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Maurice Kamto : «Je ne sais pas si ma résidence est devenue un nouveau lieu de détention ou une prison secondaire»

Kamtogato

Assigné à résidence dans son domicile, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) s’est entretenu avec le correspondant de RFI au cours d’une interview exclusive parvenue à la rédaction de Lebledparle.com ce mardi, 29 septembre 2020. Lisez plutôt.

Kamtogato
Maurice Kamto (c) Droits réservés

Pouvez-vous nous dire où vous êtes en ce moment ?

Je suis chez moi, j’y suis depuis une semaine maintenant, depuis en fait la nuit du dimanche 20 au lundi 21. Je suis enfermé chez moi contraint d’y rester avec toute ma maisonnée, en raison d’un déploiement sans précédent des forces de l’ordre, de la police et de la gendarmerie qui font une démonstration de force absolument incroyable mais en même temps absurde parce qu’on ne peut faire un tel déploiement de force à quelqu’un qui est désarmé, qui vit dans la paix et qui ne demande qu’à vivre dans la paix avec les uns et les autres. Donc, je suis chez moi. Depuis une semaine personne n’est sortie personne n’est entrée puisque les autorités en charge du maintien de l’ordre pour l’occasion et malheureusement, ont dit que celui qui mettrait le pied dehors serait immédiatement arrêté…

Autrement vous voulez dire que vous êtes de fait assigné à résidence contraint et forcé ?

On peut dire cela. Je suis assigné à résidence de fait. On peut aussi parler de séquestration ou d’autres terminologies de même nature. Je ne sais pas quel est mon statut actuel pour vous dire la vérité. Est-ce que ma résidence est devenue un nouveau lieu de détention ou une sorte de prison secondaire comme le Secrétariat d’État à la Défense (SED) le fût pendant longtemps avant d’être régularisé par un acte réglementaire ? Je n’en sais strictement rien. Ce que je peux dire c’est que j’ai reçu ce jour(hier, ndlr) la visite d’un certain nombre d’avocats . C’est la première visite de personnes venants de l’extérieur depuis cette séquestration. Un certain nombre d’avocats du collectif Sylvain Souop qui assurent l’assistance juridique et judiciaire aux personnes interpellées avant, pendant et après les marches pacifiques du 22 septembre 2020. Et parmi ces avocats, trois ont été reçus ce matin (hier, ndlr) par le Délégué à la Sûreté Nationale en compagnie du Secrétaire d’État chargé de la gendarmerie. Et ils leurs ont signifié un peu comme un message pour moi que j’étais assigné, que je ne pouvais pas sortir. Je n’ai pas le droit de mettre le nez dehors mais que ces avocats pouvaient me rendre visite à condition de le déclarer à la police. Ils ont ajouté que les gens de ma maisonnée peuvent sortir maintenant mais je n’ai aucune raison de croire, de prendre cela au sérieux parce que tout cela est dit sans aucun acte écrit. Personne ne m’a formellement signifié ce qu’on me reproche. Je n’ai reçu aucune notification d’aucune sorte. C’est seulement aujourd’hui, pendant que je recevais ces avocats que j’ai appris que je suis dans la situation dans je suis, c’est-à-dire, dans cette détention de facto parce que je suis ou serais porteur d’un projet insurrectionnel visant à renverser les institutions. Voilà donc pourquoi je suis assigné à résidence.

Autrement vous pensez que que vous serez arrêté si vous pointez le nez dehors ?

C’est très clair. Ils n’ont pas fait mystère de cela. S’il y avait encore le moindre doute, il est désormais levé. Imaginez qu’on ait enregistré un cas de maladie grave… Tenez par exemple, il y a eu quelques bobos de santé de quelques personnes qui habitent ici chez moi, mais s’il y avait eu un cas de maladie grave, vous auriez pu apprendre qu’il y a eu un ou deux morts chez moi. Pour quelles raisons ? Pourquoi ? C’est révoltant et choquant.

Vous avez toujours des vivres pour tenir ainsi suffisamment longtemps ?

(Rires) ça c’est une bonne question. Comme je ne connais pas la durée de mon assignation à résidence surveillée, et encore je ne sais pas s’il faut l’appeler ainsi, je ne peux pas vous dire si j’ai assez de provisions. Si mon épouse n’avait pas été prévoyante pour faire des courses pour plus d’un jour, si on devait faire les courses au jour le jour, évidemment qu’il serait impossible de tenir une semaine parce qu’on n’aurait pas eu de vivre. Maintenant, en revanche ceux qui chez moi sont sous médication, je ne peux pas vous dire combien de temps ils vont tenir.

Vous avez au travers d’un tweet laissé entendre qu’un assaut serait en préparation contre votre résidence. N’êtes-vous pas un peu dans la surenchère verbale, pourquoi le ferait-on ?

