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[Tribune] Zlecaf : défis et enjeux pour l’économie camerounaise

sommet ua kigali zlecaf

Dans cette tribune parvenue à notre rédaction, Benjamin Ombé, Journaliste, Consultant communication  & Intelligence stratégique, auteur et   Directeur exécutif de knowledge consulting expose sur les enjeux et défis de l’économie camerounaise face à ZLECAF.


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Sommet Union Africaine à Kigali – DR

La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est officiellement entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Ratifié jusqu’à présent par 34 pays, la Zlecaf constituera une vaste zone de libre-échange avec près de 1,2 milliard de personnes potentiellement concernées. D’une manière globale, la Zlecaf réduira les droits de douane entre les pays membres et traitera d’aspects de politique générale liés notamment à la facilitation des échanges et aux services, tout en englobant des dispositions réglementaires telles que les normes sanitaires et les barrières techniques au commerce.  Selon les projections, La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l’extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d’accroître le revenu de 68 millions d’autres personnes. Le 19 juillet 2019, les autorités camerounaises ont ratifié l’accord sur la Zlecaf signé le 21 mars 2018 à Kigali, au Rwanda. Dans ce contexte, l’économie camerounaise dispose-t-elle de tous les outils pour tirer pleinement profit de la Zlecaf ?  

Défaillances structurelles

Le 1er janvier 2021 restera une date symbolique et historique pour l’intégration africaine. 34 pays africains dont le Cameroun ayant déjà ratifié le traité instaurant la zone de libre-échange (Zlecaf) commencent à commercer selon de nouvelles règles. Pour profiter pleinement des avantages de ce vaste marché de près 1,2 milliards de consommateurs, le gouvernement s’active à travers diverses rencontre pour sensibiliser les acteurs économiques sur les avantages, les enjeux et le fonctionnement de la Zlecaf. Malgré cet enthousiasme positif autour de l’avènement de la Zlecaf, l’environnement des affaires du pays présente encore des défaillances structurelles. « De nombreux facteurs limitent la capacité du pays à impulser une croissance véritablement inclusive. Parmi ceux-ci, la qualité du climat des affaires se présente comme un handicap majeur. Classé 167ème pays sur 190 (34ème sur 49 en Afrique) avec un score de 46,1/100 pour la facilité des affaires selon le rapport « Doing business 2020 », le pays apparaît encore comme globalement peu attractif pour les investisseurs et se situe en dessous de la moyenne d’Afrique subsaharienne. C’est ainsi qu’en termes de compétitivité, le pays est classé 123ème sur 141 (18éme sur 33 en Afrique) »[1]. En 2016, selon l’indice de performance de la logistique[2] de la Banque Mondiale, le Cameroun avait un score de 2,21 sur une échelle de 1 à 5 soit la 148ème place sur 163 pays évalués derrière le Kenya (42ème) et le Rwanda (62ème). Autre écueil à la compétitivité de son économie, est la politique fiscale du pays. Paying Taxes[3] 2018 classait le Cameroun au 183ème rang sur 190 pays, derrière la Côte d’Ivoire (175ème), le Ghana (116ème), ou l’Afrique du Sud (46ème). La pression fiscale est passée de 13,1% en 2006 à 15,2% en 2018 (DGI, 2018).

Tableau : indicateurs de performance économique du Cameroun comparés aux économies paires d’Afrique

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Source : Livre blanc de l’économie camerounaise, GICAM, février 2020.

Toutefois, tout n’est pas noir. Au rang des facteurs qui militent en faveur du Cameroun, figure en bonne place la diversification de son économie. Selon un ouvrage[4] collectif produit par une équipe de chercheurs de l’Université de Yaoundé II- Soa, l’indice de diversification des sources de l’économie camerounaise est estimé à 69%. Dans les faits, le secteur tertiaire représente en moyenne 56,5 % de la richesse nationale, suivi par le secteur secondaire (25 %) et le secteur primaire stagne à 16 %. Pour tirer profit du vaste marché qu’offre la mise en place de la Zlecaf, Il faudra capitaliser sur les atouts de notre secteur productif et progresser vers l’idéal recherché : une économie diversifiée, résiliente dans un environnement propice aux investissements.

