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Le 6 novembre 1982 expliqué aux enfants : Junior et Brenda Biya

Prc Famille

Si le 06 Novembre n’avait pas existé, Ahidjo l’aurait inventé. Comme il a si bien inventé ses multiples crises de maladies qui devaient servir de pièces à conviction pour que le pré carré français et le lobbying nordiste puissent admettre l’idée d’un retrait despotique de la scène politique. 

 

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Pour que son « crime » eût été parfait, et le scénario insoupçonnable, Ahidjo a dû tout simuler, jusqu’aux tonnes de médicaments qu’il réussissait à ingurgiter devant ses invités pour prouver ô combien de fois il souffrait très gravement. Alors qu’on pensait comme le président à vie du Congo Brazza que « les personnes qui ont les privilèges ne sont pas pressés de les abandonner », Ahidjo va se faire passer, aux yeux de ses dauphins, pour un père qui veut l’autonomie de ses fils et les féliciter de leurs loyaux services à l’Etat, donc au président fondateur. Votre père qui n’avait jamais songé à un poste au-dessus de celui qu’on lui faisait croire qu’il occupait, va, pendant l’heure la plus longue de sa vie, donner sa positive réponse à la rhétorique question d’Ahidjo qui voulait faire de lui son successeur constitutionnellement naturel.

Si votre père n’avait pas répondu favorablement à cette demande qui était en réalité un ordre suprême, on n’en serait pas là aujourd’hui. On serait peut-être dans un pays qui se pose comme le plus puissant d’Afrique, ou alors comme un pays profondément pauvre, étrangement endetté et accablé par les famines, les maladies et des guerres fratricides et ethniques. Mes chers amis, sachez que si votre père avait dit non au mari de Germaine comme Sékou Touré à De Gaulle en 1958, le Cameroun n’aurait surement pas été le Cameroun, Brenda aurait demeuré la petite fille du paysan aux multiples prétendants les uns aussi rêveurs que les autres, et Junior serait peut-être enfin devenu senior ou major dans une autre vie ; votre charmante mère serait, pour le bonheur de l’africaine beauté, le prototype de la miss Cameroun, à une ère où le corps des jeunes filles est dévoyé en un objet de rentabilité et de facticité.

Si votre père avait dit NON, Ahidjo devait continuer à diriger le Cameroun on ne sait où, sans que personne ne puisse se rendre compte du tournant historique qui devait se produire en l’espace d’une douloureuse heure. Ahidjo devait certainement retourner dans le réel, mettre un terme à sa théâtralisation du malade imaginaire, abandonner ses kilos de kola, ses tasses de café, ses boites de cigarettes, et à l’interminable liste de ces substances qui noyaient ses capacités mnésiques et viriles au lieu de les booster. En 1982, il avait déjà fait 22 ans de pouvoir absolu sur un peuple qui croyait être dirigé par un dieu sur terre. La moitié de son règne, il l’aura consacré à la lutte sanglante et sans pitié des upécistes, baptisés à l’occasion de maquisards, pour que leur massacre à l’aveuglette puisse être légitimée par le psychique et plus tard par l’histoire.

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Lorsque Ernest Ouandié, dernière figure du nationalisme camerounais est tiré de sa cachette pour être froidement abattu en plein cœur de la Mifi, Ahidjo venait là de sonner le glas d’une décennie de torture physique, mais venait ipso facto de sonner le tocsin d’une décennie de violence morale et spirituelle, sociale et économique, politique et anthropologique. Il va transformer l’homme camerounais en un personnage vil et sans visage, sans rêves ni ambitions, vivant au jour le jour, selon les caprices du monstre froid, et avec la seule certitude que demain n’est point certain, et que tout le monde peu, en un temps deux mouvements être transformés en marchandise, objet d’échange, bois, fer, gris-gris, écorce, plat de résistance, en dessert ou en engrais.

