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[Tribune] Julien Engola : « Tous les chanteurs lyriques ne peuvent pas être internationaux même si chacun aspire à l’être »

Classe musique lyrique

Dans une tribune envoyée à notre rédaction le lundi 28 février 2022, Julien Engola, enseignant de musique, mène une réflexion sur l’immigration à tout prix et à tous les prix des acteurs de l’art lyrique au Cameroun. Il pense que tout le monde ne peut pas jouer au haut niveau. Il donne également les raisons du complexe de l’extérieure.

Classe musique lyrique
alle de cours de musique lyrique – DR

Lebledparle.com vous propose l’intégralité du texte.

Tout le monde ne peut pas être chanteur d’opéra à l’échelle mondiale. On peut aussi avoir des chanteurs d’opéra locaux comme dans le sport.

1.    Les Camerounais ne se font pas confiance

Les acteurs de l’art lyrique au Cameroun ont une seule idée : traverser et aller évoluer de l’autre côté de la mer, ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais si tout le monde traverse la mer, qui va rester animer les concerts et les festivals au Cameroun ? Qui va donc créer le théâtre et l’opéra camerounais ? Aurait-on pu avoir un championnat de football camerounais si tous les footballeurs étaient allés jouer à l’extérieur ?

C’est de ça qu’il s’agit dans ma démarche que l’on peut confondre à une simple revendication de propriété. Et même ! J’ai tout-à-fait le devoir de réclamer la propriété de mon pays qui a tendance à gésir dans une colonisation volontaire. On ne peut pas s’autoproclamer le meilleur si on n’a pas affronté d’adversaire, mais on peut être zélé quand on est sûr de ce dont on parle et de ce qu’on sait. Un enseignant qui n’est pas sûr de ce qu’il enseigne au niveau qu’il enseigne doit prendre du recul avant de commencer à enseigner. Mais s’il est sûr de lui, pourquoi spéculer avec des mots qui plaisent à la place des mots qui éduquent ?

La pédagogie est pragmatique : elle n’est pas politique même quand on enseigne la politique ; elle n’est pas diplomatique même quand on enseigne la diplomatie ; elle n’est pas technique même quand on enseigne la technique ; elle n’est pas non plus religieuse même quand on enseigne la religion. Voilà pourquoi à l’école les uns réussissent tandis que d’autres échouent ; il y en a qui ont 20/20 et d’autres 00/20. C’est pour cela que dans les cas de promotion collective, l’on peut retrouver dans une classe des élèves qui ont deux fois moins le niveau de la classe.

La ronde vaut 2 blanches 4 noires 8 croches 16 doubles croches 32 triples croches et 64 quadruples croches, c’est la chose la plus logique, et le reste est subjectif. Si le musicien apprend le triolet avant de connaître la valeur relative des figures de notes, sauf miracle, il y a toutes les chances qu’il meurt sans avoir su écrire une phrase musicale. La pédagogie ne suggère pas ; soit elle transforme en bien, soit elle transforme en mal. Le bien et le mal ne faisant pas ici référence à la note ou au mérite, mais plutôt au bon et au mauvais sens.

Si la ronde divisée par 3 est égale à 3 blanches (triolet), ce n’est pas là la blanche qui vaut 2 noires, mais deux blanches qui ont donné chacune une part d’elle pour produire une troisième blanche égale elle aussi à la part qui leur reste. Difficile à comprendre, mais c’est ça la vérité.

Le mal que j’exècre est de savoir que nous sommes capables d’aller jusqu’au bout dans la formation de nos musiciens, mais que nous nous tenons nous-mêmes en adversaires lorsqu’il fleurit déjà des excellents, ce qui nous fait perdre en confiance et demeurer dans une méfiance apocalyptique. A cause des raisons mercantiles de certaines écoles, nous proliférons dans la médiocrité et rendons la chose mystérieuse, au point de décourager les parents qui ont le sentiment que la musique peut être un atout pour leurs enfants.

On ne peut soustraire le côté lucratif de l’art musical ou d’une école de musique, puisque cela fait d’ailleurs partie des enjeux socioéconomiques d’un pays quand bien même on paie l’impôt. Cependant, il est nécessaire de se positionner clairement sur la qualité de formation que l’on donne au gens. Est-ce pour les former en musique afin d’en faire des artistes ? Ou est-ce pour leur donner quelques informations sur l’art ? Si cela est donc bien défini, on va constater que les deux formes sont complémentaires : car la seconde initie et motive, tandis que la première transforme effectivement. Il faut alors qu’on soit volontaire pour délimiter les concepts en les établissant selon une sorte de convention.

Il ne faut pas croire qu’il est facile d’implémenter un concept dans un pays sans se heurter à toute sorte d’adversité (politique, diplomatique, juridique, religieuse, ethnique, géopolitique, raciale, tribale, etc.), sans oublier les égos entre les concepteurs eux-mêmes. Pourtant il faut commencer à bâtir quels qu’en soient les moyens si on veut un jour habiter dans une maison, car ce sont les fins qui comptent et non les moyens, et il n’y a pas de justification s’il n’y a pas eu de fin.

