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Cameroun : Un camerounais écrit à Paul Biya au sujet de Manu Dibango

Biya Dibango

L’artiste interplanétaire Manu Dibango est décédé le mardi 24 mars 2020 de suite de Covid-19. Plusieurs personnalités à travers le monde lui ont rendu hommage, à l’instar du président de la République Paul Biya.


Biya Dibango
Paul Biya et Manu Dibango – capture photo

« J’ai appris avec tristesse, le décès de M. Emmanuel N’djoké Dibango, Mon épouse et moi-même tenons en cette douloureuse circonstance, à adresser nos sincères condoléances à sa famille, ainsi qu’à la communauté Sawa qu’il aimait particulièrement », écrivait Paul Biya.

Polémique sur la précision ethnique de Manu Dibango

La précision sur l’ethnie de Manu Dibango n’a pas été appréciée par les internautes qui estiment qu’on ne doit pas réduire Manu Dibango à la dimension du Cameroun et de l’ethnie Sawa. « Fier de ses origines, Manu Dibango portait, oui, avec délectation, le souffle de la langue Douala, celle, aussi, de Nelle Eyoum, fondateur du Makossa, aux quatre coins du monde, comme Brassens, le français ou les Beatles, l’anglais. En le faisant, Manu Dibango était de ceux qui pensent à juste titre, lui l’homme des ponts entre cultures, civilisations, sons et rythmes du monde, que pour venir sur la place du  » village planétaire  » de Mc Luhan, du rendez-vous du donner et du recevoir de Senghor, du Grand Monde et de ses matrices de Cheik Anta Diop, on sort d’une case, au propre comme au figuré », a écrit Abdelaziz Moundé Njimbam, camerounais de la diaspora et analyste politique.

La promesse de Paul Biya à Manu Dibango

Le célèbre saxophoniste était parmi les camerounais reçus en 2013 par le Chef de l’Etat lors de son séjour en France. Pendant sa prise de parole ce jour le père du soul Makossa a demandé au président de la République de mettre sur pied au Cameroun un conservatoire, une académie musicale etc. sept ans après, l’auteur de la lettre à Paul Biya se demande où sont passés ces outils de formation musicale. « Monsieur, le Président, nous sommes 7 ans après. Où est le Conservatoire ? Où est l’Académie ? Où est notre Cité du Patrimoine ? Ils sont où ces lieux baptisés des noms de Manu Dibango, Francis Bebey, Anne-Marie Nzié, Oncle Medjo Me Som, André-Marie Tala ? », s’interroge Abdelaziz Moundé Njimbam.

Lebledparle.com vous propose l’intégralité du message.

MESSAGE AU PRESIDENT PAUL BIYA

AU SUJET DE L’ILLUSTRE MANU DIBANGO

Monsieur le président,

J’ai lu comme tous les Camerounais vos tweet et lettres de condoléances au sujet de la disparition de Manu Dibango, géant par son œuvre singulière, inspirante, colossale, des 20 et 21e siècles, de la musique et de la culture dans le monde et pont entre cultures du Cameroun, d’Afrique et du monde. En fait, une de ces figures, que le monde nous envie, qui n’apparaissent qu’au bout de plusieurs siècles ou d’un millénaire.

Fier de ses origines, Manu Dibango portait, oui, avec délectation, le souffle de la langue Douala, celle, aussi, de Nelle Eyoum, fondateur du Makossa, aux quatre coins du monde, comme Brassens, le français ou les Beatles, l’anglais. En le faisant, Manu Dibango était de ceux qui pensent à juste titre, lui l’homme des ponts entre cultures, civilisations, sons et rythmes du monde, que pour venir sur la place du  » village planétaire  » de Mc Luhan, du rendez-vous du donner et du recevoir de Senghor, du Grand Monde et de ses matrices de Cheik Anta Diop, on sort d’une case, au propre comme au figuré.

