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Tribune : « le contentieux électoral du 07 octobre 2019 au Cameroun n’est pas encore terminé »

Kamto Maurice

Selon un Communiqué rendu public ce 29 mai par le Bureau du Porte-parole de Maurice Kamto, l’Union africaine (UA) reconnait les « injustices » dont a été victime le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) lors du contentieux post-électoral, devant le Conseil constitutionnel et autorise l’examen du dossier de l’opposant Camerounais. Dans une chronique juridique, Me Christian Bomo Ntimbane analyse cette situation. L’Avocat camerounais au Barreau de Paris, estime que le contentieux n’est pas encore à la fin, autrement dit, il peut avoir de rebondissement.


Kamto Maurice
Maurice Kamto – capture photo

Ci-dessous, l’intégralité de la chronique.

COMPRENDRE LA DECISION DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE AU SUJET DE LA PLAINTE DU CANDIDAT A L’ELECTION PRESIDENTIELLE DU 07 Octobre 2019, LE PROFESSEUR MAURICE KAMTO.

A la suite de la requête introduite par le Professeur Maurice KAMTO visant à contester l’élection de Paul BIYA à la présidentielle Camerounaise du 07 octobre 2018, la Commission Africaine des droits de l’homme dans sa communication 718/19, session du 24 avril au 14 mai 2019 a rendu la décision dont la teneur suit :

 » Au regard de ce qui précède, la Commission :

– Se saisit de la présente communication

b- Décide de pas octroyer des mesures conservatoires.

c- Invite les plaignants à présenter des preuves et arguments sur la recevabilité dans un délai de deux (2) mois conformément à l’article 115 (1) de son règlement intérieur

d- Décide de renvoyer sur sa décision à la Cour à une session ultérieure »

1- LES FAITS :

A la suite de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle camerounaise du 07 octobre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré le Président Paul BIYA, vainqueur.

Le professeur Maurice Kamto déclaré deuxième à cette élection a décidé de contester ses résultats devant l’Union Africaine au vu de sa compétence internationale à vérifier les processus électoraux et démocratiques et le respect des droits de l’homme par les pays membres.

Maurice KAMTO a déposé le 20 janvier 2019, par ses Avocats parmi lesquels des canadiens, français et camerounais, une plainte devant la Commission de l’Union Africaine pour que celle -ci transmette l’affaire pour jugement devant la Cour Africaine des droits de l’homme.

En fait, Maurice KAMTO veut qu’une juridiction de contentieux international se prononce sur l’élection présidentielle qui s’est déroulée au Cameroun le 07 octobre 2018.

C’est une manière astucieuse de faire réexaminer le contentieux électoral en évoquant la violation des droits de l’homme après la décision du Conseil constitutionnel camerounais.

Et là tout juriste procédurier pourra reconnaître la subtilité de cette procédure.

S’appuyer sur les droits de l’homme pour faire examiner un processus électoral !

2- QUEL EST LE SENS DE LA DECISION DE LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME DE L’UNION AFRICAINE ?

Il est d’abord important de rappeler que la Commission des droits d’homme de l’Union Africaine est une des instances habileté à contrôler le respect des droits de l’homme par les pays membres de l’Union Africaine dont le Cameroun.

Mais ce n’est pas une juridiction au sens strict.

A côté d’elle, il Ya une juridiction contentieuse. C’est la Cour Africaine des Droits de L’homme.

In fine, c’est là-bas que Maurice KAMTO veut que le dossier soit examiné.

Devant cette cour, ce sera une audience avec des débats, des plaidoiries sur l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 au Cameroun.

Pour approfondir :   Paul Mahel : « le Conseil Constitutionnel a prononcé son verdict…Nous en prenons acte»

Maurice Kamto ne pouvait pas saisir directement cette Cour parce que le Cameroun n’a pas encore ratifié le protocole qui a créé cette Cour. Il fallait donc passer par la Commission Africaine des Droits de l’j’homme et des peuples qui a compétence pour renvoyer un dossier de violation de droits de l’homme à la Cour.

Si la commission Africaine trouve les arguments pertinents, elle renverra le dossier devant la Cour Africaine des droits de l’homme.

D’où cette décision sur ce point :

 » Du renvoi à la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples

34- La Commission décide de surseoir à sa décision sur le renvoi à la Cour à ce stade de la procédure …

35- Décide de renvoyer sur sa décision à la Cour à une session ultérieure »

Remarquez bien que je fais la distinction entre la Commission Africaine des droits de l’homme, c’est à dire celle qui a rendu la décision de recevabilité et la Cour Africaine des droits de l’homme que Maurice KAMTO vise pour qu’elle examine indirectement le contentieux électoral.

