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L’association des aveugles intellectuels du Cameroun écrit à Paul Biya pour exprimer son indignation

Aveugle cAMER

Alors que la loi camerounaise a prévu un nombre incalculable de mesures d’assouplissement pour favoriser l’épanouissement social des déficients visuels, la Dynamique des aveugles et malvoyants intellectuels du Cameroun (Damic) constate pour le regretter que lesdites mesures peinent à être implémentées. Fort de cet état de fait, plusieurs membres de cette association ont signé le 2 mars 2021, une pétition qu’ils ont adressé au Chef de l’Etat enfin d’extérioriser leurs malaises pluriels et multisectoriels. La rédaction de Lebledparle.com vous propose ci-dessous l’intégralité de ce document envoyé ce jeudi 4 mars 2021 à la rédaction de Lebledparle.com.


Aveugle cAMER
Cabral Libii (c) Droits réservés

Son Excellence monsieur le Président de la République,

Nous, personnes handicapées de la vue, regroupées au sein de la DAMIC entendue Dynamique des Aveugles et Malvoyants Intellectuels du Cameroun, association apolitique, à but non lucratif et ayant son siège à Yaoundé, avons décidé de briser le silence face aux multiples discriminations et préjugés dont nous souffrons dans notre pays. Son excellence, huit ans après la promulgation de la loi N° 2010/002 du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées, vous avez signé le décret N° 2018/233/ PM DU 26 JUILLET 2018 fixant les modalités d’application de celle-ci. Ce décret tant attendu par la plupart des handicapés en général et les non-voyants en particulier est venu faciliter et même rendre possible l’application de certaines dispositions non élucidées dans la loi susdite, lesquelles tendent à la protection et la promotion des droits plus favorables sur le plan éducatif, professionnel et social, et qui concourent à leur bien-être.

En effet, beaucoup parmi nous étaient convaincus que ce geste augurait une nouvelle politique du gouvernement plus favorable à la prise en compte de l’approche handicape dans la mise en œuvre de ses projets de société et de développement du Cameroun. Sur le plan éducatif, l’article 4 de ce décret impose à l’Etat certaines obligations afin de rendre possible l’éducation des handicapés, à savoir : « L’initiation aux méthodes de communication appropriées leur (personnes handicapées) permettant d’accéder à une scolarisation normale et à une formation professionnelle ;

– L’élaboration des référentiels dans les programmes scolaires, universitaires et de formation professionnelle des enseignants pour l’apprentissage de la langue des signes et de l’écriture braille ;

– L’aménagement des établissements publics classiques pour faciliter l’accès des élèves et étudiants handicapés dans les salles de classe ;

– La mise à disposition des enseignants et formateurs spécialisés dans les établissements scolaires et universitaires publics qui accueillent les élèves et étudiants handicapés ;

– L’affectation de personnels qualifiés dans les institutions privées d’éducation spéciale ;

– La formation initiale et continue du personnel spécialisé dans l’encadrement des personnes handicapées ;

– L’octroi aux élèves et étudiants handicapés des matériels didactiques appropriés selon la nature du handicap ;

– La mise à contribution d’interprètes à la langue des signes en milieu scolaire ou universitaire ;

– L’instauration pour malentendants de l’épreuve de correction orthographique en lieu et place de l’épreuve de dictée ;

– L’installation des élèves ou étudiants handicapés dans les salles situées au rez-de chaussée ou près du tableau, en fonction de la nature de leurs handicaps ;

– La dispense d’âge. »

L’article 5 fait obligation aux responsables des établissements publics et privés d’éducation inclusive et spéciale, au début de chaque année scolaire et universitaire, de :

« – élaborer des fiches d’inscription comportant des données permettant de disposer des statistiques sur le nombre d’élèves ou d’étudiants handicapés, ainsi que sur la nature et le degré de déficience de ces derniers ;

– Dresser un rapport circonstancié faisant ressortir les besoins spécifiques d’ordre matériel et financier des élèves ou étudiants handicapés, deux (02) mois au plus après la rentrée scolaire et universitaire. Ledit rapport est adressé au Ministre chargé du secteur de l’éducation concerné et au Ministre chargé des affaires sociales, par la voie hiérarchique de leurs délégations départementales territorialement compétentes. »

En ce qui concerne la formation professionnelle, l’article 8 dispose que « Les personnes handicapées bénéficient de l’apprentissage d’un métier adapté à leur condition physique ou mentale. A cet effet, les dispositions suivantes peuvent être prises :

-La mise en place et l’aménagement, au sein des structures de formation professionnelle classique, des cycles ou filières de formation professionnelle spécialisée ;

– La création de structures de formation professionnelle spécifiques appropriées.»

Il ressort de l’article 9 que les personnes handicapées indigentes ou les enfants nés de parents handicapés indigents bénéficient de l’aide à l’éducation et à la formation professionnelle, laquelle consiste en :

« L’exemption totale ou partielle des frais scolaires et universitaires ;

– l’octroi des bourses ;

– l’octroi de subventions pour l’achat des équipements didactiques destinés à l’encadrement des personnes handicapées à besoins éducatifs spéciaux. »

Sur le plan professionnel, le décret prévoit, en son article 13, au profit des personnes handicapées justifiant d’une formation professionnelle ou scolaire, des mesures préférentielles, notamment la dispense d’âge lors des recrutements aux emplois publics et privés par rapport aux personnes valides lorsque le poste est compatible avec leur état.

