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Dieudonné Essomba : « Il y a quatre ans, l’État du Cameroun était puissant et maîtrisait tout son territoire…»

Dieudonne Essomba E1

Dieudonné Essomba a apporté son analyse à la suite de la diffusion des images mettant en scène, des hommes décapitant une jeune femme à Muyuka dans le Nord-ouest. L’économiste dans sa tribune partagée dans les réseaux sociaux, estime que ce genre de scène qui suscite l’indignation de tous, est une preuve que les combattants séparatistes ont pris le dessus sur l’État unitaire qui il y a 4 ans, se croyait « tout » puissant.

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Dieudonné Essomba (c) Droits réservés

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune de Dieudonné Essomba.

BIENVENUE À L’HORREUR !

Avec la décapitation d’une femme par les Ambazoniens dont la vidéo circule de manière virale sur le NET, nous avons atteint un autre niveau de l’horreur ! Ce n’est pas la mort qui est en cause ici, puisque cette guerre a déjà entraîné au moins 3.000 morts, si on s’en tient à un grand nombre de sources. Un mort de plus ne traduit pas une rupture qualitative dans l’évolution des événements.

C’est la méthode et le message qui sortent de cette scène de décapitation hallucinante d’épouvante et d’horreur ! Même les films n’ont pas imaginé quelque chose de plus horripilant. Et ce message parait clair :

« Le citoyen Ambazonien qui soutient l’Armée du Cameroun est un traitre qui sera exécuté publiquement et le Gouvernement colonial du Cameroun sur lequel il compte ne pourra rien pour lui ! »

Si nous lisons dans cette scène un tel message, nous sortons alors de l’émotion pour appréhender les choses dans leur véritable nature. Ce genre de message est commun à toutes les guerres de libération, et singulièrement, dans les Mouvements de sécession qui se prétendent aussi des guerres de libération. Ceux-ci, par leur nature, doivent verser le sang pour obtenir gain de cause, le sang des occupants et le sang des concitoyens considérés comme traitres !

L’indignation ici n’a aucune utilité pratique et en tout cas, aucun effet ! Des rebelles qui prennent des armes pour exiger leur autonomie n’ont aucun besoin de l’avis des autres ni de leur opinion sur leurs méthodes, car ils croient en une seule chose : leurs armes !  Et le seul but qu’ils poursuivent, c’est nuire à leur adversaire et le contraindre à lâcher prise !

Il ne faut donc pas s’attendre à ce que les Amba Boys se préoccupent du regard qu’on porte sur leurs actes, leur seul désir étant de voir l’État du Cameroun sortir de ce qu’ils appellent « leur pays ».

On pourra se scandaliser de ces réalités, mais les états d’âme n’ont jamais résolu un problème dans aucune communauté humaine ! Ce que font les Amba Boys, c’est bien ce que font tous les rebelles du monde entier, suscitant toujours les mêmes : « ils sont violents, ils sont terroristes, ils n’ont aucun mandat du peuple, etc. ».

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Tous ! Sans aucune exception ! Que ce soit les frères Maccabée livrant un combat à mort contre les Romains dans la Bible, que ce soit les anciens pays colonisés combattant le colon, que ce soit l’apartheid, que ce soit les mouvements autonomistes, la violence contre les forces légales et les soutiens locaux de ces forces a toujours été la même et le discours d’indignation a toujours été systématiquement tenu.

Les cris d’indignation n’ont cependant rien changé dans le cours des événements.

Nous ne changerons donc rien au NOSO à travers cette indignation hyperbolique des actes sanglants des Amba Boys qui participent de leur combat de « décolonisation ». Bien au contraire ! Car, cette indignation, bien loin de les attendrir, suscite leurs réactions de triomphe !

Mais plus fondamentalement, cette émotion généralisée met en évidence l’impuissance totale de l’État ! Un État qui fanfaronnait sur sa capacité à faire régner l’ordre sur tout son territoire, à appliquer sa loi partout, mais qui, aujourd’hui, se retrouve devant le spectacle des jeunes gens en guenilles qui imposent leur loi et exécutent en plein jour et en pleine rue ses propres partisans, sans qu’il puisse lever le plus petit doigt !

