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Jean Robert Wafo : « Le gouvernement détient tous les leviers pour une décrispation et un retour de la paix dans le NoSo »

Jean Robert Wafo

 Le grand dialogue national a eu lieu au Cameroun du 30 septembre au 4 octobre 2020. Un an après, le SDF fait le bilan et propose des solutions. Le parti pense que le gouvernement peut mettre fin à la crise au Noso, s’il a la bonne foi et la volonté de faire bouger les choses. « Le gouvernement détient tous les leviers pour une décrispation et un retour de la paix dans le NoSo. À condition de jouer franc jeu et de mettre les extrémistes de côté », écrit le Ministre du Shadow Cabinet du SDF en charge de l’Information et des Médias.


Jean Robert Wafo
Jean Robert Wafo sur Balafon – DR

Ci-dessous, l’intégralité de la tribune.

Le GDN UN AN APRÈS :

Un an après la tenue du Grand dialogue national, il est difficile de donner du tort à ceux qui estiment que le verre qui était à moitié plein est entrain de se vider.  Il convient de rappeler afin que nul n’en ignore que la tenue du GDN a été dictée par la crise dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest et qu’il était question de mettre sur pied un ensemble de recommandations susceptibles de ramener la paix dans ces parties de notre territoire national.. Un an après, peut-on dire que le but a été atteint ? Évidemment non puisque la paix n’y est toujours pas revenue. L’activité économique est au sol en dépit de la mise sur pied formelle de la commission pour la reconstruction de ces deux régions. Les bandes armées qui commettent des violences inouïes et innommables ont-elles déposé les armes ? Non. Malgré la mise sur pied de la Commission Désarmement, Démobilisation et Réinsertion. La déscolarisation des enfants en âge d’aller a l’école est toujours d’actualité malgré quelques signaux positifs pour le compte de la prochaine rentrée scolaire ,venant désormais de la quasi-totalité des protagonistes de cette sale guerre qu’on aurait pu éviter dès le départ si le gouvernement avait rapidement compris dès le début qu’il s’agit d’une crise politique et qu’à une crise politique, on répond par des solutions politiques et non militaires. Cette sale guerre n’aurait jamais débuté si le gouvernement n’avait pas isolé les tenants de la thèse fédéraliste comme il continue jusqu’ici, faisant ainsi le jeu des extrémistes. Cette sale guerre n’aurait jamais eu lieu si le gouvernement avait inscrit à l’ordre du jour des sessions parlementaires la question anglophone, comme l’avait suggéré le groupe parlementaire du SDF à l’Assemblée nationale au point d’organiser bruyamment l’opération blocus en début de session du mois de novembre 2017. Cette crise s’est enlisée du fait de l’autisme, de la condescendance voire du mépris dès le départ de ceux qui nous gouvernent. En plein enlisement, le GDN a été organisé sous la pression. Plusieurs commissions ont été formées. Des recommandations ont été formulées à l’issue de cette grande messe et transmises à qui de droit. Deux mois après, le gouvernement a envoyé sur la table des parlementaires des textes dont le plus important est sans aucun doute le Code général des collectivités territoriales décentralisées. La Commission pour la reconstruction de ces deux régions a été créée et les principaux dirigeants ont été nommés.

Pour ce qui concerne le Code général des collectivités territoriales décentralisées, des avancées y sont observées à savoir:

1- La suppression de la communauté urbaine et instauration de la « Mairie de la Ville » dirigée par le « Maire de la Ville » qui sera désormais élu par les maires des communes d’arrondissement et les grands conseillers issus de chaque commune. Ce qui a été fait après le double scrutin du 9 février dernier.

2- Dans le cadre de la Dotation générale de la décentralisation (DGD), il est fait mention d’un transfert d’un minimum de 15% des recettes de l’Etat aux communes d’arrondissement, contre 3,4% avant la tenue du GDN. Jusqu’à ce jour, rien n’a été fait pour bouger les lignes dans ce sens. Répondant aux questions des députés à l’Assemblée nationale, le ministre des finances a indiqué au cours de la session de mars 2020 que le niveau de ce transfert ne pouvait immédiatement être appliqué compte tenu de ce que la session extraordinaire du Parlement consacrée à l’adoption du Code général des collectivités territoriales décentralisées s’est tenue après celle consacrée à l’adoption du budget de l’exercice 2020. Comme s’il n’était pas possible de procéder à une loi des finances rectificative en mars ou en juin. Les députés sont revenus à la charge au cours de la session de juin dernier et le ministre des finances a laissé entendre qu’il sera compliqué même en 2021 que le minimum de transfert de 15% soit respecté compte tenu des contraintes budgétaires liées à la conjoncture socio-économique (Covid-19, chute des recettes d’exportation entraînant un déficit de la balance commerciale et de la balance de paiement du fait de la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest etc). Il est donc constant que les 15% ce n’est pas pour demain. Ce qui va considérablement entamer le processus de décentralisation que les tenants du pouvoir disent être en plein parachèvement avec les conseils régionaux à venir.

