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Richard Makon : « Le problème de l’affaire Kevin Ngassam, c’est cette justice des forts et des faibles »

Kevin Ngassam RM

Interpellés, deux élèves, deux étudiants et un enseignant ont été placés sous mandat de détention provisoire mercredi à la prison centrale de Yaoundé le mercredi 2 septembre 2020.


Kevin Ngassam RM
Kevin Ngassam – DR

 Il s’agit de : Gervais Kevin Ngassam Noghe, élève, domicilié à Bangangté ; Simon Makon Edgard, étudiant, domicilié à Douala ; Bandroon Wilson Ledoux Kamga Piam, étudiant domicilié à Douala New Bell ; Romaric Noute, professeur des collèges de l’enseignement technique, domicilié à Oyack ; et de Willy Christian Tchabouatchou Sandjong, élève au lycée bilingue de Njombé et domicilié à Mbouala.

Tous sont inculpés pour « fraudes aux examens et complicité ». Cette mise en détention a une durée de six mois et expire le 2 mars 2021. A en croire Me Simh Emmanuel, avocat constitué par Gervais Kevin Ngassam Noghe, un des élèves interpellés, il faut d’abord attendre d’être entendu par le juge d’instruction qui va décider de renvoyer l’affaire en jugement ou pas. Avant ce transfert à la prison centrale, signale l’avocat, les mis en cause étaient en garde à vue dans les locaux de la direction de la Police judiciaire de Yaoundé après leur interpellation, il y a plus de trois semaines.

Dans une publication sur Facebook, l’enseignant d’université Richard Makon se prononce sur cette affaire et pense qu’il y a une justice à double vitesse. «Le problème c’est cette justice des forts et des faibles. Cette justice à géométrie variable qui est source de division et cause de frustrations et, de plus en plus, de tensions et de violences », écrit-il.

 Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune.

« DE L’ÉTAT SANS DROIT À L’ÉTAT DE DROIT

L’Etat personnifie le droit, qui constitue la manifestation la plus aboutie de son existence, en même temps qu’il symbolise le pouvoir général, perpétuel et imprescriptible qu’est la souveraineté.

 C’est par la règle de droit, contenue dans les énoncés juridiques descriptifs, narratifs, performatifs ou prescriptifs que l’Etat organise la société et la vie individuelle, commune et collective ; crée des systèmes, des institutions, des régimes, des procédés et des mécanismes ; régule les institutions et les rapports sociaux comme institutionnels ;  fixe les garanties, les interdictions, les licences et les habilitations ; instaure des régimes de promotion et de sanctions.

Il n’y a donc pas d’Etat sans droit. Et même si, dans une certaine mesure, le droit a existé et peut exister sans Etat, ce dernier, l’Etat, reste la seule personne morale à pouvoir lui garantir une certaine permanence, une validité certaine aussi, une stabilité salutaire, une généralité et une opposabilité qui en garantissent l’institutionnalisation et favorise en même temps les fictions juridiques (comme le « nul n’est censé ignorer la loi »), les personnifications et les incarnations.

La règle de droit, par sa nature sociale, reflète les caractéristiques du milieu qu’elle régit. Une connaissance des conditions qui président à son élaboration et à son application est donc le point de départ de toute tentative de compréhension, d’explication ou de systématisation de ce phénomène social.

Si donc l’utilité de la règle de droit n’est plus à démontrer, en ce qu’elle symbolise l’ascension vers la lumière d’une collectivité humaine et la sortie commune de l’état de nature, c’est en réalité le niveau et la qualité de son application (générale, impersonnelle, totale, globale, systémique et systématique, sans distinction ni discrimination, etc.) qui peuvent véritablement asseoir les bases d’un ÉTAT DE DROIT.

Le problème dans l’affaire du jeune KÉVIN, ce qui cause cette grande indignation, ce n’est pas le fait de son âge, non ! Car, d’une part, il y a bien plus jeune que lui en prison (ce qui du moins est un symbole d’échec d’une politique juridique, judiciaire et pénitentiaire), d’autre part, qui plus est, cet enfant aurait déjà atteint l’âge de la majorité pénale.

Le problème n’est non plus celui de la nature, incontestablement répréhensible, des actes qu’il aurait posé, encore moins de son lieu de détention (bien qu’on devrait privilégier dans son cas la proximité entre le domicile et le lieu de détention), la nature du délit allégué et son circuit de réalisation pouvant justifier sa détention hors du lieu de son interpellation.

Le problème ici c’est celui de la flagrante discrimination dont certains sont victimes, dont Kévin lui-même.

Le problème c’est cette inéquité systématique. Cette injustice criarde. Cette « justice » du deux-poids deux-mesures. Cette justice à plusieurs vitesses.

Le problème c’est cette justice des forts et des faibles. Cette justice à géométrie variable qui est source de division et cause de frustrations et, de plus en plus, de tensions et de violences.

Oui, le problème est le fait que les premiers responsables de cette gigantesque fraude se pavanent en toute liberté et ne sont aucunement inquiétés, depuis les responsables politiques et administratifs (qui sont payés gracieusement et ont bénéficié de budgets importants pour éviter ce type de défaillances),  jusqu’aux milliers d’élèves de toutes les localités du pays qui se sont rendus coupables de la détention de ces épreuves et de leur partage, en passant par les responsables techniques de l’Office du BACC où les fuites sont parties, s’ils ne les ont pas simplement orchestré.

Nous acceptons une justice qui n’épargne pas le poussin fautif, parce qu’elle a d’abord frappé sévèrement le vautour coupable.

Malheureusement le problème c’est enfin qu’à chaque fois qu’il y a un scandale dans ce pays, on sert à l’opinion publique du menu-fretin pendant que les membres du syndicat national du crime organisé se la coulent douce.

C’est un problème de Leadership et de Gouvernance ».

Sur les motifs d’inculpation (fraude aux examens), le Code pénal dispose, en son article 163 que : « est puni d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 25 000 à deux millions de F ou de l’une de ces peines seulement, celui qui commet une fraude dans les examens ou concours dans le but d’obtenir soit l’entrée dans un service public, soit un diplôme, certificat ou titre délivré par l’Etat ou un service public national ou étranger ».

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Dans cette affaire, le ministère des Enseignements secondaires avait déjà donné les premières sanctions le lundi 17 août dernier, suite à la mise sur pied d’une commission d’enquête administrative. En effet, elle a indexé sept personnes en service à la reprographie de l’Office du baccalauréat du Cameroun (Obc), comme responsables de cette fuite des épreuves. Il s’agissait de Célestin Paul Ngoumti, chef service de la reprographie à l’Obc, Zachée Bona et Nsegbe, cadres détachés, tous professeurs des lycées d’enseignement général. Egalement concernés, les personnels de l’Obc, Héloïse Léontine Tsimi Ngah, Junior Issa Hayatou, Gabriel Noel Abena Ngono et Valérie Mfomo Minfoumou. Pour ces personnes, il a été décidé une suspension de trois mois pour négligence et complicité de fuite des épreuves. La session 2020 a connu une fuite des épreuves de Physique, Sciences de la vie et e la terre et Chimie pour les séries C, D et TI (Technologies de l’information). Suite à cela, les épreuves ont été reprogrammées les 3 et 4 août derniers.


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