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Tribune : « Le personnel politique africain est politiquement né avec une malformation congénitale »

candidats presidentielle 2018

Dans une chronique politique publiée sur son mur Facebook le 21 avril 2019, le juriste Richard Makon parle du discours politique qui doit être performatif et créateur de vie selon lui. Pour le chercheur en sciences sociales, le personnel politique africain hérité de l’empereur colonial français souffre d’une maladie congénitale, la corruption du corps et de l’esprit. Lebledparle.com, vous propose la chronique intégrale de l’expert en développement.


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Candidats présidentielle 2018 – capture photo

LE DISCOURS POLITIQUE DOIT ÊTRE PERFORMATIF ET CREATEUR DE VIE

Le personnel politique africain, ou ce qui en tient lieu, davantage celui issu de l’ancien empire colonial français où la politique a toujours rimé avec immoralité, est politiquement né avec une malformation congénitale : UNE CORRUPTION du corps et de l’esprit.

Cette corruption essentielle et systémique n’a pas seulement eu pour conséquence d’entacher les actes et les réalisations de nos politiques, à travers leur inclinaison naturelle à la compromission, au brigandage, à la fumisterie et à l’imposture, mais elle a aussi eu pour effet pervers de vicier tant leur mode de penser, leur acte de pensée que les formes d’expression de celle-ci. En l’occurrence le langage (en tant que véhicule primordial de la pensée) et son instrument le plus essentiel, LE DISCOURS.

Le discours est effectivement l’arme fatale de l’homme politique, son arme absolue même. Par le discours il partage sa vision politique, il promeut son projet de société, il cultive l’engagement politique des militants, sympathisants et citoyens ordinaires, il suscite l’action politique transformatrice, des hommes d’abord, des politiques et des systèmes ensuite, de l’environnement global enfin.

Le discours politique doit étendre le champ des possibles, à la fois par l’extension des imaginaires, l’invention des univers nouveaux, et plus encore, par la transformation du réel.

Transformer le réel suppose d’abord qu’on le prenne en l’état et qu’on travaille sur ce qui est.

À titre d’exemple, une société en crise doit être considérée par l’homme politique comme telle, lequel doit travailler sur elle comme la société en crise qu’elle est. Toute posture de fuite en avant, de déni de la réalité n’est pas qu’une imposture, c’est incontestablement suicidaire.

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Transformer le réel suppose ensuite qu’on a une vision et un projet de transformation sociale et/ou sociétale dans l’intérêt d’une communauté qui en est le bénéficiaire.

Transformer le réel suppose enfin d’obtenir l’adhésion permanente de la société tant par la légitimation politique que par la qualité des politiques publiques et de la gouvernance de la chose commune.

Et plus que toute autre personne, l’homme politique sait que le silence n’est d’or que parce que le discours est un trésor. Au-delà de la forme et du fond du propos, de la structure et de la matière de la pensée, de la texture et de la contexture de son texte, outre même le choix du temps et de l’espace, du moment et du lieu, de la cible et de l’objectif de son discours, tout homme politique sérieux sait qu’il risque sa vie et joue sa réputation et sa survie à chacune de ses prises de parole publique.

Car en effet s’agissant du discours politique, on en distingue deux (02) principales formes : LE DISCOURS IMPROVISÉ et LE DISCOURS PRÉPARÉ. Le premier se fait généralement face aux questions inattendues, à la faveur des interviews par exemple. Le second intervient le plus souvent à des occasions particulières, ordinaires ou exceptionnelles, mais toujours connues d’avance.

Mais quel que soit le type de discours prononcé, celui-ci se doit d’être performatif et créateur de sens, d’espérance, d’avenir et de vie.

Pour ce faire il doit être adossé sur des valeurs, épaulé par la vertu de l’orateur, basé sur la vérité des mots, des sentiments et des choses, porté par la recherche constante de la justice sans laquelle aucune communauté ne peut exister, avec pour seul horizon la survie de la collectivité et l’épanouissement de tous sans lequel il ne saurait y avoir de vivre-ensemble.

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Le discours politique doit bâtir un peuple et non le détruire, il doit élever une nation et non la rabaisser, il doit réconcilier une société et non la diviser et la fragmenter. Il doit donc bannir, autant que possible, tant LE MENSONGE que LE BARATIN, deux (02) des plus grandes pathologies du langage politique africain, pour faire écho à Jocelyn MACLURE.

L’ACTEUR POLITIQUE MENTEUR connaît la vérité et s’en détourne sciemment pour induire le peuple en erreur. L’Afrique en général est inondée de ce type d’acteur politique, le Cameroun constituant ici le terreau le plus fertile.

LE BARATINEUR POLITIQUE, nous apprend Harry FRANKFURT, ne nie pas la vérité, mais invente des histoires et des justifications qui sont indifférentes à la vérité ou à la fausseté, il veut tromper ou manipuler sans nécessairement mentir.

Mais dans un cas comme dans un autre nous sommes là face à la plus mauvaise façon de concevoir la politique, qui n’est plus l’art de gouverner pour le bien de tous, mais devient une entreprise de falsification de la vérité, d’escroquerie éhontée, d’asservissement et d’appauvrissement du grand nombre pour l’intérêt de quelques-uns.

Cette mauvaise comédie politique se mue en tragédie collective lorsqu’en situation de crise généralisée, l’acteur politique s’échine à institutionnaliser, par son discours, le mensonge à la fois comme action, politique et système de gouvernance politique.

Georges BRAQUE a eu raison de constater que « la vérité existe. On n’invente que le mensonge ». Heureusement, tôt ou tard, toujours la vérité triomphe, et sur l’airain de sa fondation le peuple libéré reconstruit son avenir et sa dignité.

‘‘Chronique précédemment parue à Mutations’’


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