Et c’est justement là l’enjeu ! Il y a quatre ans, l’État du Cameroun était puissant et maîtrisait tout son territoire. À la moindre instruction du sous-préfet, la population obtempérait, la queue basse ! Moins de 4 ans plus tard, le Gouvernement en est aujourd’hui à s’indigner comme n’importe quelle ONG parce qu’on tue les gens sur son propre territoire, sans qu’il puisse vraiment réagir ! L’État n’existe pratiquement plus au NOSO que comme une force d’occupation, obligée de créer des bunkers partout, à coûts de dépenses faramineuses, alors que sa présence civile est réduite à néant.

Les villes Mortes, les Rentrées mortes et les Lockdown sévissent durement. Le Gouvernement a beau vouloir entretenir l’illusion à travers son programme de reconstruction, la répression des fonctionnaires qui ont abandonné le NOSO et les fanfaronnades sur la paix retrouvée, personne ne se fait plus d’illusion sur la perspective d’une fin prochaine des hostilités.

Je n’ai jamais compris comment le Gouvernement du Cameroun s’est laissé engluer dans la mélasse anglophone de manière aussi bête et aussi grossière. Les choses étant pourtant claires au départ : à partir du moment où un seul Anglophone était tombé par les balles du Gouvernement, l’État unitaire était mort. Il fallait immédiatement ouvrir les perspectives d’une fédéralisation du pays, de manière à neutraliser les thèses sécessionnistes qui diffusaient dans les milieux anglophones à la vitesse de l’éclair.

Malheureusement, les gens de Yaoundé qui contrôlent l’État du Cameroun ne connaissent la vraie définition qu’ils prennent pour une divinité investie de puissance magique, capable d’imposer tout ce qu’il veut à travers son armée et sa police.

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Ils ne savent pas qu’un État n’est qu’un groupe d’individus organisés, les agents publics, qui s’imposent au reste de la Communauté en justifiant sa légitimité par son rôle de gestion des besoins collectifs.

Cette définition implique d’office que ce groupe usurpateur suscite l’adhésion de tous, l’Armée et la Police n’étant alors que des instruments d’accompagnement et non les instruments qui fondent l’État !

Dès lors que l’État s’impose par la force et non l’adhésion, il devient immédiatement une force d’occupation. Dans ce cas, les populations occupées vont prendre les armes et supprimer le monopole militaire de l’État qui, dès lors, devient menacé dans son existence même.

C’est exactement ce qui s’est passé chez les Anglophones !

Mais en s’appuyant sur de faux exemples, certains ont conduit le Gouvernement du Cameroun à aller imposer une forme d’État aux Anglophones, à coup de violence, plongeant le Cameroun dans une terrible mélasse dont il ne pourra jamais sortir indemne. À coups d’arguments philosophiques, ils ont transformé ce qui n’était qu’un problème politique de forme de l’État en une guerre coloniale.

Et ça, ça change tout !

Ils se plaignent aujourd’hui que les populations anglophones ne soutiennent pas l’État ! C’est normal, puisque, avec leurs méthodes de brutalité, leur absence d’écoute, leurs convictions dogmatiques sur l’État, ils ont donné l’image d’un État colonial à ces populations !

Comment peut-on espérer le soutien des populations à des forces perçues comme coloniales ?

Les Anglophones ne baisseront jamais les armes et l’État unitaire ne pourra jamais les battre. La Sécession anglophone est une affaire de 40 ans et se résoudra soit par une Confédération de fait entre les deux parties, soit par l’indépendance du Southern Cameroon.

Il n’existe aucune possibilité humaine pour que le NOSO revienne sur un État unitaire, aussi décentralisé sot-il !

C’est un pur perd-temps !

Et cela, je l’ai dit dès le premier jour : les crimes que nous voyons chaque jour et qui suscitent l’indignation ne sont que des broutilles devant le grand événement qui se prépare : l’autonomie ou l’indépendance des Anglophones.

Et le Gouvernement du Cameroun n’a aucun moyen de changer quoi que ce soit dans cette évolution ! Aucun ! Et à force de persister, c’est lui qui va s’effondrer !

Dieudonné ESSOMBA


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