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Wilfried Ekanga : « La rwandardisation du Cameroun frappe à la porte »

Ekanga Wilfried

Les tensions survenues dans la ville de Sangmélima ont suscité l’émoi et la consternation dans le landerneau politique au Cameroun. L’analyste Wilfried Ekanga fait une analyse sur cette situation et estime que si rien n’est fait, le massacre à la rwandaise peut survenir au Cameroun. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité du texte.


Ekanga Wilfried
Wilfried Ekanga – capture photo

SANGMELIMA – J’ACCUSE !

Quand un régime triple la maternelle.

Regardez bien : ces images ne proviennent pas du NOSO ou du Pakistan. Elles ont été prises à Douala, le 3 août dernier. Un impressionnant bataillon de police avait militarisé la zone autour de l’Hôtel Angelina, pour neutraliser un groupe de tueurs en série.

Oups… en fait non ! Ils étaient là juste pour empêcher que se tienne une JOURNÉE ÉDUCATIVE que j’avais lancée. J’avais pourtant pris soin de détailler au vu et au su de tout le monde le contenu de cet atelier, et j’avais invité TOUT LE MONDE qui souhaitait y participer. Il s’agissait de déradicaliser les mentalités par mesure préventive, et de l’étendre au fur et à mesure dans tout le pays.

Mais au Cameroun, quand vous faites ça, vous troublez l’ordre public ! Sauf si vous êtes du RDPC. Si vous êtes de l’opposition, vous ne pouvez sensibiliser personne. Vous devez laisser les Camerounais dans l’obscurantisme, la jalousie, la calomnie, le repli ethnique et la négation de la vraie origine de leurs problèmes. Même si cela doit nous emmener chez Martha à Muyuka, chez Florence à Bamenda, et enfin à Sangmelima … en attendant que tout le pays prenne feu.

C’était pourtant de cela qu’il s’agissait lors de ce séminaire. Je l’avais baptisé « JEEP » (Journée d’Education et d’Eveil Politique », et je l’avais défini en plusieurs axes. En résumé, il s’agissait d’expliquer pourquoi les jeunes devraient s’impliquer à la chose politique, et d’initier ceux qui en ont besoin à l’art du discours et du débat politique, loin des mièvreries familiales ou tribales. Par ailleurs il s’agissait de dessiner le type de Cameroun dont nous voudrions hériter, afin de véritablement parler de « développement. »

Malheureusement, comme je l’ai dit, si vous êtes du MRC et que vous organisez un match de foot au quartier, l’on va venir interdire parce que jouer au foot, c’est préparer un coup d’Etat contre Paul Biya (C’est d’ailleurs drôle parce qu’on dirait que seul le MRC a vu les 7 bandits de Transparency International d’Atanga Nji et que lorsqu’on dit qu’il y a eu fraude électorale, c’est une légende). Mais ma JEEP ne comportait même pas le mot « Hold-Up » et était ouverte à tous, y compris aux sous-préfets et aux policiers s’ils le désiraient.

Mais hélas. Le marteau a cru voir un clou et il a frappé. Comme à chaque fois.

Nous voici donc à Sangmelima, où cette jeunesse a laissé libre cours à sa colère, saupoudrée d’une bonne dose de famine (et d’un peu de stupidité). Ils se réveillent aujourd’hui et se rendent compte qu’on leur a menti depuis le début. La fameuse phrase « Nous avons le pouvoir » ne vaut pas pour toi cher frère. C’est la formule magique d’hypnose que ceux que tu appelles « les élites de mon village » utilisent pour obtenir ta voix lors des élections. Après t’avoir glissé un billet de 500 Frs et une cuisse de chèvre, ils disparaissent pour 5 ans, en te rassurant que « le pouvoir reste à la maison. »

Mais en fait ce n’est pas toi qui manges la chèvre. Ce sont eux qui te mangent. Tu n’es que du bétail électoral à leurs yeux et tu le resteras. Oui, tu as 1000 élites de ton village qui sont nommées, mais aucune richesse n’est créée. Eux, ils se sucrent à Yaoundé et en Europe ou dans les hôtels de ta ville avec les fonds publics, pendant que toi tu n’as rien. Puisqu’ils ont perpétué le système colonial français, ils ont laissé pourrir le secteur privé et sacralisé la fonction publique, si bien que c’est l’Etat qui emploie tout le monde. Pour être riche, il faut donc être ministre. Pour joindre les deux bouts, il faut espérer que l’on sera parmi les 15 noms retenus au concours (avec 50 000 participants). Sinon, c’est galéré !

