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Point de vue : « En démocratie, un chef suprême assume ses responsabilités et a le devoir de rendre compte à ses concitoyens »

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Le vendredi 27 mars 2020, l’opposant Maurice Kamto a lancé un ultimatum au chef de l’État : « 7 jours pour s’adresser aux Camerounais » et « annoncer des moyens de financement » pour les « ménages » et les « entreprises », faute de quoi, prévient l’opposant, « le peuple camerounais sera en devoir de constater sa défaillance et d’en tirer toutes les conséquences politiques ».


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Paul Biya – DR

La garde rapprochée du Chef de l’Etat a réagi à la sortie de Maurice Kamto : Oswalde Baboke, Grégoire Owona et Fame Ndongo. Des propos « honteux », écrit Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC sur Facebook, accusant Maurice Kamto d’utiliser le « coronavirus comme munition politique ».

« Paul Biya n’est pas un autocrate, il sait déléguer et a donné des instructions précises », explique de son côté, Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication du parti dans un argumentaire de six pages où il rappelle également que Paul Biya s’est exprimé sur la pandémie sur son compte twitter le 17 mars. « Lui (Biya) se sert avec virtuosité des moyens modernes de communication », poursuit Fame Ndongo.

Dans une tribune publiée sur Facebook, Boris Bertolt journaliste et activiste politique répond aux poids lourds du parti au pouvoir. « Maurice Kamto demande à Paul Biya de prendre ses responsabilités. En démocratie, un chef suprême assume ses responsabilités et a le devoir de rendre compte à ses concitoyens. Défendre Maurice Kamto qui demande d’assumer ses responsabilités c’est dès lors protéger la démocratie », écrit-il.

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune.

Réponse à Oswalde Baboke, Grégoire Owona et Fame Ndongo : défendre Maurice Kamto c’est protéger la démocratie

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les réactions empruntes de violence, de barbarie, de brutalité, d’insouciance et de sauvagerie depuis la dernière sortie du leader pro démocratie Maurice Kamto qui donne 7 jours à Paul Biya pour prendre ses responsabilités en pleine crise mondiale du coronavirus qui menace le contrat social sur lequel nos sociétés sont fondées ; Une crise qui bouleverse nos habitudes quotidiennes ; Une crise économique qui se profile à l’horizon ; un enjeu de sécurité nationale.

Vos réactions m’ont particulièrement intéressée. Je ferai abstraction de certains de vos propos pour une discussion de fond. En ces moments difficiles où des compatriotes ont déjà rendu l’âme ; où des centaines de camerounais sont placés en quarantaine ; où la population a de plus en plus peur pour l’avenir, on ne peut pas se permettre de faire l’économie d’une présidence fantôme à la tête de l’Etat du Cameroun. Ce serait de l’irresponsabilité politique.

Cependant, la lecture des multiples réactions après la sortie de Maurice Kamto m’a permis de comprendre l’existence d’un malaise profond : celui de la démocratie. Ceux qui s’en réclament régulièrement ; ceux qui vivent dans des sociétés où ils expérimentent la démocratie au quotidien en sont en réalité les principaux pourfendeurs. Ils refusent de répondre à une interpellation de fond formulée par Maurice Kamto pour verser dans des considérations éloignées des préoccupations citoyennes à savoir : Comment est-ce que monsieur Biya gère la crise du coronavirus ? Il y a dans cette question qui est centrale dans la déclaration de Maurice Kamto une relation étroite qu’il établit entre le leadership politique, citoyenneté et démocratie.

Dans l’histoire de l’évolution des sociétés, les crises ont toujours été à l’origine de profonds bouleversements. Ainsi au XVIème siècle, la pandémie de la peste noire frappe l’Europe, l’Afrique du Nord, une partie de l’Asie et fait des centaines de milliers de morts. A cette époque qui correspond au Moyen âge Européen, le pouvoir est exclusivement entre les mains des souverains, qui l’exerce sans partage, ont pouvoir de vie et de mort sur les citoyens, prétendent que l’autorité vient de Dieu. Mais, ils vont se montrer incapables de faire face à cette crise. A la fin du XVIème et au XVIIème siècle, émerge en Europe un système politique dans lequel les citoyens peuvent contrôler l’action de leurs dirigeants et ces dirigeants ont le devoir de protéger leurs concitoyens, mais aussi le devoir de rendre compte. C’est ce système politique qui est connu aujourd’hui sous le nom de démocratie.

La démocratie n’est donc pas simplement l’expression du multipartisme, des libertés civiques et politiques, des droits de l’homme. La démocratie c’est aussi le devoir des dirigeants fussent-ils légaux ou illégitimes de rendre compte aux populations dont ils prétendent avoir la charge. Le pouvoir du souverain au moyen âge a disparu pour céder la place à la logique de l’accountability dans l’exercice des fonctions suprêmes. Le leader pro démocratie Maurice Kamto se situe dès lors d’un point de vue philosophique au cœur de ce qu’est un citoyen, mais également des enjeux autour de la démocratie. Face aux morts, face aux mises en quarantaines, face à la peur qui place sur notre pays n’avons-nous pas le devoir de demander des comptes à monsieur Biya ?.

Maurice Kamto n’interpelle pas simplement Paul Biya comme leader politique, mais également comme un citoyen conscient de ses droits et soucieux de sa vie, celle de sa famille, de ses proches et de ses concitoyens. Si le droit d’un citoyen c’est de bénéficier de la protection de son gouvernement, son devoir est de demander des comptes à ce gouvernement lorsque sa sécurité est en danger. Or face à son silence, face à son mutisme en pleine crise du coronavirus, eu égard de la manière dont la crise du coronavirus est géré dans des pays tels que le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Rwanda tout citoyen camerounais est en droit de demander à Paul Biya de prendre ses responsabilités.

Le problème auquel nous faisons face et qui se lie au travers de l’obscurantisme qui découle des réactions suite à la sortie de Maurice Kamto, c’est qu’une catégorie de la population camerounaise croit encore à la logique du souverain au XVIème siècle. La démocratie a toujours été une conquête. Les femmes et les pauvres n’avaient pas droits de vote pendant deux siècles en Europe. La démocratie ne nous sera pas donné nous allons devoir nous battre pour conquérir nos droits.

Maurice Kamto demande à Paul Biya de prendre ses responsabilités. En démocratie, un chef suprême assume ses responsabilités et a le devoir de rendre compte à ses concitoyens. Défendre Maurice Kamto qui demande d’assumer ses responsabilités c’est dès lors protéger la démocratie.

Boris Bertolt

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