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Jean Ping: «J’ai eu des enfants avec la fille de Bongo, et j’en ai eu avec d’autres, qui ne sont pas mes femmes»

Jean Ping Gabon

En attendant la suite donnée à son recours, Jean Ping s’exprime sur ses certitudes du moment et son histoire avec les Bongo.


Jean Ping Gabon
DR

Le leader de l’opposition reçoit dans sa maison du quartier de Charbonnages, près de son QG. À côté de sa piscine, une curieuse pagode chinoise, tandis que, sous les arcades, sont suspendus des masques africains. Après les résultats du vote pour la présidentielle du 27 août, il a déposé un recours à la Cour constitutionnelle pour demander le recomptage des votes d’une province, bureau par bureau, le Haut-Ogooué. « Je me suis engagé à défendre le vote des Gabonais, je tiendrai ma promesse et mes engagements, je ne reculerai pas », a-t-il déclaré le 9 septembre. Entretien.

Quel est votre sentiment, en cette période d’attente ?

Moi, je suis serein, je suis toujours serein. Parce que je crois que j’ai le droit avec moi. C’est Napoléon qui avait dit qu’on pouvait tout faire avec les baïonnettes, sauf s’asseoir dessus. Donc, je suis serein, parce que je sais que j’ai gagné les élections. Tout le reste n’est que littérature, il faut dire le droit. Ceux qui veulent passer en force, on verra bien.

Lors d’une intervention récemment, vous avez dit que vous iriez jusqu’au bout. Qu’entendez-vous par là ?

Aller jusqu’au bout est une expression qui est consacrée ici, au Gabon. Parce que les gens ont toujours l’impression que vous commencez une lutte et que vous allez l’abandonner. Aller jusqu’au bout, c’est-à-dire, ne pas abandonner le combat. Ça ne veut rien dire d’autre, dans le contexte gabonais, que d’aller à la fin du processus. C’est ne pas quitter le bateau en cours, abandonner pour une raison ou pour une autre, c’est tout.

Ali Bongo, lui, dit que c’est un appel à l’insurrection, que vous préparez les gens à descendre dans la rue…

(Il rit) Vous croyez à ça ? Je vous dis un certain nombre de choses. D’abord, Ali, il ment comme il respire, et tout ce qu’il dit est faux. Quand un monsieur comme ça dit qu’il est un démocrate, qui peut le croire ? Vous comprenez, quand il dit que nous invitons à l’insurrection, c’est lui qui a les armes, c’est lui qui a des mercenaires, c’est lui qui tue. Nous n’avons jamais tué personne depuis que nous sommes là. De quelle insurrection s’agit-il ? Il s’agit simplement du peuple qui veut que sa volonté soit faite.

Lui, justement, dit qu’il a des gendarmes blessés et qu’il y avait des armes chez vous.

(Il rit) Je vous dis qu’il ment comme il respire. Vous avez vu les gendarmes en question, blessés, et qui les a blessés ? Nous, nous vous disons, allez visiter les morgues. Aujourd’hui, on nous a dit qu’à Casep-Ga il y a 158 morts. Et lui, il avance trois morts. Vous regardez tout ce qui circule sur Internet, maintenant que c’est libéré… 158 morts à la morgue de Casep-Ga, seulement ! Et on ne peut pas y accéder, justement, parce qu’il ne veut pas qu’on les voie. Il va les retirer avant, dit-on, pour les cacher.

Il dit que lui représente la modernité, que vous appartenez aux barons de l’ancien système.

C’est la même chose, madame. Vous croyez qu’un monsieur qui se prend pour un roi, qui a décidé de faire du Gabon sa propriété privée, qui est là avec un clan depuis 50 ans, et qui n’a pas de limitation de mandat, c’est ça, la modernité ? Où il a vu ça ? Ça n’existe plus dans aucun pays du monde, sauf ici. De quelle modernité parle-t-il ? Moi, je dis l’inverse, qu’il cherche à entrer dans le XIXe siècle à reculons. Les tyranneaux de ce genre, c’est fini. Je dis des choses très simples et vérifiables.

Pour approfondir :   Hugo Broos : « Moi, je n’ai pas l’intention de quitter le Cameroun »

Le jeune homme qui dit avoir été torturé à votre QG dit qu’il est venu vous serrer la main avant pour vous saluer, vous le connaissez ?

Ça fait partie des mensonges, je n’étais pas au QG quand c’est arrivé. Je n’étais pas au QG. Vous le savez. Comment je pourrais faire torturer quelqu’un au QG, et pour quelle raison je le ferais torturer ? Qu’est-ce qu’il avait fait pour que je le torture ? Ce monsieur a le mensonge dans son ADN. Je vous jure, je ne plaisante pas, tout ce qu’il raconte est faux.

Vous le connaissez depuis longtemps…

Oui, depuis très longtemps, parce que je suis rentré au Gabon depuis 1984, j’étais directeur de cabinet civil, il y avait un cabinet politique, et lui était le haut représentant personnel du président à l’étage supérieur. Donc, évidemment, on travaillait tous au Palais. Mais dire que je le connais, peut-être, c’est trop dire. On ne se fréquentait pas, sauf pendant les réunions et des choses comme ça, mais je ne peux pas dire vraiment que je le connais. Mais j’ai appris à le connaître.