Plus on tarde parce qu’on attend le dieu du rêve, plus on est plongé dans l’ombre de l’ignorance ; plus on implique l’Occident qui a ses propres intérêts à nous laisser vivre à ses dépens, plus on sera plongé dans la léthargie d’une colonisation volontaire. Moins on aura considéré notre propre éthique, moins on aura de la valeur dans le monde ; moins on aura osé, moins on se sera imposé, et donc, moins on comptera.

On ne peut rien imposer à quelqu’un si on dépend entièrement ou même partiellement de lui ; on ne peut compter sur quelqu’un que s’il a un intérêt à compter sur nous. Il faut alors lui imposer l’honnêteté : qu’il sache reconnaître ton apport et ta valeur dont il profite des avantages.

Nul ne peut se prétendre entièrement autonome, et si l’on ne rappelle pas à celui qui prend ou qui apprend de nous, qu’il a une part de nous en lui, son ingratitude et sa mythomanie seront une exemplarité séculaire. Comme il n’est pas normal que le père d’un prêtre l’appelle « Mon Père », c’est comme ça qu’il n’est pas normal que l’Occident ne reconnaisse pas qu’il a en lui une part de l’Afrique. Et c’est parce qu’on ne le lui recycle pas qu’il se montre supérieur depuis des millénaires.

L’Occident a dû développer plusieurs domaines de l’art même s’il n’en est pas l’auteur ; c’est une chose louable à tous les niveaux. Mais ce n’est pas parce qu’on a développé la guitare acoustique à six cordes qu’on ne peut en ajouter une septième. Ce n’est pas parce que la généralité veut que la clef de sol se place sur la deuxième ligne de la portée qu’on ne peut la placer sur la cinquième. Le balafon se joue pourtant dans les deux sens (aigu à gauche-grave à droite / aigu à droite-grave à gauche) selon la région et le genre musical, pourtant nul ne s’en offusque.

Les Camerounais acceptent qu’un enseignant crée son fascicule avec ses propres éléments ou des éléments collectés pour enseigner la musique dans un collège ; on accepte qu’un chanteur de variétés traverse les frontières et exhibe son talent excellent ou médiocre devant le public et représenter le Cameroun ; on accepte même le film le plus médiocre dans les chaînes de télévisions et les journalistes aux voix crasseuses pour présenter un journal ; mais lorsqu’il s’agit du chant lyrique, la critique est sans égal.

Pourquoi cette acharnement à vouloir absolument diviniser la quantification de ce genre musical au Cameroun quand on sait la difficulté qu’éprouvent les acteurs locaux ? Pourquoi vouloir mettre tous les artistes à l’échelle mondiale ? Il est merveilleux de se vanter d’avoir chanté auprès des virtuoses internationaux de l’art et d’avoir étudié auprès des plus grands professeurs de chant ; il est judicieux d’être zélé de ses diplômes de conservatoires et autres grandes écoles occidentaux. Mais qui jouera le championnat du Cameroun si tous les Camerounais vont jouer auprès de Zidane, de Ronaldinho, etc ? Union Sportif de Douala existerait-il si tous les Camerounais étaient Perrier NDOUMBE ?

Tous les chanteurs lyriques ne peuvent pas être internationaux même si chacun aspire à l’être. Il faut des artistes pour animer leur pays et c’est au pays lui-même de juger leur niveau, c’est à nous-mêmes le devoir de justifier ce que nous sommes, tout en progressant vers une quantification mondiale. 99% de Camerounais n’approuvent pas que l’équipe nationale de foot continue d’être entraînée par un expatrié, pourtant on est prêt à accepter que le jury d’un concours de chant lyrique soit composé essentiellement de Blancs. Nous sommes à la quatrième décennie de l’insertion du genre lyrique au Cameroun et les statistiques sont spéculatives, un bilan ambigu avec des acteurs non répertoriés. Il n’y a aucune structure ni aucune convention officielle qui donne un espoir en l’avenir. Tout est superficiel ou sinon des choses sont organisées dans l’anarchie : des concepts qui se créent pour obscurcir d’autres, des élèves qui pavanent comme des mambas verts sous le soleil courant après multiples appâts, des calomnies et invectives de-ci-et-là.

L’une des difficultés est que les acteurs du chant lyrique commencent à le pratiquer à l’âge adulte. La plupart encadrés par des enseignants autodidactes, parce que Camerounais, préfèrent, par ingratitude, attribuer leur cursus à des concepts soit imaginaires, soit très influents en matière de propagande. Dans le chant lyrique au Cameroun, on se refuse d’avoir été entièrement formé par une école ou un encadreur de son pays. C’est un cancer avec lequel on fait l’effort de vivre sans trop exposer sa douleur. Le comble c’est quand on vient à dire qu’un maître est jaloux de son élève.

Cela fait rire et pleurer en même temps !

Comment peut-on être jaloux de celui à qui on donne toute sa fortune ? Quel méchant maître peut-il éduquer son disciple pour qu’il ne grandisse pas en esprit ? Ce serait là une perte de temps inutile ! Pourtant ce que l’on a tendance à éluder c’est que le maître qui a formé ce chanteur qui se vante et le vilipende, est capable de former d’autres et meilleurs encore. On ne peut refuser que des gens soient talentueux et doués, mais si le don et le talent suffisaient à Pavarotti, il n’aurait pas eu d’encadreur.

