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[Tribune] Sport, jeunesse et insertion : la nécessaire conciliation

Biya Paul discours p

Paul Biya, président de la République fraîchement adoubé, adresse du haut de ses 88 printemps, sa traditionnelle allocution à la jeunesse camerounaise. Le premier des Camerounais, jouant la carte d’un réconfort paternaliste, a ainsi affirmé son ardent désir d’une appropriation citoyenne et responsable de la gestion de la cité par la caste jeune, tout en soulignant l’opportunité que représente la décentralisation, par le biais de ses acteurs, synonyme d’insertion socio-professionnelle et d’amélioration du quotidien des jeunes camerounais.


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Paul Biya – capture photo

Malgré ces perspectives qui paraissent tout à fait encourageantes voire un tantinet mirobolantes sur le papier, de nombreux jeunes n’ont pas tardé à réagir au discours fleuve du président, par le biais de vox populi et de témoignages exprimés par le canal des médias traditionnels ou des réseaux sociaux en vogue. Quelques commentaires gouailleurs n’ont d’ailleurs pas manqué de brandir le célèbre aphorisme « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » pour souligner l’inaptitude voire la fatigue dont fait preuve la classe dirigeante dans l’application desdites mesures, du fait de son âge moyen élevé notamment. Nous nous abstiendrons de commenter ces réactions.

Toutefois, contrairement à l’édition précédente qui était marquée par le spectre du Covid-19 et de la résilience économique face à la crise sanitaire mondiale, le chef de l’Etat a tenu à mettre l’emphase sur les prouesses sportives du Cameroun, tant en terme d’organisation du Chan, qu’en terme de performance de l’équipe nationale (et de son entraîneur) qui n’ont pas démérité. Aucune mention n’a bien évidemment été faite concernant l’impréparation criarde des Lions, les conditions navrantes dans lesquelles ceux-ci ont abordé le Chan ou même encore la crise managériale qui frappe les instances exécutives du sport Camerounais.

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Toutefois, nous avons surtout été surpris de constater l’absence de toute mention du sport en tant que catalyseur du développement économique et de l’épanouissement socio-professionnel des jeunes Camerounais. Une omission d’autant plus surprenante voire, osons le mot, incompréhensible dans un pays où le sport est considéré comme une religion, où sont exaltés les poids lourds de la scène sportive nationale ou internationale, chaque jeune rêvant de devenir le Kylian Mbappe ou le Joël Embiid de demain ; un pays où les Jeux Universitaires organisés chaque année sont des rendez-vous de liesse et d’interaction sociales incontournables parmi les jeunes étudiants où l’académie et le sport se rejoignent pour ne faire qu’un .

Au-delà de cet aspect éminemment sociologique du sport qui est, pour reprendre l’expression popularisée par Marcel Mauss, un « fait social total » dans la société camerounaise, le sport a bien évidemment une dimension économique évidente. La participation des acteurs privés locaux et étrangers qui sont autant de sponsors, de mécènes et de financeurs permettent traditionnellement de doper – sans mauvais jeux de mots – la création d’emplois directs et indirects et aident de nombreux jeunes à vivre de leur passion. Ces mêmes anciens sportifs, auréolés de succès, se muant généralement en futurs investisseurs. Les exemples dans le monde entier sont légions.

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Malheureusement, le sport est loin d’être l’eldorado qu’il devrait être au Cameroun, paralysé par de nombreux goulots d’étranglement qui tirent leur source pour la majorité dans une gouvernance du sport bringuebalante qui pêche par des politiques publiques insuffisantes (citons par exemple le cas des fédérations « fantômes » de certaines disciplines qui, faute de subventions ou faute d’une bonne gestion, ne permettent ni leur promotion, ni la défense des intérêts économiques des jeunes sportifs) ou encore d’un cadre juridique suffisamment incitatif pour les investissements dans le milieu sportif. Dans ce contexte de crispation économique (plus du quart des jeunes étaient en situation de chômage en 2016 avec 76% en situation de sous-emploi), le sport représentera une source majeure d’insertion socio-professionnelle évidente si et seulement si on lui donne le moyen d’y parvenir en en faisant un secteur prioritaire.

Par Jean-Pierre Nyemeg*

*Consultant en droit des affaires


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