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Le Pr Gervais Mendo Ze mourant sur son lit de prison, le récit glaçant de David Eboutou

Gervais Mendo Ze

L’activiste et militant de la société civile est allé une nouvelle fois, rendre visite à l’ex DG de la Crtv, écroué à la prison centrale de Kondengui depuis 2014. Dans un témoignage qui donne froid au dos, David Eboutou relate la situation sanitaire on ne peut plus précaire de l’auteur de « La forêt illuminée ».


Gervais Mendo Ze
Gervais Mendo Ze (c) Droits réservés

«L’homme plein de vie que je connais, a cédé cette fois place à une sorte de gueux méconnaissable. Le Professeur Gervais Mendo Ze fait à peine 45 kilogrammes. Il ne se lève plus, ne peut non plus s’assoir de lui-même ni lever le coude pour prendre une gorgée d’eau. Il passe ses journées là, allongé sur place, avec une voix à peine audible», relate David Eboutou dans un texte partagé ce 22 janvier sur sa page Facebook et dont Lebledparle.com vous propose ci-dessous l’intégralité.

Excellence monsieur le président de la république, souvenez-vous du professeur Gervais Mendo Ze…

« J’étais une fois de plus au chevet du Professeur Gervais Mendo Ze cet après-midi dans ce centre hospitalier qui l’abrite depuis un peu plus d’un an. J’y vais au moins une fois toutes les deux semaines rendre visite à cet homme que j’ai davantage découvert lors de cette proximité offerte par mon exil carcéral.

Cet après-midi, après avoir été à son chevet, j’en suis ressorti terriblement affecté. L’homme plein de vie que je connais a cédé cette fois place à une sorte de gueux méconnaissable. Le Professeur Gervais Mendo Ze fait à peine 45 kilogrammes. Il ne se lève plus, ne peut non plus s’assoir de lui-même ni lever le coude pour prendre une gorgée d’eau. Il passe ses journées là, allongé sur place, avec une voix à peine audible.

En franchissant le seuil de sa porte cet après-midi, je l’ai vu se retourner avec tellement de peine pour me lancer : « Eboutou ! Tu es là ? »

À travers ma mine, il a dû comprendre que j’étais triste de voir que sa situation n’avait rien de reluisante depuis la dernière fois. Dans sa volonté de me rassurer, il va multiplier quelques questions sur mes projets littéraires, mes perspectives après ma Thèse de doctorat et pour finir, un bref exposé sur ce qu’il en est de sa situation sanitaire aujourd’hui.

 Je commence d’ailleurs par la fin en lui disant que ma petite famille et moi lui portons chaque jour dans nos prières. Il dit Merci trois fois en faisant, et ça se voit, des efforts surréalistes. Il perd ses forces !

À partir de là, je me dis intérieurement qu’il ne faille pas que je reste longtemps car, il se sentirait obligé de parler. Ce qui lui ferait gaspiller le peu d’énergies dont je vois bien qu’il fournit à travers un effort herculéen pour me répondre.

C’est à ce moment-là qu’il se retourne brusquement et me lance comme pour me sortir de cette divagation méditative : « Eboutou ! Sais-tu que j’ai un Bacc D ? »

Je lui réponds évidemment par la négative tout en manifestant ma surprise. Et le voici qui se met à me raconter comment, par un concours de circonstances, il s’est retrouvé à Makak, au Collège sacré Cœur, simplement parce qu’il n’y avait pas de séries littéraires à Makak à cette époque-là. Il réussira son baccalauréat avec Mention.

Alors que je me demande pourquoi essaye-t-il de m’évader, il revient à la charge comme s’il avait lu mes pensées pour me dire : « Eboutou ! Quand il ne nous reste plus rien, nous avons au moins notre mémoire qui nous rappelle de petits témoignages de notre trajectoire, nous donnant par là l’occasion d’en être fiers. »

Après cela, il s’endort brusquement. Je l’observe. Je regarde ce corps frêle. Je me perds dans mes pensées et je revois ce témoignage de ma tante qui nous avait raconté qu’un jour, elle était allée voir le professeur alors DG de la télévision nationale pour l’aider à payer les pensions universitaires de ses deux fils. Je la revois en train de me dire : « le Professeur avait payé la pension de tes deux cousins et m’avait remis un petit quelque chose pour le capital de mon restaurant. »

Comme ce témoignage de ma tante, je ressasse dans mes pensées imaginaires toutes ces personnes que cet homme couché là, devant moi a eu dans sa vie professionnelle à aider. Ils sont pour certains devenus aujourd’hui, de grands commis de l’État. Ils ont tous oublié le professeur.

Couché là, il ouvre les yeux et je le vois faire des signes du doigt au jeune garde malade qui est avec lui. Ce dernier a compris ce que le professeur a besoin. Il lui apporte son petit crucifix. Il l’accroche sur son cou et il est comme rassuré.

J’en profite pour lui dire que je vais prendre congé de lui et là, il me lance:  » Merci Eboutou ! J’espère que tu me trouveras encore ! »

On lui remet son drap, il plie ses pieds et appose sa main gauche sur sa joue et se rendort.

À ce moment-là, j’entends au fond de moi cette voix qui me dit : « Il faut que le Président de la République autorise l’évacuation sanitaire de cet homme sinon, ce sera l’une des dernières fois que je l’aurais vu. » Cette phrase continue de résonner en moi au moment où je rédige ces quelques mots. Je ne sais pourquoi mais j’entends cette voix qui me l’ordonne.

En entrant chez moi il y’a quelques minutes, je n’ai eu d’autres choix que d’interpeller le côté humaniste du Président de la République pour lui dire une seule phrase : « Monsieur le Président de la République, souvenez-vous du Professeur Gervais Mendo Ze ».

Je sais que vous recevrez ce témoignage dans les prochaines heures, car les services d’intelligence qui dorment sur ma page Facebook vous le feront parvenir. Considérez mon témoignage comme un cri de douleur et réagissez en soulageant la douleur de cet homme qui est votre frère et votre ancien collaborateur. Et le Christ leur dit : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre…»

 

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