Lorsque les jeunes chanteurs lyriques viennent à solliciter une formation auprès d’un maître ou d’une école, ils paraissent tellement inoffensifs qu’on pourrait leur confier le code secret d’un coffre-fort. Mais il suffit des années après qu’il ait été sélectionné à un concert ou deux pour qu’il se voit déjà plus grand que son maître. Il suffit encore qu’il soit avec d’autres chanteurs lyriques dans un forum dans lequel des gens partagent quelques expériences pour qu’il devienne Ponce Pilate en personne. Et quand il a l’opportunité d’assister à une master class animée par un blanc, c’est là l’apogée : même le Camerounais qui a fini le conservatoire n’a pas son « haut » niveau. S’il obtient donc une bourse pour un quelconque conservatoire, il devient amnésique en effaçant tout un passé de son cursus. Il oublie que c’est un maître de chant dans une chorale qui lui a appris sa première mélodie ; il oublie que c’est ce maître qui lui a appris son premier solo ; il oublie que ce même maître l’a amené à une soirée de gala pour y exhiber pour la première fois son talent de belcantiste ; il efface de sa mémoire tous les cours de solfège, de technique vocale et de chant, d’interprétation qu’il avait faits dans une école et auprès des maîtres au Cameroun. Il écrit donc son histoire avec un vide messianique.

2.    L’hypocrisie des Camerounais

Au Cameroun, on aime voir le maître qui se déchire avec son élève, le cadet qui traine l’aîné dans la boue, le fils qui vilipende son père, la mère qui pleure à cause de sa fille. A l’individu ça peut sûrement procurer un grand plaisir. Mais qu’est-ce que cela procure à la communauté à part un retardement au progrès ? On a vu la joie des journalistes et des internautes lors des incohérences entre Samuel ETO’O et Albert Roger MILLA ou des impertinences entre Jean Pierre AMOUGOU BELINGA et Ernest ZOGO OBAMA. Sauf qu’on n’a pas compris que cela n’a jamais allégé la dette au Cameroun, ni augmenté le salaire des Camerounais, encore moins diminué le taux de chômage. C’est malheureusement l’évènement malveillant qui est mieux à promouvoir.

Lorsque Petit-Pays et les Sans-visas s’entendent bien, aucun commentaire ne se fait pour apprécier leur harmonie. Or il suffit d’une rumeur qui mette Mathématik et Petit-Pays en désaccord pour qu’au plaisir, le Camerounais commente et envenime jusqu’à provoquer des envies de meurtre entre les protagonistes.

C’est tout-à-fait ce qui arrive phénoménalement dans le milieu lyrique : des médisances des chanteurs vis-à-vis de leurs maîtres, procurant du plaisir aux maîtres arrivistes qui attendent au rebond pour gagner un artiste aguerri parmi ses élèves qu’il peine à former. Quand l’insulte, l’invective et le sabotage deviennent normatifs dans la société !

Sauf qu’il y a là une conséquence que l’on ne mesure pas : c’est l’évolution du Cameroun dans la médiocrité, car à cause de la contre-publicité faite à l’encontre des vrais encadreurs, les aspirants vont éluder leurs vrais maîtres pour courir aux illusionnistes. Le constat est que plusieurs élèves qui ont maugréé leurs précurseurs pour aduler un maître attractif, n’arrivent plus à chanter aujourd’hui, non pas parce qu’ils n’ont plus de talent, mais parce qu’ils n’ont pas laissé leurs encadreurs (précurseurs) les mener jusqu’au bout de la formation, et parce que le maître illusionniste n’a fait qu’utiliser leur talent à des fins commerciales qui ne profitent qu’à lui.

3.    Parlant de la pédagogie

Tout le monde ne peut pas être pédagogue au même moment et au même niveau. Il y a les enseignants qui sont là pour interpréter les méthodes pédagogiques, et il y a donc les pédagogues pour créer ces méthodes. La pédagogie est le domaine le plus complexe dans la société normative. Il ne suffit pas de lire dans un livre pour devenir un pédagogue ; il faut savoir adapter le livre au contexte et à l’environnement, et ce n’est certainement pas le plus facile.

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Des musicologues et pédagogues ont écrit des méthodes lesquelles ont été certainement, taillées par rapport aux sujets (chanteurs) qu’ils ont rencontrés durant leur carrière, mais cela ne peut être universelle ne fusse que parce que les sociétés et la nature humaine sont différentes d’une région à une autre. Il y a les différences dans les climats, les cultures, les civilités, les langues et même dans les intérêts communs et individuels. La pédagogie dans le chant ne peut pas être mondialement quantifiée, même s’il y a des généralités auxquelles l’on ne peut se soustraire. Il faut se rendre à l’évidence et être capable d’adapter la théorie à chaque sujet (chanteur) qu’on a devant soi, et non s’appuyer témérairement sur ce qu’on lit dans un livre.

En parlant de climat, il peut arriver que l’auteur d’une théorie vive avec ses sujets dans un pays où il neige fréquemment ; il va là chercher des méthodes qui favorisent ses artistes selon ce froid frigorifiant. Il va de soi que ses méthodes ne vont pas automatiquement être favorables à ceux qui vivent à Garoua.

