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Olivier Bile écrit à Paul Biya : « Vos frères anglophones doivent être écoutés »

Olivier Bile

Pendant que certains leaders politiques ont fait des adresses de fin d’année aux Camerounais le 31 décembre dernier, le président de l’Union pour la Fraternité et la Prospérité (UFP), Olivier Bilé dont le parti a remporté la Mairie de Yabassi  en 2013 a choisi d’écrire à Paul Biya ce 02 janvier pour appeler son attention sur la situation du pays.

               Olivier Bile
Olivier Anicet  Bile – DR

« Vos frères anglophones doivent être écoutés et leurs aspirations politiques satisfaites, dans une atmosphère d’ouverture, de solidarité et de fraternité », dit le candidat à l’élection présidentielle de 2011, dans un extrait de sa lettre.

Ci-dessous, l’intégralité, pris sur son compte Facebook :

LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN (Publiée par le Journal le soir)

Monsieur le Président de la République,

Considérant la gravité croissante du contexte socio-politique post-présidentielle marqué par un approfondissement manifeste et préoccupant de la crise anglophone, J’ai l’honneur de vous adresser la présente lettre ouverte qui, pour cette année 2019, tiendra lieu de ma traditionnelle adresse à la nation.

Vous interpeller personnellement en cette période et de cette manière, c’est pour moi, prendre à nouveau ma responsabilité historique de leader politique, face aux impasses et aux périls indéchiffrables qui ne cessent de s’amonceler sur la destinée devenue si précaire de notre pays.

A ce jour, les bilans économique, humain, matériel, social, et politique sont difficilement estimables. Il y a quelque temps encore, on nous parlait d’une chute de 20% des recettes d’exportation causée par l’arrêt ou le ralentissement de l’activité économique en zone anglophone. Le nombre de déplacés dans le pays et de réfugiés au Nigéria est sans cesse croissant, qui se chiffre en centaines de milliers de personnes. Pour le Sud-Ouest, on parlait récemment de 246 000 déplacés et 25 000 réfugiés au Nigéria voisin, aucun bilan statistique fiable n’étant disponible pour le Nord-Ouest. Les morts eux se comptent par centaines, tant du côté des civils que de celui des forces de défense et de sécurité, au point où il serait bien hasardeux d’avancer des chiffres que vous, vous connaissez fort bien.

Il ne se passe pas un jour qui ne charrie son lot d’attaques entraînant son cortège de morts, d’otages, d’agressions diverses de destructions de biens, de désertions de localités entières, de traumatismes multiformes, toutes choses qui étaient encore totalement inimaginables dans et, désormais, au-delà de ces zones avant octobre 2016.

Face à cette situation critique, vous ne vous êtes pas croisé les bras. Vous avez pris un certain nombre d’initiatives dont la Commission de Désarmement, Démobilisation et Réintégration des rebelles sécessionnistes est la plus récente. La floraison des entreprises dédiées à cette cause atteste bien de ce que toutes ces initiatives, bien que louables, sont finalement bien loin d’être à la hauteur des défis. Il est parfaitement inutile d’en faire la démonstration ici, les faits parlant d’eux-mêmes.

Je ne vous écris point aujourd’hui pour vous faire une dissertation sur cette crise dont vous connaissez les fondements souterrains bien mieux que tous les Camerounais. Il s’agit plutôt pour moi, en toute modestie, de venir vous répercuter le message insistant, qui s’impose à l’ensemble de mon Etre spirituel, intellectuel et émotionnel sur une base quotidienne : « La seule et unique solution à cette crise qui ruine le Cameroun est la suivante : Le Dirigeant du pays doit s’investir à libérer le peuple anglophone en particulier et camerounais en général de tout facteur de servitude et d’embrigadement dans l’Etat unitaire jacobinement centralisé. Vos frères anglophones doivent être écoutés et leurs aspirations politiques satisfaites, dans une atmosphère d’ouverture, de solidarité et de fraternité. Les souffrances qui ont cours dans cette partie de votre pays sont sans précédent. Elles vont continuer à impacter négativement, voire tragiquement le reste du territoire si rien de sérieux et de différent n’est fait. Gare surtout à la fracture sentimentale et émotionnelle qui s’accroît chaque jour … ».