« A qualification égale, la priorité de recrutement est accordée à la personne handicapée. A cet effet, les fiches de candidature lors des recrutements aux emplois publics doivent comporter des mentions de nature à distinguer les candidats handicapés de ceux valides. Toutefois, les candidats handicapés ne peuvent être soumis qu’aux épreuves compatibles avec leur condition. En aucun cas, le handicap ne peut constituer un motif de rejet de la candidature d’un chercheur d’emploi ou de discrimination après recrutement » (article 14).

L’article 16 encourage la création des emplois protégés en faveur des handicapés.  L’Etat, les Collectivités Territoriales Décentralisées et, le cas échéant, la société civile et les organisations internationales, créent des emplois protégés au profit des personnes handicapées.

Est réputé emploi protégé, le poste de travail aménagé en tenant compte des possibilités fonctionnelles et des capacités de rendement de la personne handicapée.

Sur proposition du Ministre chargé des affaires sociales, des mesures d’assouplissement fiscal peuvent être accordées par le Ministre chargé des finances aux promoteurs privés des structures prévues à l’alinéa 1 ci-dessus. »

Selon l’article 17, « L’Etat encourage la création d’entreprises individuelles, de coopératives de production ou de petites et moyennes entreprises par les personnes handicapées à travers:

(a) la mise à disposition d’encadreurs techniques ;

(b) l’octroi d’aide à l’installation, notamment par des crédits de financement pour l’achat du matériel de production ;

(c) des facilités fiscales et douanières, accordées proportionnellement au degré du handicap, sur proposition du Ministre chargé des affaires sociales après une enquête sociale ;

(d) des garanties de crédits et des appuis techniques des organismes publics d’aide au développement notamment dans le cadre des études, du suivi et du financement des projets. Sur le plan social, le décret prévoit des droits suivants :

– L’accessibilité aux bâtiments et institutions publics et privés ouverts au public (article 18) ;

– Des mesures préférentielles à l’habitat social consistant en :

– La baisse des loyers dans les logements publics ;

– La réduction des taux d’intérêt pour les crédits octroyés par les organismes publics et destinés à l’achat d’immeubles non bâtis ou à la construction de logements individuels ;

– L’attribution en priorité de logements sociaux, lorsqu’il y a concurrence entre une personne handicapée et une personne valide (article 19) ;

– Des facilités fiscalo-douanières à l’importation des véhicules adaptés à leur déficience (article 21) ; etc.

La joie que nous avions ressentie, au lendemain de l’adoption de ces dispositions réglementaires pleines de promesse, ne se traduisait pas seulement par la prolifération des différents écrits publiés par les uns et les autres dans les réseaux sociaux ou par les nombreuses paroles de reconnaissance exprimées ouvertement et librement sur les bouts des lèvres, mais aussi et surtout par des marches de remerciements et de soutien du Chef de l’Etat que vous êtes, organisées dans la ville de Yaoundé. Nul doute que c’est à la faveur de cette grande effusion de joie que vous aviez, à l’occasion de votre discours d’investiture, prononcé le 06 novembre 2018, réaffirmé votre volonté de consacrer tous vos efforts, tout au long du présent septennat, dans la « lutte contre l’exclusion, notamment par une meilleure protection des personnes vivant avec un handicap ».

Son excellence, Plus de deux ans après la signature du décret N° 2018/233/ PM du 26 juillet 2018 qui trouve davantage sa crédibilité dans vos promesses, c’est avec une profonde indignation que nous vous faisons constater que son application n’est pas patente. Nous notons que le gouvernement ne fait pas assez pour améliorer les conditions de vie de certains de nos concitoyens handicapés qui vivent dans une extrême précarité depuis tant d’années. Il n’existe pas de volonté politique réelle qui se manifesterait par la mise en place des mesures exceptionnelles propices à la matérialisation de ce décret.

Sur le plan éducatif, nous constatons que certains chefs d’établissements publics sont encore réfractaires à la gratuité de la scolarité accordée aux personnes handicapées dont l’indigence est avérée. Les handicapés dont les familles sont dépourvues ne bénéficient pas toujours de bourse ou du matériel spécialisé malgré leurs demandes, surtout ceux qui vivent dans des régions éloignées des grandes villes comme Douala et Yaoundé. Du fait de l’absence d’enseignants spécialisés, les personnes handicapées de la vue sont encore limitées dans le choix des filières plus alléchantes du point de vue de l’emploi.

Sur le plan professionnel, plus de 90% des handicapés diplômés ou justifiant d’une qualification professionnelle sont sans emploi décent. A ce jour, l’on ne note au sein des entreprises privées existant au Cameroun aucun travailleur non-voyant. La plupart des demandes d’emploi introduites par ceux-ci n’ont jamais de suite ou sont simplement rejetées implicitement. En conséquence, la priorité de recrutement prévue par l’article 14 du décret susvisé ne s’avère, au vu de nombreuses déceptions que nous subissons sur le chemin de l’emploi, qu’une illusion.