Parlant de cultures et de civilités : il y a des sociétés qui ont adopté la musique comme un métier professionnel et d’autres qui n’en rêvent pas. C’est clair que les gens qui sont salariés de la musique vont en faire leur quotidien exclusif, tandis que les autres bénévoles le feront juste par passion dans une fréquence très limitée parce qu’ils ont leurs salaires ailleurs que dans la musique. Par conséquent, il est impossible à ces derniers de suivre à la lettre une méthode établie pour les premiers.

Quant-aux langues, la difficulté est encore plus flagrante. Même les plus grands chanteurs d’opéra ont eu du mal à prononcer correctement certains phonèmes des langues qui ne sont pas les leurs. Au Cameroun, il y a plus de deux cents langues et il y a des voyelles et des consonnes absentes dans certaines de ces langues. Aucun livre de chant ne parle des différences linguistiques qui permettraient qu’un Bassa qui prononce « ti » puisse dire « tu ». Des gens à la place de « drr », prononcent plutôt « grr », et « crr » à la place de « trr », il faut donc parvenir à les redresser.

C’est alors là qu’intervient véritablement le pédagogue, car il faut créer des méthodes qui corrigent les défauts purement naturels. Et c’est dans ces natures diverses que la pédagogie du chant devient complexe. La témérité à vouloir référencier sa classe de chant par des noms célèbres des grands auteurs ou à vouloir universaliser les approches, peut causer certaines conséquences irréversibles comme : perdre les cordes vocales pour celui qui a l’angine, ne pas parvenir aux aigus pour celui qui a la sinusite, décourager celui qui a des difficultés à faire le tissage des deux voix (normale/fausset), etc.  

Le Cameroun est tenu en bivalence dans le chant lyrique, entre accepter ses acteurs comme élites et les considérer comme des prétentieux. Le même chanteur qui a fait son récital hier est celui qui aujourd’hui se retrouve dans le cabaret entrain d’imiter toutes les voix des chanteurs de variétés. Il y a certes des chanteurs lyriques qui peuvent avoir une voix polyvalente, mais il faut savoir choisir le répertoire avec lequel on fait cette polyvalence.

La seule vérité est que les acteurs du lyrique du Cameroun, même s’ils ont la mention ASSEZ BIEN à l’échelle mondiale, ont la mention TRÈS BIEN dans leur pays. Et si les élèves des différentes écoles terminent leurs programmes, ou si les chanteurs poursuivent la formation avec leurs maîtres (Précurseurs), les mentions seront bien au-delà.

4.    Le Cameroun doit construire un Patrimoine propre à lui

On a tendance à manger la semence quand on voit les autres manger leurs récoltes, parce qu’on ne sait pas que les autres ont semé et entretenu leurs champs longtemps avant le temps de la moisson. La vie au Cameroun n’est pas facile depuis l’âge des détournements des fonds publics non restitués, ajoutés aux guerres du NOSO et des Boko Haram ; mais la musique peut redonner un sens à la vie si on la prend du bon côté. Les chanteurs lyriques et l’opéra font partie de cette communauté.

Il ne s’agit pas de commencer un opéra avec d’excellents chanteurs placés à l’échelle mondiale. Il s’agit de commencer quelque chose propre au Cameroun et dont les Camerounais sont initiateurs et gérants. Avec l’apport de ceux qui sont plus expérimentés, s’ils peuvent donc s’associer, les choses pourraient se quantifier plus vite. On ne peut pas lutter contre l’impérialisme en plaçant l’impérialiste au-dessus de son projet de développement, c’est d’avance un échec. Les intérêts doivent être partagés et clairement définis.

Si j’ai dit dans mon premier document que le Cameroun n’a plus besoin des cours périodiques de musique (master classes), c’est parce que ces méthodes ne bâtissent pas un pays ; ça va demander une éternité pour aboutir à un résultat élitaire. Il faut des écoles ordinaires (maternelles, primaires, secondaires, universités) pour qu’on ait des hauts cadres de l’administration, des officiers, des juristes, des économistes, des ingénieurs, etc. Les séminaires ou master classes n’interviennent que si on a des gens qui maîtrisent la matière et doivent l’appliquer de manière professionnelle. Pourquoi est-ce que la musique scientifique dans le cadre général, doit-elle demeurer une intrigue des forums dans les réseaux sociaux ? Nous sommes pour la plupart quadragénaires et nous serons bientôt des patriarches ! Qu’aura-t-on laissé au cadets comme patrimoines sinon de grands débats sur Facebook ?

Le docteur Patrick NTSAMA (arts et spectacle) souligne dans sa thèse : « Les chorales classiques sont les plus grands conservatoires au Cameroun. » Une vérité probante, car en réalité, la plupart des Camerounais qui lisent la musique tiennent leur formation de ces chorales ; la majorité voire la totalité des chanteurs lyriques y ont débuté leur carrière. Je ne peux citer les noms, car il y va de leur propre honnêteté. Sauf que l’histoire doit être un assemblage d’évènements et de personnages liés à la vérité ; sinon ça devient une légende, un mythe. Il ne faut pas escamoter cette partie de l’histoire ; elle a une importance capitale pour la mémoire et l’hommage de ceux qui ont sacrifié de leur temps et de leur énergie. Et c’est l’histoire de tout un pays.

