citoyens ; qu’elle  joue pleinement le rôle qui lui est assigné ; qu’elle assume sa responsabilité devant le peuple et devant l’histoire.

L’élite intellectuelle est la conscience et la caution d’une société sur le plan moral, des principes et des valeurs. François Rabelais dit : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.  » ; pour paraphraser cette pensée,  je dirais : une élite intellectuelle démissionnaire, sans conscience et sans moralité, mène inévitablement le peuple et les institutions républicaines à leur ruine.

Caroline Meva


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