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire, ce qu’il est. Menteur, voyou, voleur, tricheur… Tout.

Vous n’avez pas du tout de contact avec lui ?

Aucun. Et je n’en aurai pas.

Pour beaucoup de monde, vous représentez l’alternance. Mais que proposez-vous aux Gabonais ?

Je pars de deux slogans : le Gabon à l’abri de la peur et à l’abri du besoin. À l’abri de la peur, c’est tout ce qu’on voit, les crimes rituels, les assassinats, la justice aux ordres, toutes les institutions aux ordres d’un homme, d’un seul homme, qui fait la pluie et le beau temps, qui dicte toutes ses volontés, qui a une armée de mercenaires… Vous voyez, le contraire de tout ça. Ça veut dire une chose très simple, bâtir un État de droit. Une démocratie, la liberté de la presse, les institutions indépendantes, une justice indépendante, des droits de l’homme respectés. Une vraie démocratie avec une vision qui conserve les valeurs que nous avons en partage avec le reste du monde entier. Les valeurs qu’on appelait avant les valeurs du monde occidental. Qui sont maintenant acceptées par l’Union africaine.

Si la Cour constitutionnelle s’en tient à ce qui a été annoncé précédemment, accepterez-vous le verdict ?

(Il rit) Est-ce que lui l’acceptera ?

Il m’a dit qu’il fallait que je vous pose la question, à vous !

Vous voyez ! Moi, je vous dis qu’il faut que vous lui posiez la question, à lui.

Donc, pas de réponse ?

Non, parce que, madame, moi, j’ai mon bon droit. Je sais que tout le monde entier sait, et à l’intérieur, que c’est moi qui ai remporté les élections. Et lui, il triche, il utilise la force, il veut passer en force, bon, c’est à lui qu’il faut poser la question. Il ne s’imagine pas en dehors du pouvoir.

Vous avez eu des soutiens de la France ?

J’ai fait depuis deux ans la navette entre Libreville, Paris, Bruxelles, Washington, New York, en expliquant pourquoi nous combattions, à la recherche de la liberté. Et nous avons enregistré des succès auprès de la droite, d’abord, j’allais dire toute la droite. Auprès de la gauche, dans beaucoup de sphères, aussi bien au Parti socialiste qu’ailleurs. Nous allons expliquer à l’Union européenne, je m’explique partout. Quand vous écoutez Valls, quand vous écoutez Ayrault, quand vous écoutez un certain nombre de gens en France, posez-leur la question. Vous avez vu Valls, récemment, faire des déclarations. Vous avez vu Fillon faire des déclarations, vous avez vu Borloo faire des déclarations. Même Juppé a fait des déclarations. Vous pouvez les regarder.

N’est-ce pas compliqué de se présenter contre son beau-frère ?

Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?

C’est une lutte qui se passe en famille, c’est compliqué…

C’est vous qui avez l’impression toujours que c’est une affaire de famille…

Ça ne l’est pas ?

Non, pas du tout ! On vous a dit que j’étais marié à quelqu’un des siens ?

Oui.

Qui ?

Vous n’étiez pas mariés ?

Jamais !

Vous avez eu deux enfants…

Oui, ça, en Afrique, on peut en avoir dans tous les coins de rue, hein…

C’est tout de même un lien intime.

Vous savez, si vous me demandez combien d’enfants j’ai, avec combien de femmes, vous verrez vous-même. Ne m’emmenez pas dans cette direction, parce qu’elle est ridicule. J’ai eu des enfants avec la fille du président, et j’en ai eu avec d’autres femmes, qui ne sont pas mes femmes.

Ce qui veut dire que le côté où elle se situe aujourd’hui vous indiffère ?

Mais elle apporte un soutien à son frère ! Ça m’est totalement égal, totalement égal.

Et vos enfants ?

Bon, ils s’en préoccupent un peu. C’est normal, hein.

Ils sont de votre côté ?

Je ne vais pas les mettre en danger à cause de vous, posez-leur la question.

Que faire pour éviter les violences que tout le monde redoute ? Les gens, sur les marchés de Libreville, ont peur…

Oui. Je crois qu’il faut qu’Ali parte. Les Gabonais ne veulent plus de lui, il insiste. Mais vous-même, vous pouvez le vérifier, vous pouvez demander ici et là, interroger le peuple gabonais.

Je l’ai fait.

Et ils vous ont dit quoi ?

Certains veulent qu’Ali parte, certains veulent le statu quo, la paix comme avant.

On vous a envoyée dans la mauvaise direction. Il faut voir les rapports de force. Beaucoup de gens imaginent, même la communauté internationale, que le Gabon est divisé en deux. Le Gabon n’est pas divisé en deux. Le Gabon ne veut plus d’Ali, c’est tout. Tout le Gabon. Quelques-uns, ceux qu’on a appelés les profito-situationnistes, défendent leurs positions, bon, c’est un peu normal. Mais le Gabon n’est pas divisé en deux. Les Gabonais veulent entrer dans la modernité, c’est tout. C’est simple.

Entretien avec Claire Meynial, Le Point, envoyée spéciale à libreville


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