Pour approfondir :   La revue de presse camerounaise du mercredi 5 avril 2023

3- Le recrutement et la gestion par les communes d’arrondissement du personnel infirmier et paramédical des centres de santé intégrés (CSI) et des centres médicaux d’arrondissement (CMA). Pas encore effectif puisque c’est le ministère de la santé qui continue à exercer cette compétence depuis Yaoundé.

4- Le recrutement et la prise en charge du personnel enseignant des établissements préscolaires,  écoles primaires et maternelles. Pas effectif puisqu’on a encore en mémoire les derniers recrutements des instituteurs effectués par le ministre de l’éducation de base.

5- Les ressources financières débloquées par l’Etat dans le cadre de l’exercice des compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées ne seront plus inscrites dans les budgets des départements ministériels, mais directement affectées aux collectivités territoriales décentralisées.

6- Renforcement de la participation citoyenne à travers l’implication des populations à toutes les phases de l’élaboration et de l’exécution des budgets,  programmes et projets et par l’institution des comités de quartier ou de village dans les communes. Pas encore effectif. Il suffit de se rapprocher des communes d’arrondissement, des conseillers municipaux ou des chefs de quartiers où de blocs pour se rendre à l’évidence.

7- En cas de conflit de compétences entre le maire de la commune d’arrondissement et le maire de la ville,  l’un des deux saisit le tribunal administratif pour le règlement du litige.  Il est encore tôt pour se prononcer sur ce point puisque l’élection des conseils des communes d’arrondissement et des mairies vient d’avoir lieu.

Dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest spécifiquement, il est indiqué dans le  Code général des collectivités territoriales décentralisées que ces régions bénéficient d’un statut spécial fondé sur la spécificité linguistique. Outre les 18 compétences dévolues à toutes les régions (développement économique,  infrastructures,  transport, urbanisme, habitat,  santé,  action sociale, eau, énergie, éducation, promotion des langues et des cultures nationales etc), les réformes suivantes ont été actées dans ledit Code:

1- Système éducatif et système judiciaire particuliers dont les modalités seront fixées par des lois spécifiques.  Ces lois spécifiques n’ont pas encore été acheminées au Parlement un an après la tenue du Grand dialogue national.

2- Mise sur pied d’une Assemblée régionale et d’un Conseil Exécutif Régional dans chacune des deux régions. Chaque Assemblée régionale dispose de deux Chambres à savoir la Chambre des délégués départementaux (70 délégués par région) et la Chambre des chefs traditionnels (House of chiefs: 20 par région). Ce qui n’est pas le cas. À la faveur des futures élections des conseils régionaux, cette spécificité a été battue en brèche au regard du décret présidentiel portant convocation du collège électoral pour les élections régionales quiconcerne de façon globale les dix régions du pays dans son ensemble. Ce qui est contraire à la loi qui prévoit des organes autres pour ce qui concerne les deux régions du NOSO.

Aucun décret n’a été signé concernant l’Assemblée régionale, le Conseil exécutif régional et la HOUSE OF CHIEFS. IL FALLAIT ÀBSOLUMENT DES DECRETS POUR MATÉRIALISER CES ORGANES CONTENUS DANS LA LOI PORTANT CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES.

Il y a manifestement eu de très timides  avancées certes mais également des insuffisances. Ce qui est à déplorer est l’absence de volonté politique dans la mise en application des dispositions contenues dans le Code général des collectivités territoriales décentralisées. À titre d’illustration, en dehors de la mise en place des mairies de ville survenues immédiatement après le double scrutin du 9 février dernier, pratiquement aucune autre compétence d’envergure reversée aux communes d’arrondissement n’a été traduite dans les faits. Qui ne se souvient de la gestion des carrières qui fait jusqu’ici l’objet d’une bataille âpre entre le ministre en charge des collectivités territoriales décentralisées et le conseil municipal de Njombe Penja ? Le ministre s’appuie désespérément sur l’absence d’un décret d’application sur la gestion des carrières comme s’il revenait au maire de cette commune de le signer. Le ministre semble ignorée qu’il n’y a pas eu de décret d’application pour créer les mairies de ville. Ce deux poids deux mesures est révélateur de ce que les mafias constituées avec la complicité des décideurs tapis dans l’ombre dictent à leur rythme convenu l’avancée du processus de décentralisation.

