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[Tribune] Leadership féminin au Cameroun : Des reculades troublantes

Ondoua Biwole V

Alors que les femmes ne représentent que 9,11% dans la gouvernance politique au Cameroun, ONU femmes, l’instance des Nations Unies dont la mission est de veiller à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes, retient pour la JIF 2021 : « Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». Partant de l’hypothèse que la Covid-19 pourrait aggraver les inégalités entre hommes et femmes, les réflexions s’intéressent aux mécanismes visant une relance post-Covid-19 plus égalitaire. Cette problématique s’aligne à la préoccupation permanente de la participation effective et efficace des femmes à tous les processus décisionnels et leur implication à la création et la répartition des richesses.


Ondoua Biwole V
Viviane Ondoua Biwole – DR

Les faits récents de la gestion de la pandémie confirment les qualités exceptionnelles des femmes. « La plupart des pays qui ont mieux réussi à contenir la vague de la pandémie de Covid-19 et à répondre à son impact sanitaire ainsi qu’à l’ensemble de ses répercussions socio-économiques sont dirigés par des femmes ». Malheureusement, il n’y a que 20 pays au monde qui soient gérés par les femmes. Et le Cameroun n’en fait pas partie.

Au regard de l’ambition de la JIF 2021, le présent document relève les reculades troublantes de la gouvernance locale au Cameroun qui viendrait s’ajouter au Covid-19 comme facteurs d’aggravation des inégalités entre les hommes et les femmes et de l’exclusion des femmes des affaires publiques. Il s’agit d’engager un débat sur l’inclusion politique des femmes camerounaises dans la gouvernance locale. L’objectif est d’apprécier le nombre de femmes à l’exécutif des collectivités territoriales décentralisées (CTD) sur un double plan de l’état des lieux et des leçons à tirer de leur exclusion

  1. L’exclusion politique des femmes camerounaises

Le Cameroun compte 384 CTD, dont 360 communes, 14 mairies de villes et 10 régions. La législature actuelle compte 35 femmes maires, 0 femme Maire de ville et 0 femme présidente de région soit un taux d’inclusion politique de 9,11%,  moins de 10%. Pour les parlements les femmes représentent pour l’Assemblée nationale environ 34% et pour le Sénat 26%.

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Tableau : statistiques de l’inclusion politique des femmes

 

 

Nombre de femmes

Total

Pourcentage

Commentaires

CTD

35

384

9,11%

Femmes focalisées dans les exécutifs d’arrondissement et absence aux niveaux stratégiques (grands maires et présidents de régions)

Maires d’arrondissement

35

360

9,72%

Elles sont absentes des deux grandes métropoles à Yaoundé (aucune femme maire sur 7) et Douala (une femme maire sur 6)

Assemblée nationale

61

180

33,88%

 

Sénat

26

100

26%

26 femmes dont 22 élues et 4 nommées. Sur les 30 sénateurs nommés par le président de la République, seules 4 sont des femmes soit 13,33%. Doit-on conclure que le président n’aime pas les femmes ou alors il les aime autrement ?

Plus globalement, le Cameroun a mal à sa gouvernance inclusive en ce qui concerne le genre. Sur les 360 communes, il n’y a aucun maire avec un handicap. Le seul qui existait est décédé en 2020. Parmi les sénateurs il n’y a que deux handicapés, tous nommés par le président de la République.

2.    Leçons à tirer de cette exclusion : faible inscription des femmes sur les listes électorales

Les statistiques ci-dessus qui révèlent l’exclusion des femmes des exécutifs des CTD contrastent avec leur effectif en masse dans les partis politiques. Elles sont probablement conséquentes à leur faible inscription sur les listes électorales. Ce constat suscite deux commentaires. Le premier est que les femmes s’investissent plus dans les activités d’animation ou celles inscrites à la marge des actions stratégiques des partis politiques. Le deuxième commentaire conduit à comprendre le faible engouement à s’inscrire sur les listes électorales comme un sentiment la résignation des femmes, qui se disent exclues malgré leur investissement.

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La domination numérique des femmes est incontestable dans les partis politiques. Leur faible engouement à s’inscrire sur les listes électorales pourraient s’interpréter comme une résignation au regard des pratiques tendant à les exclure. En septembre 2017, Elecam rend public les nouveaux inscrits sur les listes électorales : 403 069 dont 159 154 femmes et 243 915 hommes. Cette réalité s’observe également en 2018 sur 257 220 nouveaux inscrits, l’on dénombre 106 599 femmes et 168 621 hommes. De même, il apparaît que ce sont les femmes des zones rurales qui s’inscrivent plus et celles des zones urbaines y accordent peu d’importance. Une analyse parue dans le Cameroon Tribune du 11 septembre 2017 explique que plusieurs pesanteurs justifient la faible inscription des femmes sur les listes électorales : «Elles sont à la fois socio-culturelles et même parfois politiques, comme l’indiquait le délégué régional d’Elections Cameroon dans l’Extrême-Nord. Ici, comme dans certaines autres régions du pays, ces aspects ont encore une forte incidence sur l’action de la femme, notamment dans le champ politique».

On pourrait alors conclure que les reculades observées dans la gouvernance politique sont le reflet d’une exclusion des femmes à travers les décisions administratives et politiques. Elles sont par ailleurs la cause  de leur faible implication dans les activités politiques. Cette dernière s’observe par leur faible inscription sur les listes électorales et leurs activités souvent à la marge des décisions stratégiques au sein des partis politique (animation). Il convient d’envisager une étude plus approfondie sur le faible engouement de l’inscription des femmes camerounaises sur les listes électorales. Les hypothèses formulées ici méritent d’y réfléchir.


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