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Maitre Assira : « Les engagements auxquels le Cameroun a souscrit disent que le tribunal militaire ne peut pas juger les civils »

assira Maitre

Dans une interview accordée au trihebdomadaire, l’œil du Sahel paru ce vendredi 6 septembre 2019, l’avocat à la défense de Maurice Kamto et alliés, Maitre Claude Assira revient sur les origines de l’affaire, sur les enjeux du procès du procès.

assira Maitre
Me Assira, avocat à la défense de Maurice Kamto et Cie

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de cette interview contenue dans les colonnes du journal de Gubai Gatama, L’œil du Sahel.

Le procès du Pr Kamto et de plusieurs de ses alliés ou sympathisants s’ouvre ce vendredi. Pouvons-nous brièvement revenir sur l’origine de cette affaire ?

L’origine de cette affaire est bien connue de tous. Au lendemain des élections du 7 octobre, le Conseil constitutionnel a proclamé les résultats qui allaient à l’encontre de ce que certains candidats pensaient être la vérité des urnes. Le MRC, a appelé à un certain nombre de manifestations, notamment des marches, pour protester contre ces résultats, mais aussi contre d’autres dysfonctionnements graves du système.

Le 26 janvier 2019, ont lieu sur l’ensemble du territoire, un certain nombre de marches qu’ils ont baptisé « marches blanches », en référence à leur caractère pacifique, où des instructions bien précises de calme, et de sérénité sont données aux militants, avec, semble-t-il, la consigne même en cas de provocation de la police, de garder son calme et ne pas céder aux tentatives de riposte.

Pourtant, de nombreux effectifs de forces de police et de défense sont déployés sur l’ensemble du territoire national ; il y a des échauffourées et un certain nombre de violences sont constatées. Notamment des violences faites par armes à feu et le 28 deux jours plus tard, les interpellations massives interviennent au domicile de l’une des personnes aujourd’hui sur le banc des accusés.

Ils sont donc interpellés et placés en garde à vue, sur la base d’un acte administratif du Préfet du Mfoundi ; la procédure ne deviendra judiciaire que par la suite. Voilà donc comment la procédure a pu se déclencher.

Que leur est-il concrètement reproché ?

Quant aux infractions qui leur sont reprochées, elles sont tout simplement hallucinantes. On leur reproche tous azimuts insurrection, hostilité contre la patrie, dégradations de biens publics ou classés, outrages au président de la République, réunions et manifestations ainsi qu’attroupements à caractère politique et enfin, destruction et complicité. Rien que ça !

À quoi devrait-on s’attendre à l’audience ?

Le format inédit de cette audience ne permet pas d’avoir un référentiel crédible. Mais, on peut imaginer que l’audience de demain risque d’être avant tout, une audience formelle, une audience de procédure au cours de laquelle à mon avis, le tribunal aura à cœur de vérifier que les mis en cause sont bien présents, qu’ils ont reçu notification des actes utiles (convocations, extractions, dénonciations de listes de témoins, etc.)

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On va aussi laisser le soin au tribunal de s’assurer que tous les accusés ont un avocat puisqu’on est en matière criminelle. On pourrait également à mon avis ; essayer de vérifier s’il y a des exceptions procédurales.

Le tribunal militaire est-il compétent pour connaître de cette affaire ?

Chère madame, nous le disons depuis le début, la réponse n’a pas varié, c’est non ! le tribunal militaire ne peut pas être compétent. Il y a une controverse sur ce problème qui naît de ce que, la loi du Cameroun, a habileté le tribunal militaire à juger des civils. Or, dans le même temps, les engagements auxquels le Cameroun a souscrit disent que le tribunal militaire ne peut en aucune façon juger des civils.

Or, de toutes ces personnes qui sont jugées actuellement, il n’y a aucun militaire. Par conséquent, la situation de ces personnes semble davantage correspondre à ce qui est prévu par le texte supra national. Ce conflit entre la loi et la convention est également réglé par la constitution qui dit clairement que, lorsque des traités et des lois sont en désaccord, ce conflit doit être tranché en faveur du texte supra national.

Par conséquent, aujourd’hui, le texte supra national interdisant la comparution des civils devant le tribunal militaire, force est de reconnaître que le tribunal militaire ne peut en aucune façon, juger cette affaire. Si l’une de ces personnes avait été militaire, ou gendarme, la situation aurait été toute autre, puisque la loi prévoit que, dans ce cas, les autres personnes poursuivies peuvent, être jugées par le tribunal dont relève au moins l’un des accusés. Mais, tel n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, définitivement, le tribunal militaire n’est pas compétent pour connaître de cette affaire.

Quelles sont les subtilités de cette affaire ?

Cette affaire en elle-même est une grande curiosité. Je vous disais tout à l’heure que les qualifications qui ont été retenues étaient tout simplement hallucinantes. Ce dossier est complètement psychédélique. On ne peut pas dire autre chose. Comment peut-on à partir d’une simple manifestation dont tout le monde connaît très bien les tenants et aboutissants, tout en sachant que le droit à manifestation prévu par la constitution du Cameroun, et encadré par les lois notamment celle de 1990, qu’il y ait un tel emballement à la fois dans la surenchère de qualification, mais aussi dans le nombre de personnes interpellées.

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S’il faut ajouter à ça la violence des interpellations, la brutalité, la cruauté et la barbarie qu’on a vues. Tout cela rend effectivement ce procès particulier. Je ne pense pas vraiment que ce soit la justice qui soit recherchée, c’est un message de mise en garde, de menace que représente ce procès et je crois qu’à ce point de vue, il devra être marqueur important, il nous parle tous.

Entendez-vous mener jusqu’au bout la défense de vos clients tous ensemble ou envisagez-vous une disjonction pour éviter qu’ils ne soient pénalisés par l’aura du Pr Kamto ?

C’est très difficile de le dire, parce que c’est difficile de prévoir ce que veulent en même temps une centaine de personnes. Je pense que, pour beaucoup d’entre eux, il y aura certainement un front commun, puisque les faits sont les mêmes, il y a unité d’action, parfois une unité de lieu, il y a une unité dans le malheur qui fait que, pour beaucoup d’entre eux, la défense devrait être solidaire.

En revanche, personne ne peut empêcher des voix dissonantes, et les avocats des uns et des autres veilleront à faire prévaloir, j’imagine, les spécificités de leur client. Il y en a qui se sont déjà fait jour au moment où je vous parle, il y en a peut-être d’autres qu’on découvrira demain, mais nous apprécierons. Et si la nécessité de défense est telle qu’elle justifie une demande de séparation du dossier en fonction de tel ou tel paramètre, on pourra toujours apprécier sinon, on verra.

Étant entendu que la disjonction n’est pas une chose facile. En fait vous demandez au tribunal de juger deux fois la même affaire, et ce n’est pas du tout évident. Puisqu’il faut reprendre exactement le même rituel qui est extrêmement lourd. Les mêmes témoins doivent venir non pas une seule fois, mais plusieurs fois.

Il y a le ministère public, il y a les magistrats qu’il faut mobiliser… etc. Même cette disjonction est loin d’être quelque chose de gagné si tant est qu’elle venait à être retenue comme solution pour régler les éventuelles divergences entre les défenses.


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