Au demeurant, il y a également lieu de constater que des pièges ont été volontairement entretenus dans des textes issus du Grand dialogue national. Ce qui semble être la preuve qu’il n’y a pratiquement pas eu une réelle volonté politique de faire bouger les lignes dans le sens du renforcement des capacités dans la prise en charge des populations voire m de l’autonomisation des collectivités territoriales décentralisées nécessitent. Ces pièges savamment tendus auraient dû mériter tout au moins des compléments d’informations du gouvernement au Parlement en particulier et au peuple en général lors de l’adoption dudit Code:

Pour approfondir :   Cameroun : Le RDPC dresse la Commission nationale d'investiture

1- L’absence de délai, le calendrier de mise en œuvre des différentes étapes de ces réformes et l’engagement ferme de lerespecter.

2- Le niveau insuffisant de la  fraction des ressources transférées par l’Etat aux collectivités territoriales décentralisées. Un minimum de 15% là où il faut un minimum de départ de 25% qu’il faudrait par ailleurs constitutionnaliser pour donner des gages de bonne foi.

3- Le rôle toujours néfaste du représentant de l’Etat dont les pouvoirs ne se limitent pas seulement au rôle de contrôle de la régularité (le médiateur dans le NoSo par exemple est nommé par le Président de la République sur proposition du Président du Conseil exécutif régional et du représentant de l’Etat).

4- Le système éducatif et le système judiciaire particuliers du fait de la spécificité linguistique dans le NoSo ne sont pas déclinés dans le   Code  général des collectivités territoriales décentralisées qui mentionne, faut-il le rappeler, qu’ils feront l’objet de lois spécifiques. Le délai de mise en œuvre de ces lois spécifiques mérite une fois de plus clarification pour éviter la roublardise, l’esbroufe et l’inertie. Il n’est de secret pour personne que Progressivité a toujours signifié « Sans délai  » pour Yaoundé.

5- Le coût financier de la réforme ainsi que le mode de financement. Pour implémenter ces réformes,  il faut des moyens colossaux notamment financiers. Le gouvernement jusqu’ici n’a jamais détaillé le coût et où va-t-on prendre cet argent?

Il est constant que si les moyens ne suivent pas, le Code général des collectivités territoriales décentralisées qui a suscité tant d’espoirs pour les Jacobins, va se retrouver en profond état d’hibernation. Compte tenu de l’état pratiquement exsangue de nos finances publiques et pour ne pas définitivement étrangler le contribuable camerounais qui peine à joindre les deux bouts, il faudra non seulement l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux mais également que tous les camerounais se mettent ensemble.

Le Président de la République doit personnellement prendre les choses en mains. En période de crise, on ne délègue pas la fonction présidentielle malgré toute la volonté affichée du Premier ministre. Le Cameroun brûle depuis le début de cette crise. En période d’incendie, on a besoin même du moindre seau d’eau pour l’éteindre. Le Président de la République peut, dans un sursaut de sagesse que lui confère forcément son âge, décréter le cessez-le-feu dans les deux régions anglophones. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut désarmer l’armée. Elle rentre dans les casernes. Si les bandes armées ne suivent pas, l’opinion publique nationale et internationale sera prise à témoin. Par la suite, le Président de la République peut solennellement rencontrer les leaders de formations politiques ainsi que ceux représentant la société civile. Ceci passe évidemment par la libération des prisonniers politiques embastillés dans le cadre de cette crise, la levée de la séquestration du leader du Mrc ainsi que la libération de tous manifestants incarcérés à la faveur des différentes marches pacifiques. Il ne faudrait as perdre de vue qu’un geste avait été fait dans ce sens à la fin du Grand dialogue national. pour détendre l’atmosphère politique après le Grand dialogue national. Au cours de ces audiences, le Président de la République peut leur demander de se joindre au gouvernement de la République et les mettre par la suite en mission de bons offices  pour rencontrer les différents protagonistes masqués ou pas de la sécession à l’effet de se retrouver autour de la table pour des négociations. Même si ceux-ci font exigence de ce que les rencontres doivent s’effectuer à l’extérieur du pays pour assurer leur sécurité, consentir à cette demande puisque la paix n’a pas de prix. Une fois ces discussions entamées,  ce sera déjà un pas décisif pour un retour à la paix. Les différentes options seront mises sur la table des négociations. Parallèlement, afin de susciter une compréhension et une adhésion populaires, une vaste campagne d’information et d’explication devra être organisée et menée par des personnes crédibles dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest.  Le SDF reste bien entendu convaincu que seul le retour au fédéralisme, prôné depuis sa création, isolera les extrémistes et ramènera avec effet immédiat la paix qui nous est tous si chère.

Le gouvernement détient tous les leviers pour une décrispation et un retour de la paix dans le NoSo. À condition de jouer franc jeu et de mettre les extrémistes de côté.

Jean Robert WAFO

Ministre du Shadow Cabinet du SDF en charge de l’Information et des Médias

 


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