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Vaincre le coronavirus et avancer : 36 mesures pour aujourd’hui et demain.

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Introduction

Ca y est, nous y sommes. Le coronavirus est désormais en circulation dans le plus beau triangle du monde : le Cameroun. La bannière tricolore flotte lourdement, au rythme d’un monde qui tourne au ralenti. Du nord au sud et de l’est à l’ouest, on retient son souffle devant les nouvelles du monde. La mort nous est promise. La Faucheuse avance à grand pas. Partie de Chine, elle saccage l’occident et les spécialistes nationaux et internationaux prévoient que son plat de résistance sera l’Afrique. Malheureusement pour nous, l’ « anomalie » africaine n’en était pas. Les modélisations les plus optimistes prévoient que le pire est à venir, dans un contexte où priment l’incivisme et la précarité. De plus les analystes prédisent que ceux qui survivront au COVID-19 devront faire face à une crise économique sans précédent. Devant ce tableau apocalyptique, loin de vouloir en rajouter à l’anxiété générale, posons un regard de technicien sur les mesures prises actuellement et d’un autre, optimiste, rêvons le monde post COVID-19 car ce virus est entrain de réinitialiser le monde, de redistribuer les cartes. Serons-nous de la partie ?


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Covid-19 – DR

I. combat actuel : entre pragmatisme et hésitations 

Le premier cas de COVID-19 au Cameroun était confirmé le 6 mars 2020. Il était importé. Aujourd’hui, 25 mars, 19 jours plus tard, on dénombre officiellement 75 cas et tout porte à croire que le virus circule localement et que l’épidémie camerounaise évolue désormais pour son propre compte. A titre de comparaison, les 2 premiers cas italiens ont été déclarés le 31 janvier 2020. Au 19ème jour, le décompte n’est que de trois cas.

Toutes choses étant par ailleurs égales, on constate donc que la contagion évolue plus rapidement chez nous. Devant cette situation, les autorités ont pris des mesures salutaires pour circonscrire la maladie, qui se résument en deux mots : confinement et distanciation. Lorsque ces derniers sont bien menés, ils sont efficaces car ils rompent la chaîne de la transmission interhumaine tandis que les personnes infectées sont prises en charge. Mais au quotidien, on peut remarquer une certaine insouciance de compatriotes qui, mus par l’ignorance ou la nécessité écument les rues, magasins et quartiers sans respecter ni l’un ni l’autre. Les mesures actuelles sont bonnes mais elles ne vont pas assez loin. Pour les renforcer, nous proposons de :

1) Durcir le confinement des régions concernées. En effet, malgré les injonctions des autorités, le virus peut encore se mouvoir. En effet, la réduction du nombre de passagers dans les cars de transport n’empêche pas une personne infectée de partir de Douala à Kousseri. Il faut arrêter totalement les mouvements de populations entre les régions infectées et les autres. En cas de force majeure, un particulier doit présenter un laisser-passer délivré par les autorités administratives. Exception doit être faite des forces de maintien de l’ordre, des éboueurs ou du personnel médical ou paramédical. Les corridors Douala-Bangui et Douala-Ndjamena que l’on veut préserver devront être rigoureusement encadrés.

2) Rendre obligatoires les mesures de distanciation. Les commerces alimentaires (excepté les restaurants et les débits de boisson) et les pharmacies, seuls ouverts, doivent, sous la surveillance de la police ou l’armée s’il le faut, appliquer les mesures de distanciation.

3) Rationner de l’eau et de la nourriture. Les quartiers qui manquent d’eau doivent être rationnés par camions-citernes ou des forages aménagés à cet effet. Les ménages les plus démunis doivent être identifiés par les communes et recevoir des kits alimentaires de survie. Les sapeurs-pompiers, l’armée et la protection civile peuvent être mis à contribution.

4) Fermer les lieux de culte jusqu’à nouvel avis. En effet, les mesures de réduction d’effectif de ces rassemblements sont insuffisantes.