On n’a pas eu besoin de dire que MOZART a été formé par GLUCK ou ROSSINI pour prouver qu’il était un génie, on a simplement dit la vérité qui voudrait qu’il ait été effectivement formé par son propre père. Et l’Autriche qui regardait « mélancoliquement » la famille Mozart à cette époque en est fière aujourd’hui.

Des internautes m’ont trouvé suffisant et gueulard dans certaines lignes de mon premier document. Si je dois y répondre, je dirai tout d’abord que chacun a le droit d’interpréter le langage de l’autre à sa manière et se donner une opinion sur le verbe de quelqu’un, c’est la place de la maïeutique. Cependant, il faut savoir que lorsqu’on est sûr de ce qu’on sait, il n’est pas nécessaire de spéculer, surtout quand il s’agit de la pédagogie.

Mon premier document a un dessein interpellateur et il reste purement pédagogique. Il parle de concept et de la méprise à l’encontre de l’art et ses acteurs, notamment les encadreurs et les chanteurs autodidactes. Il tente de libérer les écoles et les formateurs du joug du pessimisme puriste et de l’invasion de la médiocrité. C’est un document ouvert à toute suggestion ; il peut être complété par d’autres idées et il dit tout haut ce que les mêmes gens qui tentent de le controverser ouvertement, disent tout bas. C’est aussi ça l’humanité : dire sournoisement la vérité et proclamer la mythomanie.

Je m’amuse souvent à dire à mes élèves : « la plus grande différence entre le gospel et le classique c’est que la musique gospel rassemble les cœurs tandis que la musique classique rassemble juste des musiciens. » C’est malheureusement la triste vérité : Dans une troupe de gospel, il est difficile de tolérer deux personnes qui ne se saluent pas dans les rangs, car l’ambiance même du style ne le permet pas. Or l’orchestre classique peut rassembler des ennemis mortels sans jamais trouver une remédiation. Il peut même arriver qu’un chanteur d’opéra italien se refuse de chanter au côté d’un juif, ou bien qu’un violoniste blanc dépose son violon parce qu’il y a un noir dans l’orchestre.

5.    Mon véritable dessein et Le choix des répertoires dans un concours

Je ne suis pas passionné de la musique même si tout laisse à le croire ; je suis plutôt passionné de ceux qui font la musique et surtout de ceux qui vivent de cet art. je n’ai pas choisi ce métier, je m’y suis surpris, et autant que j’aime mon pays, je lutterai jusqu’à ce que le Maître de l’univers me « désactive », afin de voir le Cameroun émerger dans le domaine de la pédagogie musicale et le spectacle lyrique opéra.

Il est vrai que la plupart des gens qui m’ont côtoyé dans le domaine, ont de moi, la seule idée que je suis juste un organiste de chapelle, voilà pourquoi ils pourraient ne pas percevoir le dessein de mes documents, et je le leur concède. Il n’y a que ceux-là qui ont travaillé auprès de moi ou qui ont voulu un certain échange avec moi, qui peuvent en savoir la profondeur et cerner les enjeux.

Je ne me réclame pas être le meilleur des formateurs ou que mon Institut soit le centre de la connaissance absolue en la matière. C’est la vérité et l’honnêteté que je réclame. Il faut donner la médaille à ceux qui la méritent et non pas à ceux qui se réclament du mérite des autres.

Lorsqu’on crée une école ou une académie, la première des choses à faire c’est de savoir quel type de formation on va apporter aux gens. Est-ce une formation à court, à moyen ou à long terme ? Est-ce une formation de la base au sommet ? Est-ce juste élémentaire, secondaire, ou est-ce juste une formation supérieure ?

Si c’est une formation juste élémentaire, cela voudrait dire qu’à un certain niveau, les élèves quitteront l’école pour une autre supérieure à la première. Si c’est juste une formation supérieure, cela veut dire que les élèves de cette école viennent d’ailleurs. Il faut donc en tenir compte dans l’historique afin de retracer son parcours. Au moins, en regardant l’évolution des élèves par rapport à la première école y compris les notes des évaluations, on peut savoir si effectivement ces élèves ont le niveau requis pour poursuivre la formation supérieure. C’est ce à quoi servent les concours académiques. Si c’est donc une formation de la base au sommet ou un certain sommet, il faut déterminer les cycles et le nombre d’années, catégoriser les sessions ; de plus, il faut programmer des évaluations et communiquer les résultats de ces évaluations.

Il faut concevoir les choses de manière à ce que certaines structures soient la base de la formation, d’autres le relai et d’autres l’aboutissement. Or dans le domaine lyrique au Cameroun, il se passe qu’il y a des structures qui forment effectivement tandis que d’autres récupèrent les formés pour faire la promotion de leurs structures. Par des agissements mégalomaniaques, passant par une mythomanie « biblique », elles font ombrage à celles qui forment.

Quant à la question de l’autodidaxie, il ne s’agit pas de construire une société avec exclusivement des autodidactes. C’est la raison pour laquelle ces autodidactes se sacrifient pour fonder des écoles qui vont peu à peu élaguer le phénomène. Tout ce qui est réclamé c’est de reconnaître que sans ces autodidactes, il n’y aurait pas eu autant de théoriciens de la musique, encore moins autant de chanteurs lyriques. Et si on ne parle pas d’eux comme des précurseurs, l’histoire à écrire sera à l’entame un mensonge, et lorsque le mensonge devient séculaire, la vérité devient un mythe.

