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Alex Siewe : « Jean-Pierre ne peut pas mourir comme… Saah ! »

Capture Jean Pierre Saah

Dans une tribune sur son mur Facebook ce mardi 2 avril 2019, le journaliste Alex Siewe, ancien responsable de la communication à ENEO, revient sur les circonstances troubles de la mort du producteur Jean Pierre Saah, plus connu sous le label JPS Production. Ce constat s’appuie autour des différentes polémiques autour du disparu et pense que la fin de l’homme doit être réécrite. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité de tribune.


Capture Jean Pierre Saah
Jean Pierre Saah – capture photo

Jean-Pierre ne peut pas mourir comme… Saah !

Avec la puissance financière qu’on lui prêtait et toutes ces légendes sur son rôle de Grand Maître de l’ordre des Feymen, je suis plutôt déçu par la facilité avec laquelle il est tombé. Un seul « gardien » pas formé et rien d’autre ? Un scénario Ubuesque, digne d’un mauvais navet, plus idiot que certains scenarii de Télé novelas ou Canal 2 Movies des soirs de déprime. Avec ces scènes et dialogues qui vous donnent envie de boire pour oublier, à défaut de vous tirer une balle dans la tête. Si JPS était le Capo di tutti i capi ou Capo dei capi alors on devrait l’excommunier pour atteinte grave à l’image et à la réputation d’une « noble » confrérie.

Nous avons déjà tous vu au cinéma à quoi ressemble la sécurité autour de la résidence d’un Capo de la mafia. Entre les sentinelles, les caméras thermonucléaires, des filtres visibles et invisibles et des gros bras à la mine patibulaire, l’acteur a souvent recours à des ruses surréalistes pour déloger le Chef Bandit. Depuis quand un Parrain est gardé par une seule personne dans une rue aussi facile d’accès ? Finalement c’était quel type de Capo ce JPS ?

J’ai rencontré Jean-Pierre Saah au début des Années 2000 à Paris. Je faisais des reportages pour mon employeur et je conduisais des recherches académiques sur la question de la diffusion de nos musiques, en France notamment.

JPS avait installé ses bureaux cossus au 124, sur la très distinguée Avenue de Wagram, au cœur de Paris. Quand on sait à peu près le prix du mètre carré dans ce périmètre entre le 8e et le 17ème arrondissement, On n’était pas peu fier de voir une enseigne africaine côtoyée les majors de l’époque.

L’espace était bien tenu et décoré avec classe. Toutes les figures majeures des musiques africaines avaient signé chez JPS. Sauf celles qui étaient sous contrat avec des Majors comme Youssou Ndour ou Salif Keita, Alpha Blondy etc.

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Tout le reste avait signé au moins pour un album avec JPS à travers le chanteur Elvis Kemayo alors Directeur artistique de la maison. Un catalogue sans fin ni direction. Un investissement Incontrôlable et quasi ingérable. L’organisation m’avait semblé peu rigoureuse mais

Sa signature généreuse avait ouvert la maison aux Stars Antillaises et même certaines vedettes noires américaines demandaient déjà le téléphone du boss.

De Magic System à Ben Decca, de Werrason à Manu Dibango…de Koffi Olomide a Lady Ponce, JPS Production était devenue la référence, « The place to be ». Un bureau ouvert à Douala voyait défiler tout ce que le pays compte de chanteurs connus ou non. Le carnet de chèques de JPS avait des allures de gâteau mille-feuille.

A Paris, l’homme bien que discret roulait carrosse et son insolent parc automobile avait fini par intriguer le fisc français mais rien de répréhensible ne lui fut opposé.

D’où pouvait provenir une telle fortune ? On ne lui connaissait pas d’héritage ou de projets industriels. Les rumeurs les plus cinématographiques circulaient sur son compte. Mais sa réputation sulfureuse n’avait pas pu étouffer les voix qu’il avait fait émerger. Dans le milieu culturel, c’était un concert de louanges, aucune fausse note. JPS aimait les artistes qui le lui rendaient bien.

N’empêche que je me suis tourné un soir vers Tonton Manu Dibango pour lui demander si cette image douteuse de l’homme JPS ne lui posait pas un problème éthique ?

Il est parti dans un grand éclat de rires qui m’a inondé. J’avais l’air con. Il a loué ma naïveté avant de m’inviter à aller lire l’histoire du Jazz. « Si Jean-Pierre est le parrain de la mafia dont on parle, alors rien de nouveau sous le soleil. S’il peut aider à créer nos conservatoires ou nos Berklee colleges of music…ça me va. Je ne suis pas policier ou juge. D’autres mafia vident les caisses de nos États et ne créent rien… ». Je suis un peu resté sans voix. Puis, je suis allé lire.

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En effet, « les liens étroits entre la pègre des années 20/30 aux Etat-Unis et les musiciens de jazz sont aujourd’hui connus ; les gangsters ont été des mécènes formidables pour l’épanouissement de cette musique en ouvrant des clubs et cabarets sophistiqués, en offrant des contrats de longue durée et bien rémunérés aux grands orchestres swing qui permirent à de nombreux génies d’éclore et de développer des œuvres musicales exceptionnelles. ». L’on sait désormais les liens incestueux entre le légendaire Franck Sinatra et la Cosa Nostra. Le célèbre crooner américain a servi de transporteur de fonds pour la Mafia, et il a même failli être arrêté en possession d’une valise contenant 3,5 millions de dollars en liquide. Selon l’une de ses dernières biographies.

JPS était-il une figure trouble de la mafia internationale ? Auquel cas avec son argent, il aura fait mécène, révolutionnant littéralement le monde de la production africaine et permettant à nos musiques de s’affirmer auprès de nombreux publics. Dans quel registre cette ligne sera-t-elle inscrite à son bilan ? Pour les artistes la réponse est plutôt évidente.

La fin de Jean-Pierre me fait penser à certains films d’Alain Delon. Quand le criminel se croit hors de danger et qu’il a baissé la garde, c’est à ce moment que survient l’improbable. Avec la déception qu’ici le plan-séquence est plutôt peu réussi. La légende/scénario voulait qu’il ait gagné les combats les plus durs, les luttes les plus féroces…et réussi les coups les plus tordus. Ce n’était pas pour s’échouer à l’heure du repos devant « d’ordinaires voyous » de bas étage au rez-de-chaussée de son palais non ? On ne quitte pas aussi pauvrement une scène qu’on a autant illuminée et enrichie. Qui plus est, à un pas du 1er avril ! Comme une farce qui a mal tourné. La fin de ce film doit être réécrite. Celui de la vie et de la mort de Jean-Pierre Saah.

A suivre donc.


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