Pour approfondir :   Cameroun/Patrice NGANANG : Chronique d'une libération

Etat du secteur productif national

Dans le cadre de la Zlecaf, les pays ayant ratifiés l’accord vont commercés entre eux. De ce fait, le Cameroun pourra donc vendre ses produits dans ces pays et vice-versa sans les barrières tarifaires douanières et autres contraintes liées au commerce intra-africain. Dans cette nouvelle configuration, le secteur productif national dispose-t-il des capacités à produire en quantité et en qualité pour le marché continental ? Avec un tissu économique essentiellement informel et constitué à près de 90% des PMEs, le pari de l’industrialisation est loin d’être engagé. De plus, « la plupart des facteurs de production (eau, électricité, téléphone, accès à la terre, immobilier…) du pays ont un coût très élevé par rapport au pays à revenus comparables ce qui constitue une entrave en matière de compétitivité des entreprises » (GICAM, 2020). En ce qui concerne la qualité de la production c’est à dire respectant les normes locales et internationales, le « Made In Cameroun » a du mal à se démarquer. En 2019, le Cameroun ne comptabilisait que 02 produits (le poivre de Penja et le miel blanc d’Oku) avec un indicateur géographique. Notons qu’à date, aucun produit ou spéculation locale ne bénéficie d’une appellation d’origine. Toutefois, « dans le domaine du développement technologie et de la propriété industrielle, il sera question (…) de la poursuite du processus de protection du cacao rouge du Cameroun en indication géographique protégée ainsi que l’amorce du processus de protection de la Regalia encore appelé “Toghu” dans le Nord-Ouest, de la mangue verte de l’Est dénommée “Ndôô” et le très prisé Ananas de Bafia », mentionne, le ministère en charge de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) dans son programme d’actions pour l’exercice 2021. Il faudra donc résolument se tourner vers l’industrialisation avec une préférence locale conforme aux normes locales et internationales afin de tirer le plus grand profit de la Zlecaf et plus globalement des accords économiques multilatéraux.

« Made In Cameroun »

L’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale africaine, met le Cameroun face au défi de consolider son secteur productif manufacturier. Le gouvernement a commencé à apporter un début de réponse à cette problématique. Ceci à travers la mise en place de plusieurs instruments tels que : le Bureau de mise à niveau (BMN), l’Agence des normes et de la qualité (ANOR), de la Bourse de sous-traitance et de partenariat (BSTP), de l’Agence de promotion des PME et l’Agence de promotion des investissements (API). Ces réformes tardent encore d’avoir les résultats tangibles. Dans la dynamique du lancement de la Zlecaf, « le Cameroun gagnerait à améliorer son climat des affaires, dans le cadre notamment d’une refondation du dialogue public/privé. Trois Camerounais sur quatre suggèrent de porter une attention particulière à l’industrialisation, avec un accent tout particulier sur la mise en œuvre de véritables politiques économiques sectorielles», préconise The Okwelians[5]. Par ailleurs, un accent devrait être mis sur le secteur agricole et celui de l’éducation. « Huit Camerounais sur dix suggèrent l’agriculture et l’éducation comme les deux secteurs prioritaires dans les années futures»[6]. Rappelons que l’économie camerounaise est essentiellement agricole. En effet, 70% de la population active exerce une activité en lien avec l’agriculture. Il est regrettable de constater que malgré ce fort potentiel, « le Cameroun exploite très peu les atouts de son secteur agricole et manufacturier. Au sein de la zone CEMAC, ses échanges avec les autres pays qui représentaient de 12% du commerce extérieur en 1995 sont passés à moins de 4% en 2015 », s’alarme le GICAM. La promotion du « Made In Cameroon » devrait occupée une place importante dans les changements structurels en cours d’implémentation. Cette problématique est prise en compte dans la Stratégie Nationale de Développement (SND2030) ou à travers laquelle le Cameroun à l’ambition d’« irradier les marchés national, sous-régional et régional par les produits estampillés “Made in Cameroon ». Vivement que ce vœu se concrétise dans la réalité.

Pour approfondir :   Cameroun : Un homme en liberté conditionnelle sème la panique à Bomono dans le Littoral

Benjamin OMBE-Journaliste consultant en intelligence stratégique

Auteur : « le Cameroun en prospective : Evaluation critique des Objectifs du développement durable », Harmattan, septembre 2020, 243 P.

Article publié in : INTEGRATION n°448 du 25 janvier, ESSINGAN n°436 du 27 janvier 2021, REPERES n°932 du 27 janvier, EcoMatin n°400 du 27 janvier 2021

[1] Livre blanc de l’économie camerounaise, GICAM, février 2020.

[2] L’indice de Performance Logistique reflète les perceptions relatives à la logistique d’un pays basées sur l’efficacité des processus de dédouanement, la qualité des infrastructures commerciales et des infrastructures de transport connexes, la facilité de l’organisation des expéditions à des prix concurrentiels, la qualité des services d’infrastructure, la capacité de suivi et de traçabilité des consignations et la fréquence avec laquelle les expéditions arrivent au destinataire dans les délais prévus.

[3] L’enquête « Paying Taxes », rédigée conjointement par le cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) et la Banque mondiale, établit un classement mondial annuel des pays sur la base d’un index composite mesurant le niveau des prélèvements obligatoires, ainsi que le poids des tâches administratives liées à la déclaration des revenus, au paiement des impôts, et aux formalités qui suivent la déclaration des revenus.

[4] L’ouvrage intitulé « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi : Comment atteindre une croissance à deux chiffres ? » est la production d’une équipe de recherche de l’université de Yaoundé II- Soa. Elle est dirigée par le Pr Henri Ngoa Tabi, chef de département d’économie internationale et du développement, par ailleurs enseignant à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université susmentionnée.


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