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Tribune : « Paul Biya doit impulser les reformes politiques préalables à l’organisation des futures échéances électorales »

biya paul president

Dans une tribune libre publiée dans le quotidien Le Messager et publié sur les réseaux sociaux parallèlement, Charly Temkeng, militant politique camerounais résidant aux Etats-Unis, parle du dialogue politique inclusif au Cameroun. Pour lui, le dialogue inclusif doit être global et non seulement pour la crise anglophone. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité de cette tribune.


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Biya Paul – DR

Pour un dialogue politique inclusif au Cameroun

Depuis l’assassinat, le 3 novembre 1960, de l’indépendantiste et anti-colonialiste Félix- Roland Moumié à Genève, la jeune génération de camerounais n’a de cette ville que son côté reposant, particulièrement prisé du Président Biya. Mais en cette fin du mois de juin 2019, où le couple présidentiel camerounais venu, comme à l’accoutumée, y passer un « court séjour privé », après le record inédit de 9 mois consécutifs passés au Cameroun, Genève aura, plus que jamais, cristallisé les deux crises politiques qui secouent le Cameroun, depuis fin 2016 pour la crise anglophone, et octobre 2018 pour la crise post-électorale; née du “hold up” de l’élection présidentielle d’octobre 2018 que Maurice Kamto, arrivé officiellement deuxième selon le Conseil Constitutionnel, continue de dénoncer.

En effet, pendant que les camerounais vivaient sur les réseaux sociaux le tumulte de cette villégiature, ils ont appris, par un communiqué du Département Fédéral des Affaires Étrangères (DFAE) suisse que la Suisse « a été mandatée par une majorité des parties au Cameroun pour faciliter un processus de négociation inclusif » entre le gouvernement camerounais et les leaders anglophones afin de « trouver une solution pacifique et durable à la crise dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun ». À l’exception du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto qui a réagi par une déclaration commune avec ses alliés politiques intitulée “Déclaration des alliés sur le dialogue inclusif au Cameroun”, cette annonce n’a curieusement pas eu un grand écho dans la classe politique nationale. Même le gouvernement camerounais d’habitude prompt à communiquer sur ses actions n’a pas daigné informer l’opinion nationale sur un sujet aussi important.

Au demeurant, après trois années de guerre civile aux conséquences matérielles et humaines lourdes dans les régions dites “anglophones” du Cameroun, il faut encourager toute initiative du dialogue d’où qu’elle vient. Aussi le Cameroun ploie-t-il sous une tension sociopolitique dont la décrispation nécessite autant le dialogue politique et l’apaisement social au détriment de joutes, aux relents communautaires, qui prolifèrent dans l’espace cybernétique.

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L’opposition politique et la société civile camerounaise soutenues par la communauté internationale réclament depuis avec acuité l’ouverture d’un dialogue politique inclusif à l’effet, non seulement d’apurer ce passif historique qui menace aujourd’hui sérieusement l’unité nationale et l’intégrité territoriale ; mais aussi de liquider la crise post-électorale qui crispe l’espace public et ravive les tensions sociales depuis l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Sous cette pression conjuguée, le pouvoir de Yaoundé, longtemps réfractaire à l’idée d’un dialogue national ; lui préférant la répression politique, semble peut-être céder mais est davantage porté par une sorte de dialogue au cas par cas selon un calendrier peu transparent. Toute chose contraire aux recommandations de la communauté internationale. Il faudrait l’en dissuader car, sauf méprise, il s’agit d’une volonté d’entretenir inutilement le dilatoire.

La médiation suisse limite exclusivement son action à la crise anglophone et entre le gouvernement camerounais et les leaders anglophones. Or la communauté internationale propose un schéma intégral, aux fins de résoudre de manière durable les défis multiformes auxquels le Cameroun est aujourd’hui confronté.

La déclaration du MRC et ses alliés reprend fort bien les propositions de la communauté internationale. Elles sont les suivantes : la libération de tous les prisonniers politiques liés la crise anglophone et des “Marches blanches” du MRC ; l’organisation d’un dialogue national inclusif et consensuel, la refonte consensuelle du système électoral avant toute nouvelle élection ; la tenue de nouvelles élections dans l’ordre chronologique suivant : les municipales, législatives et régionales.

Fondamentalement, si les aspects historiques et humanitaires peuvent justifier que la crise anglophone cristallise singulièrement les attentions, on ne saurait limiter une occasion aussi rare de retrouvailles politiques entre les camerounais à cette unique question et exclusivement entre certains leaders contestataires de cette partie du territoire national et le gouvernement. La crise anglophone est une crise politique nationale. Par conséquent, le spectre des participants à sa résolution devrait être élargi à l’ensemble des forces vives de la nation. Une pareille erreur fut commise lors de la Conférence de Foumban en 1961. Les accords d’union fondateurs de la défunte République Fédérale du Cameroun avaient été conclus entre les leaders du Southern Cameroon et le gouvernement du Cameroun Oriental à l’exclusion d’autres forces vives telles que l’UPC (Union des populations du Cameroun) dont les dirigeants étaient traqués par le régime de M. Ahidjo. Leurs propositions notamment celle préconisant le préalable de la réunification des deux Camerouns assortie d’une indépendance commune ne furent pas considérées. Nous sommes unanimes aujourd’hui pour dire que la crise « ambazonienne » actuelle est une conséquence malheureuse de ce rendez-vous politique historique manqué. Comme Ahidjo hier, le régime de M. Biya ne ménage aucun effort pour exclure les autres forces politiques particulièrement de l’opposition de ce grand débat politique national à venir. Il s’obstine, contre tous les avis, à maintenir une franche importante des leaders anglophones ainsi que les dirigeants du principal parti de l’opposition en détention.

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De plus, comme susmentionné, à côté de la crise dite « anglophone », le Cameroun traverse, depuis octobre 2018, une crise politique post-électorale sans précédent qui tient le pays dans une atmosphère politique délétère sous fond de querelles tribales décomplexées. Puisse les autorités camerounaises surpasser les clivages politiques et des basses considérations pour inscrire le Cameroun dans de meilleures perspectives.

Les camerounais n’ont malheureusement pas une grande tradition du dialogue politique. Pierre Flambeau Ngayap explique dans son ouvrage, « L’opposition au Cameroun, Les années de braise » comment les rares grands débats politiques nationaux organisés ont souvent souffert d’une malicieuse roublardise du pouvoir sous le regard inattentif ou parfois “complice” de ses interlocuteurs. Ainsi, le gouvernement helvétique et l’ONG Centre pour le dialogue humanitaire (HD) devront-ils inviter toutes les sensibilités constitutives du leadership anglophone et les autres forces vives de la société camerounaise à la table du dialogue projeté. Celui-ci devrait être la tribune de résolution des crises sociales et politiques qui tendent le climat social au Cameroun. Il est alors de bon ton d’inclure urgemment dans son agenda la crise politique post-électorale née de la dernière élection présidentielle afin d’impulser les reformes politiques préalables à l’organisation des futures échéances électorales.


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