Presque tous les jeunes qui se cultivent le savent, mais je ne sais pas si vous savez que votre père ne pouvait pas dire non. A cette époque, que ce soit les gouvernés ou les gouvernants, tout le monde n’avait que deux choix face à Ahidjo : Yes ou Oui. Il savait aussi que son désir était un ordre, et que votre père ne savait que lui obéir, comme s’il était né pour le faire. C’est donc à cause de cette obéissance candide que Ahidjo a jeté le dévolu sur lui, pensant ainsi se réincarner dans du sang neuf, et dans la peau d’un ange facile à diaboliser. Il avait juste oublié que « dans certains cercles ce sont les marionnettes qui tirent les ficelles » 3 années après, la situation se retourne, l’Unc devint le Rdpc, Biya le véritable chef du navire, et Ahidjo le mort vivant attendant sa descente aux enfers. 33 ans plus tard, votre papa, père des orphelins, mari des veuves et patron des chômeurs, n’a vraiment pas jouit de ses multiples mandats aux sommets de l’Etat.

Entre se libérer du paulisme pour instaurer le biyaisme, se débarrasser de l’esprit possessif d’Ahidjo qui hantait ses nuits et endiablait ses journées, dévier les multiples tentatives de coups d’Etat, étouffer les scènes de ménages, instaurer malgré soi une démocratie avec la dictature apaisée comme trame de fond, faire taire la presse en la laissant jacter, réussir à désintéresser les jeunes de la chose politique, au sens des affaires et de l’initiative, faire passer l’armée pour toute puissante et le fonctionnaire pour la 5e roue du carrosse, transformer les opposants en facilitateurs tacites du régime… sont en résumé des éléments qui ont distrait votre père de sa fonction, et l’ont transformé en un mystérieux personnage (le Biyahidjo ?) et une curiosité pour les sciences politique et managériales.

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Vous ne verrez jamais, même dans vos plus hautes écoles à l’étranger, ces traits de l’histoire consignés dans un manuel à votre programme. Le Cameroun est l’une des rares nations qui enseigne une histoire qu’elle n’a pas vécue et qui vit une histoire qu’elle n’enseigne pas ; où les parents offrent les cadeaux incroyablement faramineux à leurs enfants sans jamais songer leur offrir un livre à lire, les amènent dans les endroits les plus chics de la terre, sans jamais penser les conduire dans les lieux historiques de leur propre pays qu’ils sont censés maitriser comme les applications de leurs Smartphones ; aller visiter les tombes de nos grands hommes tombés en terre étrangère, dont la peur de la hantise nous dispense de les rapatrier et de leur offrir une sépulture digne de leurs noms. Voilà pourquoi ma chère Brenda fait plus la promotion des stars de football et des boites de nuit que des hommes de cultures et des jeunes leaders qui sont seuls témoins des grands coups qu’ils donnent à l’ombre de leurs luttes quotidiennes.

Je compte sur vous, et surtout sur toi Brenda, pour demander à papa de vous parler de la vraie histoire du Cameroun dont il est un témoin privilégié. Qu’il écrive ses mémoires sans fards ni ambages de ses propres mains ou de la plume d’un autre, ou qu’il délègue un collègue d’historiens pour produire un travail qui sera le plus grand des monuments. Pour que plus jamais un 6 novembre ne se célèbre dans les réjouissances populaires, les danses, l’alcool, les petites à coller, à trémousser et à pénétrer sous les ampoules rouges ; que les députés junior, les membres du conseil national de la jeunesse…ne soient plus les neveux et les nièces des tonton-macoutisme, mais de jeunes dont la culture et l’engagement social ne font l’ombre d’aucun doute; Que les jeunes se mettent à l’idée que c’est à eux et à eux seuls de créer leur propre histoire, d’inscrire leur propre nom dans du marbre, et de « frapper leur propre poitrine » et non plus celle d’un père, d’une tante ou d’un grand père. En somme que chaque jeune, pris individuellement puisse avoir son 6 novembre et le célébrer en sa manière.

© Félix MBETBO, auteur de la « lettre à Chantal Biya: je veux épouser Brenda »


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