Il faut encore se rendre compte que l’autodidaxie dont on parle n’est juste ainsi appelée parce qu’on n’a pas été formé dans une institution. Tout le monde est initié par quelqu’un même si on a continué soi-même par des livres et des expériences appliquées. C’est parce qu’on n’a pas trouvé d’appellation à ce type de formation que par limitation de vocabulaire, on se dit autodidacte.

Le diplôme justifie plus le parcours académique que la connaissance proprement dite. On peut étudier l’histoire d’un village et écrire une thèse là-dessus, mais on ne peut mieux connaître l’histoire de ce village que les autochtones qui nous l’ont racontée.

Lorsque des chanteurs viennent de l’extérieur, avant qu’ils ne se placent devant les Camerounais pour leur enseigner quoique ce soit, on doit se rassurer qu’ils savent enseigner la matière. Ce n’est pas parce qu’on est un grand chanteur qu’on est automatiquement un bon enseignant. Il y a des vedettes et il y a ceux qui font des vedettes. Ce n’est pas non plus parce qu’on n’a jamais fait de récital qu’on n’est pas capable de donner un cours de chant. Mike TISON a été plusieurs fois champion du monde de boxe poids lourd, pourtant son coach ne l’a même pas été une seule fois. Jose MOURINHO n’a jamais été un joueur de champ, mais il est l’un des meilleurs entraineurs de football au monde. Le bon enseignant est celui qui commence par vérifier les capacités de ses élèves avant de commencer la formation, surtout en matière d’art.

Le Cameroun cultive le complexe académique, ainsi le technocrate est au chômage tandis que l’académicien médiocre est aux avant-postes. C’est infernal de voir comment l’art lyrique et la musique scientifique tardent à progresser au Cameroun, parce que des gens croient que c’est une musique exceptionnelle. Elle a certes une grande discipline, mais si on a toléré que Luciano PAVAROTTI chante « Dzéphir embrouazé, versez-nous vos caressé… », on peut également tolérer qu’un Camerounais chante « La schiia kio piañga ».

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On peut avoir des relations amicales avec des Européens chanteurs d’opéra, mais cela ne justifie pas leur cursus ; cela ne veut pas dire qu’ils sont ceux-là qui doivent encadrer nos artistes, comme si la peau blanche justifiait la connaissance ! Et depuis qu’on procède de cette manière, on constate bien que rien de concret n’est construit. Ce n’est pas à dire que l’apport des Européens et autres étrangers est inapproprié, au contraire… Il nous faut donc des spécialistes en la matière qui vont pédagogiquement, apporter leur expertise et qui vont de fait, nous proposer un chronogramme pour une formation à long terme.

Cela a paru audacieux de ma part de critiquer le choix du jury d’un concours de chant lyrique, étant donné que je n’ai pas été au conservatoire. C’est normal que des gens trouvent en cela une prétention démesurée. Une manière de dire que Roger MILLA qui n’a pas fait d’école de foot doit se taire quand Samuel ETO’O parle.

Lorsqu’un chanteur déclare qu’il est basse, la première des idée n’est pas de lui trouver un répertoire de baryton, mais que selon son ambitus, son répertoire soit mesuré. Si on doit lui donner un répertoire de baryton sans l’avoir testé, il faut d’abord supposer qu’il n’y en a pas pour les basses, puis lui trouver des chants de baryton à tendance basse, donc baryton-basse (tessiture Fa1-Fa#3). On ne va pas lui trouver de suite un répertoire de baryton martin (tessiture Sol1-La3 voire Sib3). De même qu’à une contralto, on ne peut immédiatement donner un répertoire de Mezzo-soprano 2, sans tenir compte de son ambitus.

Dans un concours d’art, chacun se présente pour se donner la chance de réussir, donc si un chanteur se déclare dans une tessiture, il faut lui permettre de donner le meilleur de lui-même. Les concours de chant qui ne sont pas d’ordre académique, sont des défis, c’est une course, et chaque candidat veut gagner la première place. Alors, pourquoi lorsqu’il s’agit du chant lyrique, les choses deviennent autant « mystiques » ? Est-ce parce que cela se passe dans le Cameroun des « illettrés » en la matière ? Soit c’est le concours des sopranos et on estime que tous ceux qui se présentent veulent courir le risque des aigus, même si ce n’est pas leurs voix. Mais si le concours est ouvert à toutes les voix, il faut absolument prendre en compte les différentes tessitures des chanteurs lyriques. Ceux qui organisent le concours doivent être prêts à fournir toute sorte de répertoires ; ils ne doivent pas se limiter à leurs nostalgies culturelles.

On comprend que ce sont des Italiens et des Français qui tenaient le jugement lors du concours VITA PAVOROTTI d’octobre-décembre 2021, et c’est judicieux que chaque nation promeuve sa culture et sa langue. Ils n’auraient pas pu chercher un répertoire ailleurs que dans des opéras qui promeuvent effectivement leurs cultures et leurs langues. Sauf qu’au Cameroun, nous ne pratiquons pas le fanatisme culturel et linguistique. Nous ne nous prêtons pas à ce jeu de discrimination. Cela est considéré comme du tribalisme dans notre pays. Si dans les ambassades des Européens, on ne peut pas chanter des langues d’autres contrées, nous au Cameroun, chantons toutes les langues dans nos chefferies.