Mon décryptage de ce message essentiel, visiblement du domaine de la révélation, me conduit à considérer que l’avenir de notre pays se trouve non seulement dans la libération de notre pays de tout facteur de servitude, quelle qu’en soit la nature, mais aussi, dans la prise en compte des spécificités communautaires ainsi que des aspirations particulières de notre si divers et si complexe peuple. Sur le plan de la démarche méthodologique, il est question pour vous, de mettre sur pied une action en quatre phases.

Premièrement, (1) créer une institution aux pouvoirs élargis que l’on pourrait nommer Haut Conseil pour le Dialogue et la Réforme des Institutions Nationales (HCDRIN). Cet organisme qui serait dirigé et animé par des Camerounais à la probité reconnue aurait pour première tâche principale (2), de lancer un Grand débat national sur la crise anglophone.

Le Haut Conseil recueillerait alors, par voie de prise de parole publique, médiatique, épistolaire et autres procédés, les opinions, les lamentations, les propositions, les orientations des Camerounais sur ce sujet. (3) Une phase d’un dialogue plus direct entre le HCDRIN, le gouvernement, des Représentants de l’élite anglophone et des représentants des sécessionnistes Ambazoniens.

Enfin, le Haut Conseil organiserait (4) un Référendum ciblé ne concernant que nos concitoyens ressortissant du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sur le thème fondamental du modèle d’organisation étatique souhaité de façon majoritaire.

Trois options claires leur seraient proposées : (1) Le Fédéralisme ; (2) L’Etat unitaire décentralisé ; (3) La sécession. Je crois qu’il faut avoir le courage de poser cette question de confiance de la manière la plus franche et transparente possible. Le choix majoritaire qui en sera fait permettra au pays de repartir sur des bases plus saines, non susceptibles de quelque autre forme de contestation. A la face du monde entier et sous le regard vigilant de la communauté internationale, ce choix deviendrait radicalement contraignant pour l’ensemble des parties qui auront ainsi obligation absolue de s’y soumettre.

C’est le lieu pour moi de rappeler ici quelques options en la matière de notre parti, l’UFP : Un fédéralisme volontariste à dix Etats fédérés sur le modèle du Canada ou de la Suisse. Pour la direction du gouvernement fédéral, un ticket francophone/anglophone pour la présidence et la vice-présidence (ou vice versa). Une représentativité des anglophones et des francophones au sein dudit gouvernement et à la tête des autres institutions stratégiques de l’Etat sur la base du critère démographique. Sur le fondement de dispositions constitutionnelles clairement établies, le gouvernement fédéral, garant de la justice sociale, garderait toutefois la latitude d’orienter la gestion de la richesse nationale dans le sens de l’équité et de la résorption des inégalités au sein du pays tout entier.

Monsieur le Président de la République, la Bible dit (Romains, 1 :18) : « La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive ». La politique a été beaucoup trop longtemps définie chez nous comme l’art du mensonge, de la transgression de la vérité et des engagements souscrits. Restaurons-la un tant soit peu dans sa noble dimension éthique et axiologique. A cet égard, vous avez, dès ce jour, le choix de vous identifier soit au Pharaon de Joseph soit à celui de Moïse, avec toutes les conséquences que ce choix aura pour l’avenir de ce peuple en souffrance qui vous a encore si massivement et récemment plébiscité.

Monsieur le Président de la République, voici le moment de mettre un terme à cette insupportable crise, de remettre le pays sur les rails et d’entrer dans l’histoire. Bonne et heureuse année 2019 à vous-même, à votre famille et à l’ensemble de nos concitoyens Camerounais.

Dieu vous bénisse et qu’Il bénisse le Cameroun !

Olivier BILE, PhD

Président de l’UFP


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