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Jean-Marie Biada : « Il y a eu des signes avant-coureurs du débarquement de Dikoum »

Ernest Dikoum

Expert des questions économiques, Expert formateur certifié Onudi en Diagnostic et mise à niveau des entreprises…, Jean-Marie Biada explique le pourquoi du débarquement d’Ernest Dikoum de la Camair-Co. Le premier prisme d’analyse de ce qui s’est passé à Camair-Co porte sur les limites du mentorat, du tutorat et du marrainage.


Ernest Dikoum
Ernest Dikoum – DR

Quelle analyse faites-vous du limogeage du Directeur général de Camair-Co?

Le premier prisme d’analyse de ce qui s’est passé à Camair-Co porte sur les limites du mentorat, du tutorat et du marrainage. Prenons un cas un peu récent, celui sur la gestion collective des droits d’auteurs et droits voisins et qui porte entre autres l’emprunte de Sam Mbende. A cette époque, le ministre de la culture est Léopold Ferdinand Oyono. Entre temps, on met sur pied une Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective. Le grand parrain c’est le ministre. Quand il tombe en 2008, c’est terminé pour les autres. Quelques semaines après, le président de la commission permanente de médiation et de contrôle tombe, puis le président du conseil d’administration de la Cmc tombe aussi. C’est ce qui arrive avec la Camair-Co. Il nous est revenu que le mentor du Dg de la Camair-Co était le ministre de transport de l’époque, qui a quitté le gouvernement à la faveur du réaménagement du vendredi 4 mars 2018 à la faveur du décret présidentiel. Le filleul Ernest Dikoum, a même trop résisté avant de tomber. Ce qui devait arriver est arrivé.

Comment comprendre que Louis-Georges Njipendi, alors Pca, chute au poste de Directeur général ?

Depuis 2016, Camair-Co doit bénéficier d’un plan de relance. La mise en œuvre de ce plan de relance nécessite la mobilisation et l’injection de milliards dans le management de Camair-Co. Et pour cela, il faut, quelqu’un qu’on tient, quelqu’un à qui on peut souffler un mot à l’oreille même hors du milieu de service. Ernest Dikoum n’est pas cet homme. Tout ce qui est au Cameroun s’impulse à partir de la primature, or Dikoum n’a pas les attaches ni à la présidence, ni à la primature. On ne le connait pas. Quand on prend quelqu’un qui était Pca pour le nommer Directeur général, c’est une décote sauf qu’on le préfère à ce poste parce que c’est un attaché au secrétariat général de la présidence de la République et peut-être qui sort même de la primature. D’autre part, c’est un administrateur civil. Les administrateurs civils ont toujours cru que c’est eux qui gèrent le pays, et ce n’est pas faux, depuis l’arrondissement jusqu’au ministère, en passant par la région. C’est les gens qui ont le sens de l’Etat.  Il y a eu des signes avant-coureurs du débarquement de Dikoum. Il nous est revenu que l’ancien Dg a voulu se faire recevoir à Yaoundé et on l’a reçu dans des antichambres qui conduisent aux bureaux des ministres. Il a mis trois heures de temps sans se faire recevoir. Dans la pratique, ça veut dire que c’est mauvais.

Nous sommes déjà au septième directeur général, depuis le lancement de Camair-Co mais la compagnie n’a véritablement jamais décollé. Quelles sont les raisons des contreperformances de Camair-Co ?

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Camair-Co ne desservait plus les lignes extérieures. C’est sur ces longues distances où on paie le billet à 400.000Fcfa qu’on gagne de l’argent, et non sur les vols où on paie le billet à 32.000Fcfa. C’est insignifiant, et encore, on fait ces dessertes avec les MA-60 qui ont 54 places assises. Prenons, la concurrence, sans publicité : Touristique Express a les bus de 70 places, 80 parfois. Garanti Express à ce même attelage, pareil pour Général Express. Ces agences commencent à rouler à 4h du matin. A Finex, il y a même un bus qui part à 2h du matin. A 4h du matin, l’agence a déjà déposé 80 personnes à Yaoundé. A 5h, ces agences ont déjà amené près de 1000 personnes sur Yaoundé, quittant de Douala. Camair-Co transporte 54 personnes, et fait 24min pour arriver à Yaoundé. Il ne les laisse même pas à Yaoundé, mais à 5000Fcfa de Yaoundé parce que de Nsimalen pour Yaoundé, il faut débourser 5000Fcfa. A côté de ce facteur, il y a les retards. Le vol est programmé à 16h30 et quand vous arrivez, on reporte à 18h30, 20h30, puis 23h30. Finalement vous arrivez chez vous à 1h. Celui qui a pris son bus, même s’il s’est farci trois à cinq heures de temps de route, il est arrivé autour de 23H30. Voilà les raisons objectives des contreperformances de Camair-Co. Non seulement Camair-Co fait des lignes courtes Douala-Yaoundé, mais il ne peut pas faire dix voyages par jours. C’est au trop quatre voyages, pendant que les bus des agences se tapent vingt à trente voyages par jour.

