À peine engagé, le débat sur le projet de loi intitulé « Code des collectivités locales décentralisées », déposé à l’Assemblée nationale par le gouvernement la semaine dernière a pris une tournure passionnelle, depuis que beaucoup d’internautes ont découvert l’article 246 de ce code qui réserve le poste de maire des communautés urbaines exclusivement aux autochtones.
L’ambiance est tellement passionnée en particulier dans les réseaux sociaux que, nonobstant le bémol de l’article 200 du même code qui semble exclure les maires d’arrondissement de cette règle, certains sont allés jusqu’à voir dans cet article une déclaration de guerre du gouvernement contre une tribu, en l’occurrence les bamilékés. Il y en a même qui ont carrément comparé cette victimisation des bamilékés par le régime Biya à l’antisémitisme séculaire qui poursuit les juifs depuis des millénaires et qui a conduit à des pogroms que l’on connait.
Pur produit de la diversité puisque né à l’Ouest, grandi au Littoral et au Sud et ayant servi la République dans tout le pays, loin de moi l’intention de banaliser l’inacceptable, à savoir la volonté du gouvernement d’empêcher certains citoyens de jouir de la totalité de leurs droits civiques partout où ils vivent dans la République, du fait de leurs origine ethniques, objet vise par l’insertion dans ce projet de loi d’une notion aussi controversée que l’autochtonie que l’esprit pervers d’un certains Joseph Owona avait introduit dans la constitution de 1996.
Toutefois, je suis d’accord avec le maire Jean Robert Wafo qu’en réduisant le débat général sur ce texte fondamental à ces seuls raccourcis, on tombe dans le piège du régime qui, chaque fois qu’il est coincé, sort de son sac le lapin magique de la chasse aux sorcière contre une ou des communautés qu’il estime constituer un danger pour sa survie. En 1984 c’étaient les nordistes, en 1992 les anglo-bami, depuis 2016 les anglophones et à partir de 2018 les bamilékés.
Car ce code des collectivités locales décentralisées est dense et mérite toute notre attention. Il a 501 articles qui traitent de l’un des aspects les plus fondamentaux de notre lutte pour l’avènement d’une vraie démocratie au Cameroun, à savoir la remise du pouvoir au peuple. Beaucoup de camerounais auraient souhaité que ce le soit à travers le fédéralisme, la forme la plus affinée de la décentralisation.
Le régime, dans la tradition francophone, a opté pour cette dernière, à travers les collectivités territoriales décentralisées, avec en plus un statut spécial pour le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Une démarche que le grand débat national a recommandée.
Par conséquent, notre attention doit être y entièrement consacrée, afin que bien reformulé, ce code, espérons-le, puisse conduire à la fin de la guerre dans les régions anglophones, condition sine qanun pour que le pays reprenne sereinement sa marche vers la démocratie, le progrès.
Notre seule préoccupation doit être de savoir si projet de loi répond de cet objectif. Par exemple ;
– Le statut spécial tel que formulé est-il en mesure d’apporter la paix dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ?
– Le niveau des transferts de compétences et de moyens est-il suffisant pour permettre à aux collectivités d’être le moteur de notre développement ?
– Le mode de choix de leurs dirigeants est-il de nature à susciter l’émulation, la transparence, la responsabilité et la sanction de ces dirigeants ?
– La notion d’autochtone telle introduite dans ce projet de loi est-elle de nature à renforcer la cohésion nationale ?
– Sinon que propose-t-on pour la remplacer dans le souci de protéger les minorités sociologiques qui ont peur d‘être poussées à l’extinction par l’avènement de la démocratie ?
Si nous répondons à toutes ces questions, nous nous apercevrons en réalité que le fait de réserver exclusivement le poste de maire de communauté urbaine aux autochtones est une tentative par le régime de rattraper par la gauche la suppression des délégués du gouvernement concédé à la droite.
Un épiphénomène, une vraie diversion pour détourner l’attention des camerounais de l’essentiel, mais qui ne résistera ni à la chute du régime, ni à l’épreuve du temps et encore moins à l’impératif pour nos régions dans le futur, de rechercher les financements et de privilégier le mérite et la compétence pour se donner plus de chances dans la compétition pour l’accès au progrès qui se jouera entre elles durant les prochaines décennies.
Honorable Évariste FOPOUSSI FOTSO
Ministre du shadow cabinet en Charge de l’Économie et des Finances