Ecoutez M. Essomba, je l’ai effectivement évoqué et écrit hier parce que c’est les termes que les spécialistes des questions de sécurité utilisent. Et ceci sur la base des informations dont je dispose. Je n’ai aucune raison d’en douter vu que je suis séquestré depuis une semaine. Et donc et donc quand on dit que ce risque est levé au seul prétexte que des avocats m’ont rendu visite je dis non on ne peut pas le dire ce d’autant qu’un assaut peut être donné de jour comme de nuit. Donc ce risque-là, il existe comme celui que quelqu’un tombe gravement malade chez moi et ne puisse pas être soigné. Voilà la situation. Alors, qu’est-ce qu’on me reproche ? C’est ce que je viens de vous dire mais je viens de l’apprendre par la bouche des avocats. On dit mais sans plus que je suis porteur ou que je serais porteur d’un projet insurrectionnel pour renverser les institutions…Je dois dire que ce qui nous avait alerté c’est le communiqué du du Ministre de la Communication du 25 septembre au détour duquel il disait que ma situation personnelle faisait l’objet d’un examen minutieux par les services judiciaires et que la situation du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun dont je suis le président faisait l’objet d’un examen attentif par les services du Ministère de l’administration Territoriale. Et donc vous voyez bien que je serais sous le coup d’une procédure judiciaire sans en être informé. Cet examen minutieux de ma situation par la justice qu’est-ce que ça veut dire? Est-ce une enquête, on entend qui à ma place ? Est-ce que c’est une décision de me placer en détention ? Je n’en sais strictement rien. Mais tout ce que j’ai entendu jusqu’à présent c’est insurrection, or il n’a échappé à personne que les marches du 22 septembre étaient absolument pacifiques. Et je dois le dire ici, sans esprit polémique ou de chicane, que je suis fière de mes compatriotes qui ont bravé la démonstration de force extraordinaire que l’on a vu une semaine avant et pendant la journée du 22 septembre. Il faut être habité par une forte conviction qu’il faut que quelque chose bouge dans notre pays, il faut être animé d’une colère profonde pour prendre ce risque-là. Parce que ce que l’on a déployé c’était un arsenal de guerre. D’ailleurs, on n’en avait pas besoin, cet argent aurait pu servir pour répondre aux problèmes sociaux. Marches pacifiques donc mais le gouvernement s’obstine à dire insurrection parce qu’il faut qu’il justifie sa terminologie et surtout la répression barbare dont les gens ont été l’objet. Je vous signale que plus de 600 personnes ont été arrêtées. Quand on dit insurrection, le Pr Alain Fogue qui est le trésorier national du MRC a été arrêté la veille. Ce que les gens ne savent pas c’est qu’il a été arrêté alors qu’il a été appelé par une autorité faisant parti des forces de maintien de l’ordre pour venir calmer une tension qui avait court devant ma résidence. Il faut dire que quelques camarades, une poignée, assuraient la sécurité devant ma concession, depuis que quelques mystérieux, mais pas si mystérieux que ça, en fait, une organisation dites des patriotes, avait fait irruption devant le chez moi avec des menaces. Organisation d’ailleurs téléguidée par des membres du gouvernement que nous connaissons. Donc depuis lors ces camarades étaient là. Ça doit faire un ou deux mois. Paisiblement. Ils n’avaient jamais dérangé ou attaque qui que ce soit. Et ce soir-là, les agents des forces de l’ordre ou plutôt de répression parce qu’on ne peut les appeler autrement aujourd’hui, sont venus déguerpir de force ces camarades. Ils ont protesté, des voix se sont élevées et donc on a appelé le Pr Fogue pour venir calmer la situation. Et de fait, il y est parvenu. Cependant on a embarqué ces militants en les humiliants, on les a déshabillés complètement et on les a embarqués. Puis c’est au moment de partir à son tour que le Pr Fogue a été interpellé. Je précise encore qu’il n’était à aucune marche et n’était entrain de planifier quoique ce soit. Olivier Bibou Nissack, conseiller du président national du MRC , mon porte-parole a été arrêté chez lui à son domicile devant son épouse et ses enfants. Il ne marchait pas, il n’était pas dans la rue. On ne peut là aussi, parler de violation de quelque loi que ce soit et encore moins d’insurrection. De plus, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de marches le 22 septembre comme le dit le gouvernement et en même temps reconnaître qu’on a arrêté 600 personnes. C’est complètement contradictoire. Ou bien il y a bien eu marches et on a arrêté des gens ou bien il ne s’est rien passé et on n’arrête personne. Dans tous les cas, ces centaines d’interpellations musclées sont bien la preuve des marches, et j’insiste, pacifiques, ont eu lieu. Les vidéos, des images existent. Ces gens n’ont eu aucune confrontation avec les forces de l’ordre. Ils n’ont bousculé personne, n’ont porté atteinte aux propriétés publics ou privées. Avant les marches, nous avons publié un code du marcheur pacifiste et les gens ont scrupuleusement respecté ce code. D’où vient-il donc qu’il y ait eu autant de tortures ? Au moment où je vous parle, dans les commissariats, les postes de gendarmerie, en particulier à Mboppi à Douala et à l’Ouest, des gens sont traités de manière cruelle, inhumaine et dégradante. Des gens qui d’ailleurs sont maintenus en détention sur la base d’une sélection au patronyme. Parce que nous avons plusieurs témoignages qui disent que des gens qui étaient porteurs de noms qui n’étaient pas des noms que l’on peut attribuer à une région que l’on dit être un soutien à ces marches où à l’insurrection ont été relâchés. On a entassé à Douala des hommes et femmes dans un petit couloir où ils vivent depuis une semaine, vous vous imaginez ? Vous avez des femmes qui ont leurs menstrues qui ne peuvent pas de changer, faire leur toilette, où sommes-nous ? Que sommes-nous devenus dans ce pays ? Il n’y a aucun gouvernement qui respecte quelque peu ses citoyens qui peut les traiter ainsi. Mêmes les bandits ou les malfrats ne sont pas traités de la sorte.

Entretien réalisé par Polycarpe Essomba

Pour approfondir :   Cameroun : La rumeur qui rend Mimi Mefo libre est un fake news ! La journaliste est toujours en prison

 

 


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