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[INTERVIEW] Elvis Kemayo parle de son départ de la CRTV :  » On m’a arraché l’émission Télé podium « 

Elvis Kemayou 1

Dans un entretien avec le quotidien Mutations, le chanteur et ancien animateur de la Crtv revient sur sa vielle aventure dans la chaîne publique. Il était au Cameroun pour un concert, 29 ans après le dernier.  Il jette aussi son regard sur l’actuelle génération d’animateurs, l’ancien présentateur de Télé Podium n’a pas tari d’éloges envers ceux-ci :LeBledparle.com vous propose des extraits de cet entretien avec Marthe Ndiang.


Elvis Kemayou 1
Elvis Kemayou – DR

Qui vous a chassé de Télé Podium ?

On ne m’a pas chassé en vérité de Télé Podium. J’ai jeté l’éponge. En réalité, quand on a enlevé le défunt Dg Florent Etoga Eily, lui qui me supportait et qui me protégeait, il ne manquait plus que moi à évincer. On m’a arraché l’émission, on a donné à quelqu’un d’autre. Je ne pouvais pas rester dans les couloirs comme les fonctionnaires quand on les enlève d’un poste. Ils viennent tous les matins pointer dans le couloir. Je suis un artiste ! Je suis parti.

D’où est venue l’idée de Télé Podium ?

C’est une grosse aventure. Je vais vous raconter. En 1982 ou 1983, le ministère de la Culture et de l’Information m’envoie une invitation comme le faisait le président Ahidjo tous les ans pour venir chanter pour le 20 mai. Je suis parti du Gabon où je travaillais pour remonter en France, préparer mes danseuses, louer la salle, faire les costumes. Un mois après, ils ont annulé. Sauf que j’avais une ardoise. Ça faisait 1,5 million Fcfa. J’ai envoyé la lettre recommandée au ministère et un an plus tard, toujours rien. Alors, j’étais de passage ici en 1986, je suis allé au ministère voir le ministre Georges Ngango. Je lui ai expliqué que je suis venu réclamer ma petite facture qui date d’un an, d’1,5 million de Fcfa. Il me dit : « mon fils, sois le bienvenu ». L’info claire et nette. Il prend une plume et un papier, il écrit. Il me dit : « tu es là, tu es en bonne santé ? Va donner au Secrétaire d’Etat ». Je descends voir le Secrétaire d’Etat, M. Onambele : « mon fils, sois le bienvenu, comment tu vas ? Va donner ça à Etoga Eily. » Je dis Ok ! Je me rends à la Crtv, je donne le papier au Dg : « Ah, mon fils tu es là ? Oh c’est très bien ! Va voir le Dga ». Je suis convaincu que j’allais porter un sac de billets de Fcfa, un pactole ! Je me dis, ça y est ! Mon Dieu, ils ont pitié de moi, je suis riche ! Je vais voir le Dga, je lui remets le papier, il se met à rire. Je lui demande pourquoi, car je viens chercher mon argent. Il me répond : « non, on te dit de rester au pays. Tu as assez servi au Gabon. Maintenant, notre télévision est vierge. Il nous faut des émissions de variétés, on a les yeux sur toi ! Va concocter une émission et demain matin, tu viens nous la proposer. Je suis allé à la maison, j’ai tourné en rond. Et comme j’ai fait plusieurs émissions de variétés en France, aux Etats-Unis, c’était plus facile pour moi de créer Télé Podium.

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Vous étiez le King ! C’était quoi la formule magique ?

 

L’expérience et le professionnalisme. C’est le sérieux. Je prends tout au sérieux. Je ne mets pas toujours l’argent devant. Je mets le métier, le travail. Et pourquoi j’étais tellement motivé ? Parce qu’à l’époque, il y avait des coopérants blancs à la télévision qui réalisaient de grandes émissions. Quand on leur a dit qu’il y avait une grande émission de variétés comme celle de Michel Drucker, etc. ils ont été enthousiasmés et ont dit : « voilà, on y va avec Elvis ! » Avec eux, on a énormément travaillé. J’ai exigé un orchestre de la Crtv en place qui m’accompagnerait pendant qu’on tournait l’émission. Ça a été validé et c’est là qu’est né véritablement Télé Podium. Une émission pour le peuple.

Vous rappelez-vous le premier numéro ?