Et comme à côté de toi il y a des gens d’une vision de la richesse différente, des gens que les hautes terres ont plus protégé de l’imbécilisation française que toi, des gens qui ont donc gardé la culture de la production endogène des biens, eux ils s’en sortent mieux, où qu’ils soient. Dans la ville où tu te contentais d’être « autochtone », eux ils sont devenus « autosuffisants ». Ils ont des articles et te les vendent pour toi et ta famille. Ils ont des entrées mais toi tu n’as que des sorties, et donc, tu t’appauvris davantage.

Alors au moindre accroc, à la moindre rixe, au moindre faux pas, tes cordes lâchent, tu perds le contrôle.

Au lieu de focaliser ta colère sur les responsables de ta misère (tu as même plutôt déjà prévu de voter pour eux la prochaine fois !) , tu t’en vas saccager, piller, et incendier les boutiques qui tous les jours te nourrissent et t’habillent. Tu rends le commerçant privé coupable de ce que le responsable public n’a pas su (ou voulu) faire pour toi. Et puisqu’il suffit d’une étincelle pour allumer une bombe, les choses empirent et le sentiment de riposte sous fond de bagarre ethnique grandit. La spirale de la violence se met en marche, et la rwandardisation du pays frappe à la porte.

J’ACCUSE !

Entre-temps, la police a longtemps observé. Elle a arrêté, puis libéré sous pression et sous ordre de. Il n’y a eu aucune sortie énergique du MINCOM, ni aucune menace du MINAT. Mais en janvier dernier, elle était allée jusqu’à tirer sur ceux (et celles) qui ne cassaient rien, ne menaçaient ni ne blessaient personne, n’avaient aucune machette, et se contentaient de marcher. Ainsi va le Cameroun. Mais que peut-elle donc faire, cette pauvre police ? Elle n’est qu’un groupe de salariés exécutants sans volonté propre, qui obéissent à des gens égoïstes et à l’arrogance infinie. Des gens qui ont décrété que le Cameroun leur appartient et que le pouvoir « C’est leur chose. »

Voilà pourquoi ils l’ont formée pour mater avec la plus grande brutalité ceux qui de près ou de loi menacent le pouvoir de Paul Biya (l’homme dont les partisans se réjouissent qu’il soit à Lyon plutôt qu’à Sangmelima ou à Wollorde où la recherche d’eau potable a tué 4 enfants en début d’année). Voilà pourquoi cette police était présente avec Une heure d’avance à notre Journée éducative de Douala, mais a mis deux jours pour canaliser l’affaire Sangmelima (et encore ce n’est pas fini). C’est le pays des Crevettes.

Un jour, on saura. Un jour, vous verrez. Un jour, l’Histoire distribuera les notes. En attendant, les tribalistes, les hypocrites et menteurs politiques, les violents, les instrumentalisateurs, je ne les aime pas. Qu’ils soient de mon camp ou de l’autre, ils sont mes ennemis et je l’ai toujours fait savoir. Quand à ces « élites » qui à force de réprimer pour sécuriser leur pouvoir et de voler, ont oublié de gouverner, il vaut mieux être clairs avec vous : « VOUS NE MÉRITEZ PAS D’ÊTRE LÀ ! »

Que l’antilope et le zèbre cessent de se donner des coups de pattes. Le prédateur, le seul danger, c’est le lion caché dans le bosquet.

EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED

Pour approfondir :   Dix personnes échappent à la mort à Ayos

(Devinette : A notre prochaine JEEP. Vont-ils encore envoyer la police ou non ?)


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