Dans une chronique intitulée « QUAND UN PEUPLE A SOIF DE JUSTICE…», publiée ce 19 décembre 2018 sur sa page Facebook, le Dr Makon Richard souligne l’importance et l’impérativité d’une justice humanisant au Cameroun.
QUAND UN PEUPLE A SOIF DE JUSTICE…
La justice n’est pas que le qualificatif du POUVOIR JUDICIAIRE, celui-là qui prend la forme d’une institution ou d’une administration publique constituée d’un ensemble de juridictions, ayant pour charge d’administrer la justice sur un territoire donné. Elle est aussi, d’une part un PRINCIPE MORAL de la vie sociale fondé sur la reconnaissance et le respect du droit des autres, à la faveur de l’équité (droit naturel) ou de la loi (droit positif) ; d’autre part le POUVOIR D’AGIR pour faire reconnaitre et accepter ces droits. C’est pour traduire ce double rôle, d’une part d’administration des châtiments, d’autre part de détentrice de la vertu morale d’arbitrage, que la justice est symbolisée par LE GLAIVE et LA BALANCE.
Parce que le droit est UN INSTRUMENT D’ENCADREMENT ET DE NORMALISATION DES RAPPORTS SOCIAUX, celui qui est chargé d’élaborer ou d’adopter le droit, doit être guidé par l’intérêt supérieur de la société et des hommes sur lesquels et pour lesquels il fait œuvre d’élaboration ou d’adoption normative. Parce que le droit est UN OUTIL DE REGULATION SOCIALE, celui qui est appelé à dire le droit ou à rendre justice, doit conduire son office en ayant à l’esprit tant L’HOMME POUR QUI CETTE JUSTICE EST INSTITUÉE, que la concorde et la cohésion de LA SOCIETÉ POUR LAQUELLE CETTE JUSTICE EST INSTITUTIONNALISÉE.
Aussi, est-il tenu, au-delà des principes d’ISONOMIE (égalité de tous devant le droit) et d’ISOCRATIE (égalité de tous devant le pouvoir), de faire de son office UN OUTIL DE CONSOLIDATION DE LA PAIX ET DE PACIFICATION DES CŒURS.
TOUTE JUSTICE SANS HUMANISME EST TYRANNIQUE, fût-elle fondée en fait et en droit !
TOUTE JUSTICE SANS AMOUR EST SOURCE DE DIVISION ET DE FRACTURE DU LIEN SOCIAL, fût-elle justifiée en apparence par les particularités du cas d’espèce, les enjeux de l’affaire, les circonstances, la conjoncture, le contexte et ses contraintes.
Dans cette perspective, on comprend aisément que l’adage ‘‘dura lex sed lex’’ transpire un positivisme non seulement désuet, abstrait et aveugle, mais totalement désincarné et contraire aux valeurs qui fondent toute société, légitiment ses projets et ses actions, orientent ses trajectoires de vie et dessinent la dorsale de son devenir, a fortiori les valeurs africaines que sont : le caractère sacré de la vie, la justice, la foi en Dieu, la solidarité, la liberté, l’harmonie et l’équilibre.
Si la règle de droit est le produit d’un environnement, elle ne saurait s’appliquer au mépris du contexte. Le nôtre est suffisamment perturbé et agité par des contestations politiques, des convulsions sociales et culturelles, des mobilisations d’exacerbations des passions ethniques et identitaires.
Toute cette agitation nationale et ces revendications plurielles qui attestent d’un malaise généralisé, renseignent d’une floraison de crises et témoignent d’une profonde aspiration au changement, dessinent simultanément le même tableau de la discrimination et de l’injustice, écrivent au Prince la même lettre de la souffrance et du mal-être:
« Monsieur le Président, ça ne va pas ! »
Le Peuple a faim et s’est habitué, comme en temps de guerre, à se contenter de peu en espérant voir poindre un jour nouveau, irradié par les rayons salvateurs d’un soleil de bonne saison.
Le Peuple a soif, d’une soif inextinguible de justice qui ne peut être assouvie que par un changement total de cap et de mode de gouvernance, fait de plus d’équité, d’égalité, de solidarité, d’entraide, de discrimination positive, de paix, de partage, de compassion, de dialogue et d’amour.
Si le retour à la liberté de certains de nos compatriotes est un geste d’apaisement fort qui va dans le sens de cette justice humaniste, le Peuple tout entier espère voir ces gestes se multiplier, dans un esprit de responsabilité collective et de sincérité des cœurs ; oui le peuple espère par-dessus tout vivre UNE JUSTICE SYSTÉMIQUE ET SYSTÉMATIQUE, s’appliquant à tous sans distinction, bénéficiant à tous sans discrimination, pour espérer qu’enfin puisse s’adoucir les cœurs de tous.
*Chronique précédemment publiée dans ‘‘Mutations’’.