Si on n’a pas pu trouver d’extrait pour contralto dans des milliers d’opéras écrits dans le monde entier, c’est certainement parce qu’on n’a pas voulu faire chanter l’opéra d’un compositeur allemand ou d’un Russe. Il y a pourtant des femmes à tessiture de contralto qui chantent les rôles écrits pour des contreténors, notamment les rôles de : Rinaldo dans l’opéra RINALDO, Xerxès dans l’opéra XERXES, Jules César dans l’opéra JULES CESAR ou Chérubin dans LES NOCES DE FIGARO et ils pouvaient bien les donner à la contralto. De plus, il y a Cornelia dans JULES CESAR qui va bien avec une contralto. C’est inapproprié qu’on conclue qu’il n’y a pas de rôle pour contralto dans le monde des opéras.

Mon intention, contrairement à ce qui jase entre les internautes, n’a pas été de défendre Victoria LINGOCK ou de conclure à l’incompétence de l’Académie Sainte Cécile. C’est un concept comme un autre, qui peut vivre et mourir comme peut vivre et mourir l’Association musicale Chœur des XX(20). Je l’ai dit plus haut, il s’agit de déplorer ce mouvement régressif au Cameroun qui voudrait qu’on accepte des choses même les plus incohérentes, juste parce que c’est un blanc ou un blanc à la peau noire qui est, soit au jury, soit animateur d’une master class.

Victoria est dans la carrure de Jessy NORMAN : ces femmes qui peuvent une étendue vocale très élargie (contralto à soprano). Cela ne peut se faire que si elle travaille véritablement et le temps qu’il faut. Son intention de chanter contralto était à dessein : elle voulait se donner plus de chance dans la compétition, car avec les autres sopranos, ce n’était pas évident de les défier dans leur tessiture. Pourtant en tant que contralto, elle est un poisson dans l’eau.

D’un autre côté, l’Académie Sainte Cécile peut se présenter comme une structure de promotion pour les chanteurs lyriques sans que cela ne gêne personne. Ce serait d’ailleurs bienvenu dans le jargon. Et si elle se présente comme une école de formation, il faut bien qu’elle sache définir dans quelle catégorie se situe sa pédagogie : si elle est basique, intermédiaire ou supérieure. C’est à partir de là qu’on saura comment établir un lien avec les autres écoles.

6.    Au Cameroun, il est difficile de trouver des collaborateurs et des chanteurs qui supportent un chronogramme de formation à long terme.

A l’Institut de musique Chœur des XX(20), les instrumentistes et les chanteurs sont formés à la base pour atteindre un certain sommet par rapport au niveau actuel du Cameroun. On ne peut pas négliger sept ans de cours de chant en faisant comme si c’était un parcours propagandiste et marginal. Il y a des chanteurs qui sont au niveau 5 (Supérieur Degré I) comme Victoria, Estelle ELE (Merveille) avec d’autres encore qui n’ont pas pu continuer à cause des situations familiales et économiques, ou parce que sanctionnés par la hiérarchie pour mauvaise conduite. D’autres sont au niveau 4 (Junior Degré III) comme Claudine NNOMO, Francine OKALA, Jean Michel AHANDA, Dorian NDOM MBELEL, Jessica MENYEÑE ; d’autres au niveau 3 (Junior Degré II) comme Flora MBAZOA, Marie Jeanne FOUDA, Gwladys EVINA, Clément SOUDAISSI, Benjamin TSALA (en France). Tous savent à quel point c’est dur le travail de chanteur d’élite.

Le programme qu’ils ont à partir du niveau 2 (Junior Degré I) est costaud et ils ne peuvent pas s’en sortir s’ils sont tiraillés de gauche à droite. Ce sont des gens encore fragiles vue la considération du chant lyrique au Cameroun. Ils n’hésitent pas à essayer partout où ils voient une opportunité de voyage ou de prestige, ce qui est contreproductif en pédagogie. Ils sont encore attachés à leurs chorales, or ils doivent comprendre que ces chorales ne peuvent plus les aider en matière de chant, sinon les embarrasser professionnellement.  Ils ne conçoivent pas encore qu’un chanteur d’opéra se doit d’être centré sur sa virtuosité. Le procédé est compliqué et demande une acuité sérieuse, rigoureuse, sans interférence et surtout sans mensonge.

Si on ne parvient pas à supporter la pression du travail que propose notre Institut, je ne vois pas comment on pourrait supporter le rythme de travail qu’il y a dans un conservatoire. Le jeune baryton Aurélien MANGWA actuellement au conservatoire Royal de MONS, peut en dire plus si l’on daigne un jour l’écouter. N’allons pas croire que je suis en train de le citer comme produit de l’Institut de musique Chœur des XX(20).

Le programme du niveau 4 de notre Institut demande environ six encadreurs pour différents modules. Et les encadreurs qui peuvent respecter un tel programme ne courent pas les rues au Cameroun, non pas parce qu’ils ne sont pas capables, mais parce qu’ils manquent de volonté et même qu’il y a un sérieux manque d’envie de collaborer.