La première émission avait lieu au mois de novembre 1986 au Palais des Congrès. Le Secrétaire d’Etat Onambélé était présent. La salle était pleine. C’était la première fois que les Camerounais voyaient une émission d’une telle envergure avec leurs artistes qui interprétaient des chansons qu’ils avaient dans leur discothèque à la maison. On a fait 90 minutes et c’était le feu à la diffusion. Je n’avais pas le trac. Parce que je suis un homme de scène. Je ne faisais pas Télé Podium comme un journaliste, plutôt comme un chanteur. J’étais devant un public, je m’amusais. Je parlais très mal français et c’est après qu’on m’a corrigé. J’avais droit à un rédacteur qui écrivait mes textes, etc. on évoluait comme ça, je n’étais pas du tout complexé. Je n’avais pas le trac, je chantais au cours de l’émission. J’aime affronter le public. Mais quand l’émission a pris de la gomme vraiment, j’ai commencé à avoir le trac avant d’entrer sur scène parce qu’il y a des moments où la salle était pleine. Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. L’émission devait commencer à 21h. Le réalisateur fait le décompte. Arrivé à 1, il y a un câble qui lâche quelque part, il y a quelqu’un qui a coupé un câble. Tout le monde est dans le noir et le public commence à crier « Kemayo, remboursez ! » C’est là où j’ai même attrapé l’hypertension. Mon coeur battait dans la loge. Je me suis dit, dès que je vais entrer, je vais recevoir des chaussures, des tomates, des canettes. J’avais vraiment peur. Mais dès qu’ils voient ma tête, tout le monde est debout et se met à applaudir.

Etait-ce plus facile d’approcher les artistes puisque vous en étiez un vous-même ?

Oui, c’était plus facile. Mais j’avais affaire aux totos qui dormaient. Quand je venais à Douala chercher Ndedi Eyango, il fallait déjà aller dans son quartier. Il habitait un coin où il pleuvait tout le temps. Il fallait traverser, sauter, je suis tombé dans un caniveau un jour. Une autre fois, c’est un chien qui m’a mordu. J’allais moi-même, alors qu’à l’époque, j’étais l’homme le plus populaire. Je suis allé chercher Medjo Me Nsom Jacob au fin fond de son village. Ça il fallait le faire. Je suis allé à Edéa (ou Eséka) chercher Jean Bikoko Aladin. On a dormi chez lui et en bas il y avait de l’eau. Et quelqu’un nous dit : « en bas, il y a le serpent qui passe de temps en temps. » Avec les techniciens, on n’a pas fermé l’oeil de la nuit. C’était un moment très vivant de ma carrière. C’était très touchant.

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Comment êtes-vous arrivé à l’animation ?

 

Je suis plus chanteur qu’animateur. Mais aujourd’hui, je me plais énormément dans l’animation. J’aime faire rire les gens, j’aime raconter de petites histoires. C’est un hasard. Je suis venu réclamer mon argent et on m’a demandé d’apporter une émission. Je faisais un peu ça au Gabon, à la télévision gabonaise, mais c’était avec toute une équipe. Ce n’était pas Elvis Kemayo devant comme à Télé Podium, devant un public au palais des Congrès rempli par plus de deux mille personnes. J’étais conscient que tout le Cameroun me regardait. C’était difficile. Mais je me transforme. Ma personnalité artistique est très différente de ma personnalité privée. Quand Télé Podium passait, je me regardais à la télé, je me découvrais. On aurait dit que j’avais un esprit qui me permettait de me transcender. camer.be. Mais même en étant vedette, je ne me sens pas du tout dans la peau d’une star. Je suis quelqu’un de très simple, de très humble. J’aime la vie, mais cette vie musicale, artistique, « vedettariale » m’empêche maintenant de sortir et de vivre comme tout le monde. Je ne vais plus en boite, je ne vais plus dans des cafés, je ne vais plus dans les lieux publics comme ça, sauf si c’est pour chanter. C’est très difficile.

Quel regard portez-vous sur les animateurs, les présentateurs aujourd’hui ?

Ce sont de jeunes loups aux dents très longues. Les jeunes animateurs que je vois aujourd’hui sont très forts, très puissants. Et il y en a qui n’ont même pas été à l’école, mais quand ils présentent, je suis en admiration. Partout où je suis passé, dans toutes les radios, j’ai dit chapeau ! Chacun se bat pour être au sommet. Je ne sais pas où ils vont chercher les documents pour retracer notre biographie. Tout cela est extraordinaire. Je les admire, je les encourage.


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