Revenons sur le plan de relance. Etant donné que Louis-Georges Njipendi est connu du sérail et qu’il est un administrateur civil, aura-t-il une liberté de manœuvre pour mener à bien ce plan de relance ?

Oui. Comme il est connu du sérail, on peut facilement injecter ou mobiliser de l’argent à l’effet de l’injecter dans l’exploitation de l’entreprise. Avec sa présence, j’ose croire qu’on va faire prévaloir les sciences du management en termes de guidon ou d’horizon. Le guidon c’est à court terme, et l’horizon à long terme. Dans l’immédiat je paie le personnel, les charges de structure… A long terme, je fais dans l’investissement, j’entretiens mon parc et je le développe.

Ce n’est pas une mince affaire, si jusqu’ici personne n’a réussi ?

Le seul centre de profit ou de ressources de la Camair-Co c’est la vente des billets. Mais avant que Camair-Co ne vienne, la Camair avait déjà réussi l’exploit de mettre sur pied à côté du port de Douala, un centre technique où on désossait les avions. On dépannait les avions. Ils appellent ça «check C». Il démontait tout, le train d’atterrissage, le fuselage, les réacteurs…il le faisait déjà. Camair-Co pourrait reprendre ces activités d’entretien de ses avions et des avions des autres compagnies. Ce serait une seconde source de revenu pour Camair-Co. Camair a fait faillite et a disparu, mais Camair-Co n’a hérité ni de l’actif, ni du passif de la Camair. Je propose aussi une réforme institutionnelle. Que le gouvernement appuie rapidement la liquidation de la Camair au point que tous les articles résiduels utilisables soient affectés à la Camair-Co, c’est-à-dire que le siège de Bonanjo revient à Camair-Co, tout comme le siège de Yaoundé, de Garoua, de Kinshasa, de Paris, etc. Ça va régler les charges parce que Camair-Co loue aux Adc. Au lieu d’aller mettre 54millions Fcfa chaque mois à l’aéroport pour être en difficulté, Camair-Co garderait cet argent parce qu’il serait déjà chez lui à Bonanjo.  Autre centre de revenu, l’immeuble de près de dix niveaux qui est en face des services du gouverneur à Douala. Il appartenait à Air-Affaire-Afrique. Et comme le Cameroun est sorti pour créer la Camair, le Cameroun a racheté l’immeuble et reversé dans le patrimoine de la Camair. La Camair-Co peut reprendre cet immeuble et le transformer en hôtel. C’est vrai que ça ne fait pas partir de son objet social, mais partout où on peut avoir des sources de revenus, c’est bien. Pour développer Camair-Co, il faudrait d’abord un maximum de patriotisme partagé entre les dirigeants et les clients.

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Qu’entendez-vous par patriotisme partagé ?

Je commence par les dirigeants. On ne détourne pas l’argent, on fait des recrutements indispensables et on prend les décisions qui ont un sens. Tu ne peux pas avoir deux avions qui portent 104 personnes et tu vas loger la comptabilité à Dubaï. Qu’est-ce que tu caches ? On ne délocalise pas la comptabilité d’une entreprise. Ça n’a pas de sens. Air-France qui a admis dans son capital Klm tient sa comptabilité en France à Paris. Il aurait pu délocaliser la comptabilité chez Klm aux Pays-Bas, mais non. Camair-Co a fait trop d’erreurs à son lancement que, si ça ne tenait qu’à moi, on la fermerait pour créer une autre, parce que le seuil de la dette est très élevé. Mais bon, c’est une parenthèse. Je nous invite aussi à faire montre de patriotisme, nous les fonctionnaires, hauts cadres de la fonction publique. Quand nous voulons aller en mission à Paris, nous nous battons longtemps à l’avance, nous obtenons les fonds et nous allons payer les frais à Air France pour être en Première Classe. Mais quand nous venons à Camair-Co, nous, nous prenons une réquisition. Nous entrons sans payer et nous demandons d’être en Première Classe. Ensuite, nous buvons tout le champagne qui s’y trouve. Battez-vous à payer aussi à Camair-Co, d’autant plus que nos prix à Camair-Co sont souvent le tiers de ce que nous payons à Air France. Le ministre des Transports qui va à l’étranger dans une autre compagnie ne convainc pas les autres de prendre la destination Camair-Co. Mais s’il arrive qu’il descende à Roissy Charles de Gaulle à bord de Camair-Co, les autres concluront que, quoiqu’on en dise, Camair-Co n’est pas si mauvaise.


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