5) Intensifier les campagnes de sensibilisation des masses sur tous les types de médias, supports et en toutes les langues vernaculaires majeures.

6) Former rapidement des personnels de santé à la reconnaissance des cas et à leur prise en charge.

7) Organiser une collecte de fonds (coup de cœur) de solidarité nationale. En effet, selon l’INS en 2017, le secteur tertiaire contribue à 60% au PIB et 70% des camerounais salariés touchent moins du SMIC. Une bonne frange de la population camerounaise vit donc dans la précarité permanente. Elle gagne son pain au quotidien et ne peut pas supporter un confinement sans assistance. Un coup de cœur national en soutien aux moyens de l’Etat pourrait permettre de venir en aide à ces compatriotes durant la durée du confinement. Nous en avons l’habitude. Nous l’avons fait pour la coupe du monde 1994. Nous l’avons fait contre Boko Haram. Or il y a ici un ennemi plus invisible, plus sournois et plus meurtrier que Boko Haram.

8) Changer la définition des cas et des suspects. En effet, l’épidémie a déjà une circulation locale. La notion de voyage en pays étranger, quoiqu’importante, ne doit plus être centrale.

9) Tester rigoureusement. C’est la stratégie gagnante déjà expérimentée par la Chine. C’est d’ailleurs ce qu’a recommandé le DG de l’OMS en date du 17 mars. En effet, le manque de tests ne permet pas pour l’instant de tester tous ceux qui devraient l’être. Des tests doivent être commandés.

10) Décentraliser la procédure de test. Il existe pour le moment un seul point de test du Coronavirus SRASCoV-2 sur le territoire national, au Centre Pasteur du Cameroun à Yaoundé. Ceci est de nature à retarder le diagnostic et la prise en charge précoce des patients atteints. Or comme dans toutes les pathologies respiratoires, un traitement précoce assure un meilleur pronostic. Il serait souhaitable que chaque district de santé puisse diagnostiquer le CoVID-19.

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11) Multiplier les centres de traitement. Pour le moment, le dispositif mis sur pied par le MINSANTE prévoit dans chaque région un centre de traitement. Ce qui implique que des patients diagnostiqués dans les confins de la région voyagent pour se retrouver dans cette unité. Ce déplacement du patient n’est ni souhaitable ni aisé car il participerait à la dissémination du virus d’une part et par ses péripéties, il pourrait affaiblir davantage le patient d’autre part. C’est la raison pour laquelle certains pays atteints construisent de nouveaux hôpitaux pour la circonstance. Dans notre cas, on pourrait aménager des infrastructures communautaires (écoles, stades, églises, etc.) à cet effet. Idéalement, chaque district de santé devrait disposer d’un centre de traitement qui cohabiterait avec les experts en santé publique pour l’identification des cas dans la communauté.

12) Protéger le personnel de santé. La première ligne de défense contre le coronavirus est le personnel médical et paramédical. Eux, ils ne sont pas confinés, ils sont au front. Oui, ils sont notre meilleure chance de nous en sortir. Mais ces derniers, sur le terrain sont désemparés, démunis face à la pandémie. Que ce soit les experts en santé publique ou les médecins cliniciens ou encore les infirmiers, les aides-soignants, les hygiénistes, les pharmaciens, ils manquent de presque tout. Beaucoup se protègent comme ils peuvent. Pas assez de masques adaptés (FFP2 et FFP3), ni de solutions hydro alcooliques. Ne parlons pas des équipements de protection individuels (combinaisons, blouses, bottes, bonnets et lunettes). Ce personnel est déjà si peu nombreux ! Qu’adviendra-t-il s’il est décimé par cette pandémie ? Il faut de toute urgence fournir ce matériel au niveau des centres de traitement prévus dans toutes les régions.

13) Tester scrupuleusement le personnel soignant impliqué dans la prise en charge du CoVID-19 selon un algorithme à établir.