Manu Dibango, oui, dignement honoré par le Ngondo, était et est devenu un trésor, un patrimoine et un héritage de la NATION, de l’Afrique et de la diversité culturelle dans le monde, reconnu pour cela par l’UNESCO.

Oui, étant l’un des chantres des Fleurs Musicales du Cameroun aux côtés du ministre Guillaume Bwele.

Oui, en chantant Bienvenue au Cameroun, repris en coffret en 1987 sous l’égide du Cabinet Civil de la Présidence.

Oui, en composant, Wakajuju, d’où est extrait le légendaire générique de l’émission Dimanche Midi, composite des rythmes des Grassfields du Cameroun, Yoruba du Nigeria et du Bénin, mâtinés de High life du Ghana, aux côtés de son brillant cadet Brice Wassi.

Oui, en offrant au monde, flanqué de son ami Yves Bigot, le retentissant Wakafrica, bijou de panafricanisme musical. Oui, en redonnant au jazz de ses idoles Armstrong, Bechet, son substrat africain.

Oui, en reconnectant ses frères de Jamaïque, Sly Dunbar et Robbie Shakespeare dans Gone Clear, avec les effluves musicales d’Afrique.

Oui, en tissant une toile, aux côtés d’Eliades Ochoa, entre Cuba et l’Afrique.

Oui, en mêlant les harmonies de Bach, Haendel, Beethoven aux sonorités africaines aux côtés d’orchestres philharmoniques dans le monde.

Oui, en inspirant, par le tellurique Soul Makossa, les plus célèbres et grands artistes au monde dont Michael Jackson Oui, en conquérant la France de Serge Gainsbourg des vertus de son génie et de son incroyable humanisme…

Oui, Oui, Oui…!!!

C’est pourquoi, j’ai secrètement espéré que dans votre message, figure le rappel de ce cri sage, de cet appel inspiré, de cette exhortation, lancés par Manu Dibango au cours de l’audience, que vous aviez accordé à la Diaspora camerounaise, en février 2013, à laquelle j’assistais aux cotés de 21 autres compatriotes :  » Ce serait, avait pensé Manu Dibango après que vous l’ayez prié de prendre la parole, une très bonne chose qu’il y’ait une académie, un conservatoire, une Cité, dignes de ce nom consacrés à la culture et surtout à l’apprentissage de la musique, la valorisation de notre immense patrimoine musical et sa conservation au Cameroun… ».

Monsieur, le Président, nous sommes 7 ans après. Où est le Conservatoire ? Où est l’Académie ? Où est notre Cité du Patrimoine ? Ils sont où ces lieux baptisés des noms de Manu Dibango, Francis Bebey, Anne-Marie Nzié, Oncle Medjo Me Som, André-Marie Tala ?

Est-ce l’argent qui manque ? Ces milliards que nous mettons dans les résidences de l’ambassadeur du Cameroun en France, dans les villas de ministres, les voyages en Europe, les dépenses inutiles dites de souveraineté ? Assurément non.

Est-ce la stratégie qui fait défaut ? C’est à se demander à quoi nous servent donc nos hauts fonctionnaires, s’ils ne peuvent évaluer les résultats du Compte Spécial d’Affectation de soutien à la Politique Culturelle ; s’ils ne peuvent structurer de véritables politiques publiques d’infrastructures culturelles de haut niveau. Celles qui rendront, enfin, nos artistes fiers de ce qu’ils ont apporté, par leur virtuosité à travers le monde, à notre pays.

Ce dont, nos figures d’exception, éternelles, qui ont conquis le monde, à l’image de Manu Dibango ont besoin, ce n’est pas d’une polémique navrante sur leurs villages ou leur communauté – dont nous sommes fiers – , c’est d’être reconnus dans notre Panthéon, comme Trésor de la NATION et que nous puissions inaugurer ces hauts lieux pour la culture et la patrimoine dont il souhaitait la construction !

  1. A. Mounde Njimbam

Citoyen Afro-Camerounais


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