Sur le plan social, l’accessibilité des handicapés aux infrastructures publiques et privées ouvertes au public est loin d’être effective, si l’on s’attarde au peu d’importance accordée au respect des nouvelles règles de constructions édictées à l’article 18 du décret de 2018.

A cause du manque des subventions de l’Etat pour l’achat des nouveaux outils de communication dont le coût est très élevé, beaucoup d’entre nous éprouvent des difficultés de s’en approprier, bien que nécessaires à leur épanouissement et à leur pleine autonomie. Plus agaçants encore sont les traitements de nos compatriotes empreints de préjugés ou la méconnaissance manifeste des automobilistes sur le rôle de la canne blanche.

Son excellence, loin pour nous l’intention de faire de ce canal, choisi en toute lucidité, une occasion pour égrener toutes nos frustrations. Conscient du fait que la perfection n’est pas de ce monde, nous ne rêvons pas de vivre dans un Cameroun irréprochable, même si nous sommes convaincus qu’un peu plus de volonté politique du gouvernement peut humaniser l’existence de beaucoup d’entre nous dont le quotidien n’est pas un long fleuve tranquille.

Revenant par exemple sur le problème du chômage, Nous nous rendons bien compte de ce que celui-ci n’affecte pas que les personnes handicapées. Toutefois, du fait de la gravité et la diversité des déficiences physiques que certains parmi nous endurent, nous ne disposons pas toujours des mêmes atouts que nos compatriotes valides pour y faire face. C’est ce qui explique le fait qu’en lieu et place des activités lucratives dont l’exercice nécessite des capacités physiques adéquates dont ils ne disposent pas, plusieurs jeunes non-voyants diplômés se résignent dans des pratiques dérisoires et avilissantes masquant une certaine mendicité, au grand dam de leurs proches ou de leurs familles qui ont consenti beaucoup de sacrifices pour les assister durant leur parcours scolaire et universitaire.

C’est pourquoi nous revendiquons avec force que les textes qui protègent les personnes handicapées lors des recrutements soient simplement appliqués malgré leurs imperfections constatées.

Son excellence, Au-delà des inaptitudes que leur impose leur handicap, les personnes handicapées sont pétries de talents divers et de compétences variées. Elles sont autant dévouées que les valides et aspirent participer pleinement au développement du Cameroun dont elles se reconnaissent citoyens à part entière.

Convaincues qu’il est du devoir de l’Etat de promouvoir leur mérite, elles espèrent toucher votre sensibilité à travers cette lettre et ne perdent pas de vue que vous avez tous les moyens pour améliorer le quotidien de ces hommes et femmes.

Sans vouloir vous dicter les mesures à prendre dans ce sens, il leur a semblé nécessaire de soumettre à votre appréciation, conformément à leurs aspirations, les propositions suivantes :

1- l’encouragement des élèves et étudiants handicapés à travers entre autres l’octroi des bourses aux plus méritants, d’où la nécessité de la création d’un fonds spécial à cet effet ;

2- L’amélioration des mesures d’accompagnement ou d’appui financier des associations qui encadrent les enfants handicapés ;

3- La création, au sein du Fonds National de l’Emploi (FNE), d’un service spécial chargé d’assister les handicapés chercheurs d’emploi et auquel l’Etat assignera des missions bien précises et définies à l’avance ;

 4- La mise en place des subventions pour l’achat du matériel spécialisé et dispendieux, de nature à renforcer l’autonomie des handicapés et à accroître leur rendement en milieu professionnel ;

5- L’instauration des mesures d’assouplissement fiscal au profit des entreprises privées qui recrutent un nombre considérable d’handicapés dans la limite de 10% de l’ensemble de son personnel ;

6- L’institution des quotas,dans la limite de 10% en faveur des candidats handicapés, dans les concours d’entrée dans les grandes écoles de formation professionnelle de l’Etat ou d’intégration directe dans la fonction publique ;

7- L’encouragement de l’auto-emploi à travers la mise à la disposition des encadreurs techniques et l’octroi des financements aux personnes handicapées créatrices d’emplois ;

8- La ratification de la convention des Nations-Unies relative à la protection des personnes handicapées ;

9- La ratification du traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiques.

Dans l’espoir que vous serez sensible à notre demande d’intervention que nous formulons par le biais de cette lettre, nous vous prions de croire, son excellence monsieur le président de la République, au caractère légitime de nos revendications si respectueusement et sincèrement exprimées.

Mafondop Fondop Laura

Etudiante

Trésorière

Ngalle Mbock

Janvier Alfred

Avocat au Barreau du

Cameroun

Responsable de la

Commission Juridique

Claude Marie Efouba Nomo

Juriste

Technicien de sécurité sociale

Secrétaire Générale de la

Fozeu Michel

Kevin

Journaliste

Président de la

DAMIC

Somb Lingom Jean

Pascal

Expert en communication

Responsable de la

commission arrimage


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