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Dr Larissa Kojoué « Sur Internet comme hors ligne les hommes totalisent jusqu’à quatre fois plus de partenaires sexuels [Au Cameroun] »

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The Muntu Institute (TMI) accueille, dans le cadre de sa première série de conférences sur Genre et Sexualité, le Dr. Larissa Kojoué. Diplômée de l’Institute d’Etudes Politiques (IEP) de Bordeaux, elle est actuellement chercheure postdoctorante à l’inserm à Marseille. LeBledParle.com a eu l’occasion de s’entretenir avec la conférencière pour faire le point sur sa communication qu’elle va délivrer le 7 septembre prochain, à la fondation Solomon Tandeng Muna.


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Dr Larissa Kodjoué – DR

Lebledparle.com : Salut Dr Larissa Kojoué et merci de répondre à nos questions.

Dr Larissa Kojoué : Bonjour. C’est moi qui vous remercie de l’intérêt que vous portez à mon travail.

Quel est le sentiment qui vous anime au moment où vous vous apprêtz à donner la première communication sur la série de conférences sur le thème genre et sexualité ?

Dr Larissa Kojoué : Je ressens plusieurs choses. D’abord un honneur. The Muntu Institute est un espace d’échanges et de réflexions très stimulant intellectuellement. Que j’ai été choisie pour ouvrir ce cycle de conférences est un honneur. La recherche est un milieu qui me passionne. C’est mon métier. Une petite voix me dit « ça y est tu es dans la cour des grands » (sourire) puis une autre voix me dit « tu as intérêt à assurer ». De toutes les manières j’en suis fière et j’espère que l’institut aussi est heureux de me recevoir. Mon deuxième sentiment est celui de l’appréhension. Je ne sais pas encore exactement comment ça va se dérouler ni si je serais à la hauteur des attentes mais je reste confiante. Le travail que je vais présenter est le produit d’un processus long et éprouvant et ça me plait de partager les résultats avec le grand public. Enfin un sentiment de joie parce que je sais que je vais tititiller les gens. Ce n’est pas une chose facile de parler de genre ni de sexualité et je vais parler de choses qui vont certainement déranger plus d’un. Et plus d’une. J’aime ça. C’est en sortant de sa zone de confort qu’on apprend et qu’on s’élève.

Votre  communication est intitulée : « Internet et sexualité au Cameroun: dominations masculines et inégalités sexuelles ». Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à ce sujet ?

Dr Larissa Kojoué : Cette communication est tirée de ma recherche postdoctorale sur « Internet, pratiques sexuelles à risque et prévention du VIH/sida au Cameroun ». En tant que chercheur, mes domaines de compétence sont dans le champ des politiques publiques de santé et des enjeux en termes de gouvernance, de citoyenneté et de rapports Etat-société. Ma thèse de doctorat a porté sur l’agenda politique de lutte contre le VIH/sida au Cameroun. Je me suis intéressée aux mobilisations politiques autour du VIH/sida dans un premier postdoctorat à l’université de Montréal et le projet internet et sexualité est mon deuxième projet de post doctorat. Ma communication s’inscrit donc dans la continuité de mes travaux sur le VIH/sida et j’ai voulu savoir quels enjeux internet pose à la sexualité des camerounais et quelles opportunités pour la prévention contre le VIH. J’ai réalisé une enquête ethnographique en ligne et dans les villes de Yaoundé et Douala et les résultats m’ont inspiré le sous-titre « Entre domination masculine et inégalités sexuelles ».

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Quelle est selon vous l’ampleur du phénomène d’internet  et sexualité au Cameroun ?

Dr Larissa Kojoué : Mes données montrent que plus de la moitié de mon échantillon (n-1720) a déjà fait l’expérience d’une rencontre sexuelle en ligne. Après rien ne dit que tout a commencé en ligne. Ça peut commencer offline et se renforcer après à travers les discussions facebook et whatsapp. Mais parfois tout commence aussi en ligne. Je suis persuadée que 100% a aussi fait l’expérience d’un contenu à caractère sexuel. Aucune personne qui a accès à internet n’est épargnée et tous les âges sont concernés. Les sollicitations sexuelles, les contenus érotiques et pornographiques, les sex calls, tout y passe. L’accès à internet redéfinit et transforme certains codes de séduction. L’hyper sexualité (entendu ici image et vidéo de sexe) est dans notre poche. On la traine avec nous partout. On s’y réfère à tout moment même en public. Il y a des gens qui regardent du porno avec leur téléphone dans les transports en commun. Le phénomène est bien réel et ce n’est pas sans conséquence dans nos comportement et pratiques sexuelles. Cependant, cette hypersexualisation n’a pas le même impact en fonction de l’âge, du genre ou de l’orientation sexuelle.

