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Neo Industry S.A: Un énième éléphant blanc au Cameroun ?

usine neo industrie

Nous avons applaudi l’arrivée de NEO Industrie à Kekem. Mais à peine 2 ans après son lancement, cette entreprise serait déjà en difficulté au point de ne pas honorer ses engagements vis à vis de la banque SCB Cameroun. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?  Tentative de réponse du Dr Louis Marie Kakdeu, universitaire.


usine neo industrie
Usine de transformation de Kekem, du groupe Neo Industry d’Emmanuel Neossi . © Fernand Kuissu

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Deux ans à peine après son ouverture en grande pompe, l’entreprise semble déjà avoir à faire face à une procédure de recouvrement forcé de la part de la banque SCB. Au-delà des raisons pouvant être liées au montage financier déficitaire, je voudrais discuter dans le cadre de ce post son modèle économique, c’est-à-dire la manière par laquelle l’entreprise entendait créer de la richesse ou tout au moins générer de l’argent/le profit.

Modèle économique très discutable

Neo Industry S.A. m’a rappelé dès le départ plusieurs éléphants blancs déjà enregistrés au Cameroun. On se rappelle la SOTRAMAS (Société de Transformation Industrielle du Manioc de Sangmélima), du nom d’une agro-industrie qui avait l’ambition de transformer 120 tonnes de manioc par jour, c’est-à-dire qu’il fallait arracher environ 25 hectares de manioc chaque jour pour faire fonctionner l’usine (les variétés traditionnelles donnent environ 5 tonnes à hectare). La SOTRAMAS est née en 2011 et est morte vers 2015 sans jamais fonctionner. On se rappelle aussi la Société des produits agricoles du Cameroun (SPAC). Vous ne la connaissez pas? Il s’agit d’une agro-industrie ayant aussi bénéficié des fonds publics basée à Bafang et qui avait pour ambition de révolutionner l’offre en poulet prêt à consommer au Cameroun. L’ACDIC avait fait interdire l’importation massive des découpes de poulets congelés, ce qui offrait un marché évident à la production nationale. Parfait! La SPAC est née en 2010 et est morte immédiatement. Elle avait une capacité d’abattage de 2500 poulets à l’heure et l’ambition de livrer 15 millions de poulets par an sur le marché camerounais. Mon Dieu! On peut citer ainsi une dizaine d’entreprises très ambitieuses ayant été fermées au lendemain de leur ouverture. Une question identitaire? Non! Une simple question de modèle économique très discutable.

Pour approfondir :   Fo'o Sokoudjou : « Je ne peux pas me taire face à un régime médiocre »

Règle N° 1: il n’y a pas d’industrie sans matiere premiere. La SOTRAMAS devait prendre 120 tonnes de manioc où par jour? La SPAC devait prendre 2500 poulets où par heure? Pire, Bafang est un bassin de production des poulets de chair depuis quand? Il faut d’abord mettre l’industrie et former les producteurs après? C’est un modèle économique très discutable. Même la SODECOTON qui accompagne depuis longtemps les petits producteurs locaux ne s’en sort pas! Pourquoi? Parce que les petits producteurs ont des problèmes de survie et ne supportent pas la rigidité du circuit formel de distribution. D’ailleurs, certains hypothèquent même leurs productions avant la récolte! Ils hypothèquent à qui? Aux spéculateurs.

Règle N°2: l’industrie ne s’accommode pas avec la spéculation. Vous ne pouvez pas construire une industrie en comptant sur le marché de la spéculation. Les spéculateurs ne vous vendront pas la matière première, préférant aller chercher un meilleur marché. Pour respecter la stabilité de prix, une usine ne peut pas se permettre d’acheter la matière première à n’importe quel prix. Il ne faut donc pas se lancer dans la transformation en croyant pouvoir absorber les produits agricoles que l’on retrouve sur le marché. Vous serez déçu par la spéculation.

Pour approfondir :   Le dramaturge Guillaume Oyono Mbia sera inhumé ce weekend !

Personnellement, je ne comprends pas pourquoi les pouvoirs publics qui financent l’essentiel de ces projets n’en tirent pas définitivement les leçons. C’est donc un autre visage du problème de maturation des projets que les Experts déplorent depuis longtemps dans ce pays.

La Charrue Avant Les Boeufs!

Néo Industry S.A. a une capacité de production est de 32 000 tonnes sans aucune garantie de matières premières. Pour ce niveau d’investissement, il faut avoir ses propres plantations de cacao. Or, l’investisseur a voulu se lancer dans la production dans la Vallée du Ntem après avoir construit l’usine: De la charrue avant les bœufs. A ce jour, il semble être coincé maintenant que le projet de la Vallée du Ntem a été suspendu. Jusqu’ici, l’usine n’a pu transformer qu’environ 4200 tonnes, soit environ 12% seulement du taux d’activité. A ce rythme, cette usine va fermer car pour être pleinement rentable, une usine de cette taille doit tourner en plein régime. C’est clair, Neo Industry ne peut pas tenir ses engagements financiers. C’est visiblement une usine à gaz!

Alerte !

Beaucoup d’autres industries sont en cours de construction sous le même modèle économique. Il est temps de tirer les leçons de l’échec dans ce pays.

LMK


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