Diplômé en pétrochimie de l’Université du Kansas, aux États-Unis, il entame sa carrière au sein de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) du Cameroun, où il dirige le département exploitation-production de 1981 à 1990. En 1990, Marafa intègre la sphère politique, notamment en tant que secrétaire général de la présidence, une position stratégique qui le rapproche de Paul Biya, le président camerounais. Il devient rapidement l’une des figures les plus influentes du gouvernement, en ce sens que le Chef de l’Etat lui confie la gestion des affaires internes du pays. En 2002, il est nommé ministre d’État chargé de l’administration territoriale et de la décentralisation, position qu’il occupe jusqu’à son arrestation en 2012.
L’arrestation et la condamnation : un procès controversé ?
Le 16 avril 2012, Marafa Hamidou Yaya est présenté à un juge d’instruction et rapidement placé en détention préventive à la prison centrale de Yaoundé. Il est ensuite transféré à la caserne militaire du Secrétariat d’État à la Défense (SED). Le gouvernement l’accuse de complicité intellectuelle dans une affaire de détournement d’argent public liée à l’achat d’un avion présidentiel. En septembre 2012, il est condamné à 25 ans de prison ferme.
Cependant, pour Marafa et de nombreux observateurs, ce procès est plus politique que judiciaire. Wikileaks révèle en effet que Marafa aurait exprimé ses ambitions présidentielles lors d’une conversation avec l’ambassadrice américaine à Yaoundé, Janet Garvey, ce qui aurait déclenché la colère du président Paul Biya. Marafa a également critiqué l’opération anti-corruption « Épervier », affirmant qu’il s’agit d’un outil d’épuration politique. Selon lui, son arrestation ne fait qu’illustrer cette machine orchestrée pour éliminer les figures politiques potentiellement menaçantes pour le régime en place.
Une voix qui ne se tait pas malgré la détention
Même derrière les barreaux, Marafa Hamidou Yaya continue de faire entendre sa voix. À travers des lettres ouvertes adressées à Paul Biya et au peuple camerounais, il multiplie les critiques contre le régime en place et dénonce les conditions de sa détention. Certaines lettres, souvent publiées dans la presse internationale, sont devenues virales dans la sphère médiatique.
En 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire qualifie son emprisonnement de violation du droit international et demande sa libération immédiate. L’ONU pointe les irrégularités dans la procédure judiciaire. Elle reconnaît Marafa comme un détenu politique. Cependant, le gouvernement camerounais reste sourd à ces appels, et la condamnation de Marafa est confirmée en mai 2016.
Un combat pour la liberté et la santé
Au fil des années, la santé de Marafa Hamidou Yaya s’est considérablement détériorée. Atteint d’un glaucome, il a déjà perdu l’usage de son œil droit et craint de devenir complètement aveugle. Selon les médecins, seule une opération à l’étranger pourrait empêcher la cécité totale. Pourtant, ses demandes d’évacuation médicale adressées au président Biya sont restées sans réponse, un silence qui, selon Marafa, s’apparente à une forme de torture. En janvier 2024, l’ancien président français François Hollande se joint à d’autres personnalités internationales pour appeler à la libération de Marafa pour des raisons humanitaires
Un détenu d’opinion en quête de réconciliation nationale
Malgré ses conditions de détention et les difficultés auxquelles il fait face, Marafa Hamidou Yaya n’a pas renoncé à ses aspirations politiques. Dans une récente interview accordée à Jeune Afrique en avril 2024, il réitère son engagement pour une réforme politique profonde du Cameroun. Il propose la création d’une Commission vérité, réconciliation et refondation, inspirée de l’expérience sud-africaine post-apartheid, pour exposer les crimes et scandales d’État commis sous le régime de Paul Biya.
Une chronique de l’action au cœur du pouvoir
En 2014, alors qu’il est déjà emprisonné depuis deux ans, Marafa Hamidou Yaya publie “Le choix de l’action : mes dix années au Minat”. Cet ouvrage, édité aux éditions du Schabel, retrace sa décennie à la tête du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minat). Plus qu’une simple chronique de sa carrière politique, ce livre constitue un témoignage personnel et analytique sur l’exercice du pouvoir au Cameroun, offrant des clés de compréhension pour appréhender les rouages du régime de Paul Biya, ses résistances internes et la complexité de l’administration territoriale.
Dans son livre, Marafa Hamidou Yaya dresse un bilan détaillé de son passage au Minat, entre 2002 et 2012, une période marquée par des crises politiques majeures, des réformes inachevées et une lutte constante contre un immobilisme d’État. Le livre s’ouvre sur sa disgrâce en décembre 2011, lorsqu’il apprend par la radio son éviction du gouvernement.
En décrivant les événements majeurs auxquels il a été confronté, notamment les élections avortées de juin 2002 et les violentes émeutes de février 2008, Marafa éclaire les coulisses de la prise de décision au plus haut sommet de l’État. Il montre également comment certaines haut commis de l’Etat, à commencer par le président Paul Biya, ont réagi sous la pression de ces crises.
L’un des apports essentiels de cet ouvrage réside dans l’approche méthodique de Marafa pour réformer l’administration territoriale et encadrer le processus démocratique. S’appuyant sur ses dix années d’expérience au Minat, il livre une analyse lucide des réussites et des échecs des réformes entreprises sous son leadership. Parmi les sujets abordés, la gestion des élections et le transfert de compétences aux collectivités territoriales occupent une place centrale. Selon Marafa, ces questions, souvent techniques et austères, sont néanmoins incontournables pour garantir le bon fonctionnement des institutions et renforcer la démocratie locale.
Dans ce contexte, Marafa identifie les failles systémiques qui freinent la modernisation de l’État camerounais. Il insiste sur l’importance de réformes urgentes, tout en proposant des solutions concrètes pour les mener à bien. Son approche repose sur une conviction forte : celle que seule une action administrative rigoureuse, fondée sur une méthode claire et adaptée aux réalités du pays, peut permettre au Cameroun de surmonter ses blocages institutionnels.
Un recueil de sorties épistolaires à la fin du livre
À la fin de l’ouvrage, Marafa regroupe plusieurs de ses lettres ouvertes, véritables manifestes adressés au président Paul Biya et au peuple camerounais. Ces écrits, largement relayés par les médias, continuent de faire écho au sein de l’opinion publique camerounaise et au-delà. Ils constituent une extension naturelle de la réflexion engagée dans Le choix de l’action, où Marafa persiste à croire que le Cameroun peut se relever et bâtir une « société de confiance », fondée sur l’état de droit et la participation active des citoyens.
Malgré son engagement constant, son innocence revendiquée et son état de santé précaire, Marafa Hamidou Yaya est toujours écroué. Le membre du gouvernement fait partie de ces nombreux membres du gouvernement ayant fait les frais de la célèbre “opération épervier”.