14) Augmenter le nombre de lits de réanimation pour les cas graves. Le Cameroun possède selon la Banque mondiale environ 1,3 lit d’hospitalisation pour 1000 habitants (Vs 4,3 pour la Chine et 3,4 pour l’Italie). Il y a encore moins de lits réservés à la réanimation/ soins intensifs. En fait, ce service capitalne se retrouve presqu’exclusivement qu’au niveau des formations sanitaires de première et deuxième catégorie. Il faut multiplier rapidement le nombre de lits de réanimation en affectant le matériel nécessaire (respirateurs, scopes, etc) pour la prise en charge des cas sévères.

15) Définir un protocole unique de traitement national de l’infection à Coronavirus.

16) Définir les conditions d’inhumation des corps des victimes. Le culte des morts est une des caractéristiques de notre société. Si rien n’est fait, des obsèques populaires continueront de se faire. Les autopsies traditionnelles auront toujours cours. Il faut définir un protocole uniforme d’inhumation des corps des victimes, qui se fera sous la surveillance des autorités à travers les forces de maintien de l’ordre. Le transport de ces dépouilles sur de longues distances devra être prohibé. Dans cette optique, des sacs mortuaires doivent être mis à disposition dans les centres de traitement.

17) Primer les personnels de santé, les éboueurs et les forces de maintien de l’ordre qui auront un surcroit de travail causé par l’épidémie.

18) Combattre avec sévérité l’inflation grandissante sur les produits alimentaires et sanitaires.

19) Commander ou faire fabriquer localement de la chloroquine. En effet, même si des essais cliniques sont encore en cours pour déterminer l’efficacité et de cette molécule, plusieurs pays ont décidé de l’adopter dès maintenant dans le traitement de leurs cas de COVID-19. Alors pourquoi pas nous ! La mise en place de ces mesures est urgente car notre pays n’a pas atteint le pic de l’épidémie et on peut raisonnablement s’attendre à des jours sombres. Il faut agir MAINTENANT.

II. perspectives pour demain.

Comme nous le constatons, cette pandémie sans précédent dans notre jeune histoire nationale nous trouve bien dépourvus à plusieurs égards. Le coronavirus va réinitialiser le monde. Les cartes seront redistribuées. Sur le plan global, on assiste déjà à un remodelage des relations internationales. Des pays hier jugés infréquentables apportent leur aide à d’autres que leurs semblables semblent avoir lâché, trop occupés à panser leurs propres blessures. Même les pays dits puissants sont à la peine. Ils découvrent leurs limites, leur dépendance et la profondeur de leur indépendance. De même que de voir l’Occident à la peine durant la seconde guerre mondiale a encouragé le vent des indépendances africaines, la guerre contre le coronavirus, en mettant à nu nos faiblesses, doit nous préparer à conquérir un niveau supérieur d’indépendance, d’autant plus que la crise post-COVID-19 est certaine. L’Afrique et le Cameroun en particulier ne doivent pas rater cette « chance » de se repositionner à leur avantage sur l’échiquier mondial.

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Sur le plan de la crise sanitaire, après l’électrochoc que nous subissons, plus personne ne doutera de l’importance et de l’urgence de bâtir un système de santé cohérent et capable de porter la nation vers l’émergence tant souhaitée. Une chose est sûre : il n’y a pas d’émergence sans santé. Les mesures suivantes sont INDISPENSABLES pour y parvenir.

1. Mettre en place un système d’assurance maladie universelle. C’est la grande arlésienne de la santé au Cameroun. Seul un tel système peut permettre de retirer à brève échéance une bonne frange de camerounais de la pauvreté car selon certains auteurs (OWOUNDI JP, 2013), les ménages contribuent de près de 70,4 % aux dépenses totales de santé. Une fois pris en charge contre une modique participation, leurs précieuses ressources seront redirigées vers la création de richesses.

