in

Au Cameroun, avec les enfants chercheurs d’or de Bétaré-Oya

Betare oya

Dans cette ville située à l’Est du pays et réputée pour son sous-sol riche en or, des centaines de mineurs vont dans les mines plutôt qu’à l’école.

Betare oya
(C) JOSIANE KOUAGHUE

Une voiture tout-terrain soulève un gros nuage de poussière rougeâtre. Au bout de la route en terre, une jeune femme apparaît, bébé sur le dos et bassine sur la tête. Un petit garçon en haillons la suit, une pelle à la main. Apparaissent ensuite deux petites filles vêtues de robes fleuries délavées et portant des seaux sur la tête et un homme, deux pelles à la main. Tous avancent sur une piste avant de s’engouffrer derrière de hautes herbes. Il est 7 heures du matin à Bétaré-Oya, une ville de 60 000 habitants dans l’est du Cameroun, réputée pour son sous-sol riche en or.

Comme chaque matin, Edouard Ngozo, enseignant à la retraite reconverti en fabricant de briques, voit passer « des centaines et des centaines d’enfants » qui vont dans les mines d’or plutôt qu’à l’école. Un phénomène qui existe depuis plusieurs années et qui prend de l’ampleur. Ainsi le directeur de l’école publique, Dieudonné Moussa Kombo, dit avoir vu ses effectifs diminuer de moitié en un an : seulement 540 élèves inscrits en septembre 2014 contre 1 180 pour l’année scolaire 2014-2015.

Parcourir les chantiers

Au village Nguégué, le petit Ramsa fait partie de ces enfants qui ne savent pas à quoi ressemble une salle de classe. A 8 ans, il préfère parcourir les chantiers, à la recherche de l’or. Il ne parle pas un mot de français. Simplement vêtu d’un caleçon, pelle à la main, Ramsa creuse, sous une chaleur de plomb. Il ramasse de petits graviers et de la terre qu’il déverse sur un tapis vert d’à peine un mètre de longueur et quelques centimes de largeur. Son cousin Ibrahim, 19 ans, qui n’est jamais allé à l’école non plus, y verse de l’eau. Ensemble, ils lavent. Ils répètent plusieurs fois le même geste.

Pour approfondir :   Koffi Olomidé, en séjour au Cameroun refuse d’accorder une interview à Tchop Tchop et «Jambo»

« Après le lavage, des toutes petites graines d’or restent dans le tapis et nous l’assemblons pour les vendre », explique Ibrahim. Venus au chantier à 7 heures, ils ne retourneront chez eux qu’au coucher du soleil, autour de 17 heures. Fadimatou, sœur aînée de Ramsa, ne regrette pas de ne pas savoir lire ni écrire. L’or lui apporte assez d’argent, dit-elle, dans un français approximatif. « Nos parents nous ont élevés avec l’argent de l’or », justifie-t-elle.

A quelques mètres d’eux, deux jeunes garçons d’à peine 10 ans s’approchent d’un trou rempli d’eau. Ils se baissent et se mettent à creuser. Si, à l’époque de leurs parents, il fallait creuser au hasard des vastes étendues de terre, la tâche a été « facilitée » à la jeune génération. Depuis 2007, des entreprises chinoises exploitent de manière « artisanale et mécanisée » l’or de Bétaré-Oya. Ce n’est qu’après le passage des engins que les habitants viennent y chercher d’éventuels restes d’or. Et les enfants sont les plus nombreux.

Pour approfondir :   Lycée Leclerc : une scène de bagarre entre un élève et un enseignant embrase la toile

Dix heures de travail pour un gramme

« Ils sont attirés par l’obtention de l’argent facile grâce à l’or, regrette Simon Yellem, proviseur du lycée technique de Bétaré-Oya, un établissement qui compte 600 élèves. Nous ne pouvons que les sensibiliser sur le bien-fondé de l’école. »

Ayant été recalé à l’examen du baccalauréat probatoire, le jeune Prosper Sanda n’est pas retourné sur les bancs du lycée cette année. Il a préféré les chantiers d’or où il lui arrive de rassembler l’équivalent de dix bûchettes, soit un gramme d’or, au bout de dix heures de travail. La bûchette est vendue 17 000 francs CFA (plus de 10 euros). De quoi faire saliver dans cette région où une personne sur deux vit avec moins d’un euro par jour.

Malgré une interdiction préfectorale en juillet 2012, des enfants en âge d’être scolarisés continuent d’accéder aux sites miniers. « “Ventre affamé n’a point d’oreille” : le vrai problème, c’est la pauvreté, qui rend carrément nulle la sensibilisation », s’inquiète Simon Etsil, sous-préfet de Bétaré-Oya, qui promet d’organiser, dans les prochains jours, une énième descente sur le terrain.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Otage Cmr

Insécurité dans l’Adamaoua: 500 millions de rançon versés aux preneurs d’otages en 2015

Albert Roland

Albert-Roland Djomeni : « Nous, migrants, rentrer au pays sans avoir aidé la famille, c’est impensable »