Pourquoi parler de domination sexuelle masculine ?

Dr Larissa Kojoué : Ce que je montre dans ma communication, c’est que internet est d’abord une source de plaisir et de performance sexuelle pour les hommes. Même si l’accès est relativement égal entre hommes et femmes, c’est au niveau des usages que les disparités permettent de conclure à la domination masculine. Internet ne rend pas plus équitable la vie sexuelle entre hommes et femmes. En ligne comme hors ligne les hommes totalisent jusqu’à quatre fois plus de partenaires au cours des six derniers mois. Cela n’est pas dû à la prétendue libido exacerbée des hommes. C’est le signe que les arrangements sexuels sont valorisés chez les hommes et violemment critiqués chez les femmes. Un autre phénomène est celui des partenaires de même sexe. Internet est parfois le seul moyen de rencontres pour ceux qui ne peuvent pas vivre ouvertement leur sexualité. Bien qu’il s’agisse d’une ouverture inespérée pour certains, les cas de chantage, de harcèlement et d’agressions sont si fréquents que cela relativise le caractère sécuritaire. Il y a donc là aussi transposition de la réalité non virtuelle à la réalité virtuelle, ce qui marque ce que j’ai appelé inégalités sexuelles.

Quel est l’objectif final d’une votre communication ?

Dr Larissa Kojoué : L’objectif est très simple. Il s’agit de présenter les résultats d’une recherche et d’échanger sur les analyses que je formule. Aucun travail de recherche ne se suffit. Je suis curieuse de savoir ce que le public en pense. Pour moi, le genre et la sexualité apparaissent comme deux réalités d’un même continum dans la société camerounaise et même dans la société en général. Les stéréotypes de genre, de même que la division sexuée des rôles qui en découlent sont les principaux vecteurs des inégalités liées à la sexualité. C’est parce qu’elles sont assignées à jouer des rôles qui les cantonnent à la sphère familiale que les femmes ont moins de capacités d’autonomie que les hommes, et par conséquent, moins d’opportunités sexuelles. De même, c’est dans la mesure où certains droits sexuels sont stigmatisés et contrôlés par la loi que le statut de citoyen des minorités sexuelles et de genre s’efface.

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Des espaces de discussion critique et d’animation intellectuelle aussi réguliers et inclusifs que The Muntu Institute sont devenus rares dans notre contexte. Que vous inspire une telle initiative dans notre pays ?

Dr Larissa Kodjoué : La première fois que j’ai entendu parler du Muntu Institute c’était sur facebook. J’ai été surprise de constater qu’il s’agissait d’une initiative camerounaise. Je me suis dit enfin! Enfin! C’est une joie immense de savoir qu’on a enfin un espace officiel pour secouer les cerveaux. C’est une manière de parler mais je pense ce que je dis. L’initiative est excellente. A saluer. A encourager. A soutenir. Je suis une future membre d’ailleurs. C’est un plus pour les étudiants, c’est un plus pour les enseignants et une bouffée d’air pour les chercheur.e.s et toutes les personnes qui aiment se dépasser intellectuellement. C’est aussi une incroyable opportunité pour le grand public. A Dakar il y a l’Afrique des Idées. Au Cameroun on a le Muntu Institute. C’est dans des espaces comme ceux-là qu’on parviendra à faire fleurir de manière durable les arbres du savoir en Afrique francophone

Lebledparle.com : Dr Larissa Kojoué, je vous remercie pour cet entretien.

Dr Larissa Kojoué : Merci à vous et merci au Muntu Institute pour cette belle opportunité.

                                                                                                                                                        Propos recueillis par Chancelin WABO


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