2. Allouer au minimum 15% du budget de l’Etat à la santé. C’est un engagement que notre pays a pris à Abuja en 2001. Cette année, cette allocation est de 4,31% et a oscillé entre 5,5 et 7% entre 2001 et 2011. Cela reste plus qu’insuffisant.

3. Harmoniser les statuts des agents de l’état. En effet, il n’est pas compréhensible que pour le même travail, on ait des fonctionnaires, des contractuels et même des « décisionnaires ». Ils fournissent le même effort, ont des qualifications égales mais au moment de la paye il y a une inégalité injuste. Cela crée des frustrations et une démotivation certaines.

4. Harmoniser et augmenter l’âge de départ à la retraite. Dans un contexte où les ressources humaines sont rares et très mobiles entre pays, il serait logique de permettre aux personnels spécialisés (qui ont mis plus de temps à apprendre et moins à exercer) de travailler plus longtemps (60-65 ans).

5. Définir et harmoniser l’architecture et le contenu minimum de chaque catégorie de formation sanitaire et les équiper en conséquence. Les formations sanitaires de même catégorie n’ont ni les mêmes équipements, ni les mêmes types de prestations ou de personnel. Ceci conduit à une disparité de l’offre de soins sur le même territoire, or tous les citoyens sont égaux en droit.

6. Geler la création de nouvelles FOSA et mettre à niveau celles qui existent. En effet, certaines formations sanitaires ne répondent à aucune logique de carte sanitaire. Toutes sont en sous-effectif par rapport aux besoins réels. La rareté des ressources nous oblige à les utiliser rationnellement.

7. Augmenter les avantages et le salaire des personnels de santé.

8. Améliorer la qualité de la formation initiale en harmonisant les programmes et les équipements des structures formatrices

9. Doter chaque hôpital ou chaque district de santé d’un service de maintenance hospitalière compétent et fonctionnel. En effet, il y a un tel gâchis dans nos hôpitaux où des équipements acquis à grand prix par l’Etat croupissent dans des magasins pour des pannes mineures. De plus, l’Etat doit obtenir de ses fournisseurs une formation sur la maintenance de leurs équipements et une garantie substantielle.

10. Instituer annuellement un numerus clausus pour la formation médicale selon les besoins réels du pays pour éviter la surpopulation médicale qui menace la profession et la santé des populations.

11. Faciliter et encadrer les procédures d’installation en clientèle privée pour résorber le trop plein de personnel de santé formé et non employé.

12. Installer dans chaque district de santé avec l’assistance de la Protection civile un centre d’épidémies et de catastrophes. Ce centre sera doté de toutes les installations et consommables (masques, bottes, lits, housses mortuaires, etc.) et permettra de gagner du temps lorsque survient un péril. En effet, les épidémies et risques naturels ne sont pas rares (Nyos, Ngouache, choléra, etc.).

13. Elargir l’éventail des formations spécialisées des paramédicaux. En effet, il existe encore trop peu de spécialités auxquelles un infirmier peut prétendre dans notre pays.

14. Prendre en charge financièrement les jeunes fonctionnaires de la santé dès leur première annee d’affectation.

15. Instituer une certification périodique des médecins et infirmiers pour maintenir leurs compétences

16. Instituer des mesures incitatives financières pour les personnels travaillant dans des zones enclavées ou en insécurité.

17. Constituer un fonds souverain Urgences-Epidémies-Catastrophes qui permettra de faire face à des situations similaires dans le futur.

Conclusion

La pandémie de COVID-19 en cours est une épreuve difficile pour tous les camerounais. Mais en restant disciplinés et solidaires, nous pouvons atténuer la vague qui veut s’abattre sur nous. Elle représente aussi une opportunité pour nous de corriger les faiblesses de notre système et de remettre la santé à la place qu’elle doit occuper : le centre de nos préoccupations, car garante de notre croissance et de notre avenir. Ensemble, nous vaincrons.

FOKOUO FOGHA, MD, DES

Médecin oto-rhino-laryngologiste et chirurgien cervico-facial

Président de MEDCAMER-EST


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