C’est un homme visiblement épuisé que le reporter du quotidien Le Messager a rencontré vendredi 25 janvier 2013 dans le bureau du principal du collège de la Retraite de Yaoundé.
Un homme qui fait de la peine et inspire, même sans le vouloir, de la pitié. Drapé dans sa soutane de couleur beige, père Ambroise Ambara Tida, l’air pensif, présente des lacérations autour du coup et quelques points de suture du nez jusqu’au front. En fait, « c’est à l’hôpital qu’on lui a fait ce pansement parce que la large entaille qu’il avait laissait jaillir beaucoup de sang», renseigne un collègue. D’une voix presque rauque, l’homme de Dieu parle avec mesure, comme s’il ne voulait négliger aucun détail de ce feuilleton tragique qu’il a vécu à la veille. Son récit est parfois entrecoupé par un toussotement ou une petite minute de méditation. « S’il portait son arme sur lui, il m’aurais certainement abattu », souffle-t-il. C’est que l’intendant du collège de la Retraite revient de loin. Il a connu une journée noire jeudi 24 janvier 2013, et n’est pas prêt de l’oublier de sitôt. Tout commence lorsque aux environs de 10h 30, père Ambroise Ambara Tida décide de faire pour la énième fois la ronde des salles de classe, question de repérer et de sommer les élèves insolvables de se mettre à la page en ce qui concerne le payement de la deuxième tranche de la scolarité qui s’élève à 45. 000 Fcfa (cette tranche devrait être réglée depuis le 30 novembre 2012 Ndlr).
Il se rend alors en classe de 6e D et, comme le prévoit le règlement, demande à tous ceux des élèves qui n’ont pas encore versé ladite tranche de libérer la salle, non sans leur exiger d’en parler aux parents afin que ces derniers pressent le pas et se mettent en règle. Parmi ces insolvables, se trouve Annette Chloé Mbala Meka qui serait la fille du garde de corps d’un ministre de la République. Celle-ci va aussitôt appeler son géniteur pour lui rendre compte de la situation. Quelques minutes plus tard, « son père a débarqué au collège en tenue de service et a demandé à rencontrer l’économe. Mes collaborateurs ayant constaté la carrure, l’accoutrement de l’homme et le ton (raffiné) sur lequel il s’exprimait, ont cru bon de lui indiquer mon bureau, pensant certainement qu’il avait rendez-vous avec moi », raconte l’intendant qui dit lui aussi avoir accueilli son visiteur avec politesse et courtoisie. Une fois dans le bureau, l’homme bienséant va se transformer en une véritable brute. La preuve ? « Il m’a demandé sur un ton ferme et autoritaire pourquoi son enfant n’est pas en cours. Je lui ai répondu calmement que c’est parce qu’elle n’est pas solvable comme tous ceux des élèves qui se trouvent dans cette situation. Il a répliqué en me demandant celui qui me donne le droit de mettre sa fille dehors ; je n’ai même pas eu le temps de lui répondre qu’il m’a sauté dessus, m’a tenu par le cou et a tenté de m’étrangler », se souvient père Ambroise Ambara Tida. Fou de colère, son bourreau, visiblement déterminé à en finir avec sa « proie » va mettre le bureau sens dessus-dessous. Ordinateur, paperasse, documents liés à la scolarité… tout y passe.
Interrogatoire
Il va ensuite plaquer sa victime au sol pour mieux le rouer de coups. Mais l’intendant qui sent la mort venir, réussira par un effort surhumain à prendre le dessus sur son vis-à-vis. Sauf que mal lui en prend puisque le militaire va, d’un violent coup de poing, lui ouvrir la cavité frontale. Le visage inondé de sang, l’homme d’Eglise parvient à son corps défendant à immobiliser le militaire et à alerter ses collaborateurs qui vont aussitôt venir à son secours. Informée, l’administration du collège va donc ameuter la sécurité militaire, la police et le service des enquêtes de la gendarmerie nationale qui vont tous descendre sur les lieux, faire le constat avant d’emmener le militaire pour interrogatoire. En attendant que le droit soit dit sur cette rocambolesque histoire qui fait déjà les gorges chaudes à Yaoundé, le personnel du collège de la Retraite continue de travailler dans la sérénité.
Lorsque nous quittions les lieux vendredi, la mère d’Annette Chloé Mbala Meka avait promis de payer les 45 000 Fcfa exigés alors que son père n’avait pas daigné présenter des excuses à sa cible, encore moins aux responsables de l’établissement pour sa méconduite. Le principal Abbé Abraham Ndongo Minkala qui condamne avec fermeté cet acte de barbarie, n’est pas prêt à admettre la loi du deux poids deux mesures au sein de ce collège qui a formé des hauts commis de l’Etat à une époque où on n’avait rien à cirer du statut ou de la fonction qu’occupait un parent dans le gouvernement. Affaire à suivre…