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Vanessa Tchatchou écrit au Président de la République

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Vanessa Tchatchou écrit au Président de la République (c) Lejour

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Monsieur le Président de la République et cher Papa,

Tu es le père des camerounais de tous les âges. Tu es aussi mon père. Je te parle donc comme une fille à son père et non comme au Président de la République.

Papa, cher papa, je ne trouve toujours pas le sommeil, malgré toutes ces années passées. Ne reste plus silencieux. Ils t’ont menti, j’en suis sûre. Oui, ceux-là qui sont chargés de te rendre compte t’ont menti. Ton ministre de la communication en premier. Ses collègues des Affaires sociales et de la promotion de la femme et de la famille, ont préféré le silence et le mépris. Il faudra écrire tout un livre, pour que je te raconte ce qui s’est réellement passé.

Les erreurs de la jeunesse et de la vie, ont voulu que précocement, je mette un enfant au monde, une jolie fille: C’était le 20 Août 2011, à l’hôpital gynéco-obstétrique de Ngousso, alors que tu préparais la réélection à la magistrature suprême. Je l’ai vue, je l’ai sentie, je l’ai embrassée, juste le temps qu’on déclare à ma grande surprise, qu’elle était prématurée et qu’on la conduise dans une couveuse.

Puis, quelques deux heures plus tard, qu’on me dise exactement comme pour en rire, que l’enfant a disparu de la couveuse. Comme si l’on m’annonçait simplement que je venais de perdre mon téléphone portable. Et depuis ce temps, je ne l’ai plus revue. J’ai fait un sit-in pendant 08 mois sous le froid et la chaleur, les piqûres des moustiques, les insultes et le mépris des responsables et du personnel de l’hôpital gynéco-obstétrique de Ngousso, pour qu’on me rende mon enfant. Mais rien n’y a fait.

Et comme cela ne suffisait pas, il a fallu que la police s’y mêle, pour me déloger de force, afin que «Je ne fasse pas perdre son poste» au Directeur de l’hôpital. J’étais devenu encombrante. Pourtant, il aurait suffi de me restituer ma fille, mon bébé, et qu’on n’en parle jamais. Avant d’être forcée de partir de cet hôpital, je savais bien qui est-ce qui détenait mon bébé et où on l’avait conduite. Jusqu’ici, j’en suis convaincu. Ma persistance et ma résistance ne tiennent qu’à cela.

Papa, cher papa, je crois en la justice de notre pays, mais je pense qu’on l’a orienté sur une fausse piste dans mon affaire. Des gens ont été condamnés, mais les vrais coupables sont toujours en liberté, du moins, physique. Ils sont dans la prison de leur conscience. Certains sont encore en fonction dans ce même hôpital. Et on les connait. Leur liberté me met en perpétuel danger. Je crois également, que la raison du plus fort ou bien la raison du plus haut placé, n’est pas toujours la meilleure ;je crois que tu es le père de tous les camerounais et je suis camerounaise, bien que orpheline. Je crois aussi que force est à la justice, la vraie.

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Papa, cher papa, je ne suis certainement pas seule dans ce cas. Avant moi et après moi, il semble que beaucoup d’enfants aient disparu de la même manière dans cet hôpital, comme dans d’autres maternités de la République, au mépris des droits de l’enfant et surtout de la femme. Cette violence est atroce. Elle m’a fendu le cœur, comme à ceux des autres mamans délestées de leurs enfants. Même si je faisais un autre enfant comme on me l’a proposé pour oublier, ce ne serait jamais celle que je n’ai pas eu le temps de baptiser du prénom que j’avais déjà choisi.

Même si j’acceptais les propositions parfois malsaines de certains membres de ce réseau mafieux, cela ne me rendrait pas ma fille. Auriez-vous voulu que je jette ce bébé à la poubelle ou dans une fosse septique comme certaines de mes jeunes compatriotes ? Non, je ne saurai le faire. Malgré mon jeune âge, je suis restée responsable. Je veux être suspectée, parce que j’ai aussi respecté la vie.

Papa, cher papa, je ne veux pas paraître comme une martyre. Je sens d’ici, les battements du cœur de ma fille, qui demande à me voir, à sentir cette odeur de moi qu’elle n’a plus sentie depuis qu’on l’a kidnappée. Je persiste et je signe que je sais qu’elle est vivante et en bonne santé. Je sais que l’on prend bien soin d’elle. Je dis merci à son autre maman, mais je pense qu’il est temps qu’elle me rende ma fille, et que tu lui accordes ta grâce présidentielle. Je veux donner toute mon affection à ma fille.

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Papa, cher papa. Tu es le garant de nos institutions, de nos droits et libertés. Tu es le responsable de la stabilité et de la paix dans notre pays, mais je ne suis pas en paix. C’est à ce titre, que je demande ton intervention dans cette affaire. Qu’on me rende ma fille, et que cesse le trafic d’enfants dans notre pays. Je voudrai l’accompagner moi-même l’école maternelle l’année prochaine. Je voudrai moi-même prendre soin d’elle et la chérir. Qu’on me la rende.

Ma famille m’a soutenu dans cette lutte. La presse m’a toujours accompagné. Des compatriotes au pays comme à l’étranger m’ont soutenu spirituellement, moralement, et même financièrement. Je ne saurai les citer ici, au risque d’en oublier certains. A tous, je leur dis merci. Beaucoup ont collecté de l’argent en mon nom et s’en sont mis plein dans les poches.

Je les connais tous. Certains sont même très proches de moi. D’autres encore ont préféré prendre de l’argent pour se taire. On m’a rapporté qu’une jeune fille, profitant de la situation, s’est passée pour moi, afin de s’expatrier dans un pays occidental. Papa, cher papa, au nom de la lutte contre la corruption dont tu es attachée, je pense qu’une enquête devrait être ouverte contre ces détourneurs de fonds, de même contre cette Vanessa Tchatchou » d’un autre genre, et ses complices. Malgré tout, j’ai repris les classes, et tout se passe assez bien pour moi, et je compte aller le plus loin possible pourvu qu’on me laisse en vie. En cette veille de fête de la jeunesse, je te souhaite plus de force et de sagesse dans l’exercice de tes fonctions, et que Dieu te bénisse.

Ta fille en détresse

©Vanessa TCHATCHOU

Source : Le Soir

 


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