La Commission a la possibilité de renvoyer le dossier devant la Cour Africaine des droits de l’homme.

Elle joue un peu le rôle de juge instructeur qui mène les enquêtes en examinant si le dosier est bon . S’il le trouve convaincant, il renvoie l’affaire devant le juge qui va se prononcer.

Maurice Kamto vient de franchir une étape très importante de la procédure : la commission de l’Union Africaine a décidé d’ouvrir le dossier d’instruction.

En d’autres termes, elle va maintenant voir s’il y aura des éléments suffisants pour que la Cour des droits de l’homme connaisse de cette affaire.

Elle a demandé à Maurice KAMTO d’apporter les éléments de preuves qui établissent qu’il y a eu violation des droits de l’homme pour qu’elle puisse transmette le dossier à la Cour des droits de l’homme.

En lisant les énoncés de la requête de Maurice KAMTO repris dans la décision, on peut constater qu’il évoque surtout deux cas précis de violations des droits de l’homme visés par la charte africaine des droits de l’homme dont les plus pertinents sont en rapport avec l’élection présidentielle à savoir les articles 13 et 26 de la Charte Africaine des droits de l’homme.

Maurice KAMTO estime que ses droits de l’homme sont violés parce que les résultats et le processus électoral ne lui permettent pas de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays (article 13) de la charte et aussi parce que justiciable devant le Conseil constitutionnel, cette juridiction apporté les garanties sur son indépendance. (Article 26 de la charte)

ARTICLE 13 de la Charte Africaine des droits de l’homme :

 » Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi.

Tous les citoyens ont également le droit d’accéder aux fonctions publiques de leurs pays.

Pour approfondir :   Chronique : Paul Biya organisera-t-il les élections régionales avant les Législatives et les Municipales ?

Toute personne a le droit d’user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi. » »

ARTICLE 26

 » Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l’indépendance des Tribunaux et de permettre l’établissement et le perfectionnement d’institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte. »

QUELLE EST DONC LA SUITE DE LA PROCEDURE ?

La Commission demande maintenant à Maurice KAMTO de lui rapporter la preuve de ce que :

1- L’article 13 a été violé çàd que les élections ont été truquées et que les résultats donnés ne lui ont pas permis de diriger le Cameroun.

Il s’agira donc pour lui d’apporter tous les éléments nécessaires qui démontreront par exemple que tous les 32 PV de la Commission nationale de recensement n’ont pas été signées, que les fiches d’émargement n’ont pas été conformes comme il le déclame souvent. Bref, il a l’occasion de démontrer ce qu’il a décrié devant le Conseil constitutionnel.

En réalité, il n’a même pas besoin d’avoir les 25000 PV de chaque bureau de votes. Tant mieux s’il les a !

2 – Maurice KAMTO doit aussi rapporter la preuve que les juges qu’il a indiqués dans son rapport tombaient sous le coup des incompatibilités. Ce sera une façon de démontrer l’absence d’indépendance du tribunal. Fait qui constitue une violation des droits de l’homme aux termes de l’article 26 de la Charte Africaine des droits de l’homme.

Il a 02 mois pour le faire.

Le règlement intérieur de la Commission Africaine des droits de l’homme article 115 prévoit qu’après ce délai, ou même avant, après production de ses preuves, la Commission soumettra le dossier à l’Etat du Cameroun qui devra apporter à son tour dans un délai de 02 mois, la preuve de la victoire de Paul BIYA, la régularité de l’élection, l’indépendance d’Elecam et des juges du conseil constitutionnel.

A travers cette procédure, Maurice KAMTO aura réussi en quelque sorte un nouvel examen de ce contentieux électoral en s’appuyant sur la violation des droits de l’homme.

Après cet échange contradictoire, la Commission rendra sa décision. Elle dira si oui ou non, l’affaire sera renvoyée devant la Cour Africaine des droits de l’homme.

Mais à l’évidence, la décision de la Commission augurera de la décision qui sera rendue par la Cour Africaine des droits de l’homme en cas de renvoi.

En conclusion, le contentieux électoral du 07 octobre 2019 au Cameroun n’est pas encore terminé.

Dans l’hypothèse où la Cour des droits de l’homme décide qu’il y a eu violation des droits de l’homme du fait d’une élection truquée, et d’absence d’indépendance du Conseil constitutionnel, sa décision sera exécutée par le Conseil de Paix de l’Union Africaine et l’Organisation des nations -Unies qui reconnaît les décisions de l’Union Africaine.

Christian NTIMBANE BOMO

Avocat

Activiste de l’Etat de justice au Cameroun.


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