J’ai dû travailler avec certains encadreurs de chanteurs lyriques à Yaoundé avec qui je m’entendais très bien quand il fallait enseigner comme dans les master classes. Mais lorsqu’il a fallu instaurer une approche continue et à long terme, il est avéré que je suis un prétentieux qui croit tout savoir. C’est aussi ça mon pays.

Lorsque je créais le groupe de formation Chœur des XX(20), j’étais premier organiste et chargé du chœur au Rhumsiki Fako Opera, en même temps Directeur technique de UNICHO (Union des Chœurs), organiste et secrétaire général à la Chorale Saint Paul de Messamendongo, organiste et formateurs des Piccoli Saint Kisito de Messamendongo, organiste et formateur au Chœur de la Nativité d’Ekoumdoum ; plus tard, j’ai participé à la fondation du Chœur Polyphonique d’Afrique de la Fondation Cœur d’Afrique Albert Roger MILLA. J’ai participé à plusieurs concepts à la fois sans jamais délaisser un seul ou en privilégier aucun. Pourtant c’est une difficulté pour certains de garder ne serait-ce qu’une relation amicale avec leurs anciens collaborateurs quand ils ont créé leur concept ou quand on les a sollicités ailleurs. Ils se créent une barrière entre eux et ces anciens collaborateurs qu’ils tiennent très souvent en ennemis.

Le Cameroun n’est plus absent en matière de musique classique, de musique scientifique et en art lyrique. Ce sont les Camerounais qui ne croient pas en eux-mêmes. Et ce n’est que normal, quand on est dans un pays où tout le monde cherche une pension retraite en aspirant à la fonction publique, mais qui refusent de croire qu’avec la musique, ils peuvent être salariés même après leur mort.

Je fais confiance à mes élèves en tant que des interprètes, bien qu’ils font parfois des mauvais choix. Je ne peux pas les juger. Je ne les retiens pas quand ils veulent aller voir ailleurs ; c’est leur choix et chacun a le droit de vivre ou de mourir comme cela lui convient. Notre Institut fait sa part de travail dans l’assurance de résultats justes et meilleurs, et c’est à eux d’en faire ce qu’ils veulent. La formation qui n’est pas forcément la meilleure, est du moins sur une voie exemplaire pour le Cameroun, car jusqu’ici, les élèves et les parents adhérents sont satisfaits des résultats.

Il y a des moments où certains élèves chanteurs se donnent l’impression qu’ils font la force de l’Institut de musique et se comportent comme des leaders ou des piliers. Et c’est là que l’on se trompe formellement. Il n’y a pas d’élève leader ou subalterne dans une école, il n’y a que des élèves qui ont le niveau inférieur ou supérieur aux autres, et tous sont conduits vers la même issue. L’Institut de musique Chœur des XX(20) a des règles et on ne s’applique que sur les douze essentielles appelées « Les 12 règles d’or ». Lorsqu’un élève transgresse une de ces règles, il est sanctionné à la mesure de sa faute. C’est loin d’être l’anarchie que l’on vit dans des chorales où chaque membre fait comme il veut et donne la raison qu’il est venu louer son Dieu, comme si chacun aurait un dieu qu’il garde dans sa poche.

Nous sommes rigoureux et surtout protecteurs. C’est autant que nous protégeons nos élèves quand ils nous sont loyaux, qu’autant nous protégeons notre patrimoine pédagogique et artistique.

Il n’y a pas moyen de se méprendre sur le fonctionnement de notre Institut ; et c’est choquant de voir comment quelqu’un que vous conduisez durant 2, 3, 4, 5 ans, se donne du mal à vous vilipender parce qu’il n’arrive plus à supporter le rythme et les méthodes de travail, et surtout parce qu’il a rencontré un illusionniste qui le conduit dans un rêve que vous savez irréalisable. Ce n’est pas non plus facile de vivre les calomnies de vos anciens collaborateurs qui se séparent de vous juste parce que vous avez une vision plus lointaine. Mais on se doit d’avancer malgré tout, car à ce que l’on dit : « ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. »

La seule intention de vouloir détruire le projet de l’autre ou de démotiver des gens à écrire leur vraie histoire, en les empêchant de poursuivre un programme qui les forge et leur donne des notoriétés, est une des plus grandes régressions dans l’art et la pédagogie. Notre jargon, au Cameroun, est pour le moment informel, et pour qu’il soit un jour inclus dans les intérêts socioculturels et socioéconomiques de notre pays, il faut beaucoup d’engagement, beaucoup d’honnêteté et beaucoup de solidarité entre les acteurs et surtout entre ceux qui encadrent ces acteurs, ceux qui créent des concepts et ceux qui promeuvent l’art.

Le Cameroun a besoin de toutes les structures créées pour le développement et la promotion de la culture par la musique. Seulement, cela ne peut pas marcher si nous sommes dispersés. Cela ne peut pas avancer si on ne se fait pas confiance ou si on se tient en ennemis. La vérité c’est qu’on ne peut réussir à travailler ensemble que si on est capable de vanter le concept, le projet ou les œuvres de l’autre.

            Julien ENGOLA, encadreur et promoteur des chanteurs lyriques


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