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Dieudonné Essomba aux Guinéens : « Soyez intelligents et posez clairement le problème de la Guinée… »

Alphar

Depuis le dimanche 5 septembre 2021 en matinée, Alpha Condé n’est plus le président de la Guinée. Alors que l’homme de 83 ans venait d’être élu pour un troisième mandat, le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), dirigé par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, a annoncé l’avoir capturé. Sur ces entrefaites, Dieudonné Essomba a fait une sortie sur sa page Facebook où  il prodigue des conseils aux Guinées.

Alphar
Alpha Condé (c) Droits réservés

Après le putsch, un conseil aux Guinéens

Une fois de plus, la Guinée vient de connaître un changement de régime et comme d’habitude, un nouveau Messie apparait, suscitant les mêmes espérances de sortie de la misère.

La Guinée est en effet la Terre des Messies. On a d’abord connu Sekou Touré, le grand Messie libérateur contre les Forces coloniales françaises, et dont le régime s’est terminé dans une dictature particulièrement sanglante et noire.

Il a été suivi de Lansana Conté dont le règne moins violent, mais très mou et qui s’est terminé dans une interminable agonie.

Ensuite nous avons eu l’excentrique Dadis Camara qui prétendait transformer la Guinée avec le cœur et des formules lapidaires simplistes qui suscitaient l’hilarité du monde entier, et qui manifestait des tendances très sanguinaires

Enfin, nous avons connu Alpha Condé, qui auréolé de son immense prestige d’opposant irréductible, avait suscité d’immenses espérances pour mettre fin à ce messianisme sanglant. Il ne s’est pas empêché de prendre la même voie en engageant de manière grotesque un projet d’une présidence à vie, avec une centralisation du pouvoir qu’il a porté jusqu’à la caricature.

Aujourd’hui a apparu un nouvel homme qui va naturellement se présenter comme un nouveau Messie, autant par sa croyance naïve qu’il fera mieux que les autres que par l’enthousiasme que vous lui témoignerez de vous avoir débarrassés d’une dérive autoritaire qui prenait un tour de plus en plus irrationnel et de plus en plus sanglant.

Soyez intelligents et posez clairement le problème de la Guinée qui est aussi celui d’un grand nombre de pays d’Afrique Noire: tant qu’un seul individu gérera tout l’argent collectif du pays, au motif qu‘il fabrique et incarne les unités nationales et autres vivre-ensemble, et tant que cet argent sera concentré en un seul lieu, la capitale, nos pays ne sortiront jamais de l’instabilité politique, ni du sous-développement.

Cette centralisation à outrance a créé dans nos pays une situation ubuesque, où le contrôle du budget est devenu un enjeu communautaire très violent qui génère intrinsèquement la dictature, l’instabilité et le sous-développement. Elle purge tout le reste du pays de la substance productive pour la concentrer dans la capitale, suscite et développe des réseaux d’allégeance au pouvoir fondé sur des solidarités primaires et qui ont tendance à se fossiliser pour réduire le pouvoir d’Etat à une propriété tribale.

Dans ces conditions, un tel pouvoir ne peut être que dictatorial ou instable. Pour être stable, il doit être dictatorial, et pour être démocratique, il doit être instable. Il ne peut pas être en même stable et démocratique.

Pour mettre fin à ce modèle, il importe d’éviter désormais ces hommes providentiels qui viennent résoudre les problèmes de la Guinée par leur « charisme », mais qui, à terme, se transforment en chef de gang contrôlant de manière monopolistique les ressources collectives de la Nation, autrement dit, le budget de l’Etat. La solution consiste alors à priver les Chefs d’Etat du contrôle absolu de l’outil central sur lequel repose leur force, à savoir le budget.

C’est en effet le budget de l’Etat que tous les hommes politiques poursuivent dans leurs discours mielleux d’amour de la Nation ! Il n’y a aucun amour de la Nation dedans ! Il y a tout simplement le désir de contrôler les 4 avantages publics que donne le budget et qui sont responsables de toutes les tensions politiques dans nos pays :

1. les emplois publics, qui sont payés par le budget et que se discutent els divers segments communautaires lors des concours administratifs ou des recrutements

2. les positions de pouvoir, incarnées par les postes dans la haute administration, l’armée ou les instances politiques, et à qui ce budget fournit les moyens pour alimenter un train de vie somptuaire

3. les infrastructures collectives, à l’instar des routes, des écoles, des hôpitaux ou l’électrification rurale, que se disputent également les segments régionaux et dont la réalisation ressort du budget de l’Etat ;

4. les rentes de situation, comme les marchés publics, les subventions, les licences, également fruit des compétitions violentes.

Voilà en gros la source de tous les problèmes de la Guinée et de nos pays : l’argent collectif que se disputent les hommes politiques, à travers un discours mielleux sur l’unité nationale, mais qui masquent en réalité le désir rusé d’assurer un contrôle monopolistique du budget de l’Etat, et à travers lui, de tous les avantages de l’Etat.

La première mesure consiste donc à attaquer la problématique de cet argent collectif, en éclatant le budget en deux moitiés :

-la première moitié sera gérée par le Gouvernement central, spécialisé dans les activités stratégiques, telles que la défense, les affaires étrangères, les grands réseaux nationaux, les grandes infrastructures, la péréquation et la coordination ;

-l’autre moitié doit être laissée à 8 Gouvernements Régionaux (les 7 Régions et la capitale), afin de s’occuper, en collaboration avec leurs Communes et en toute autonomie, de toutes les missions de proximité de l’Etat. Lé répartition de cette deuxième moitié sera fondée sur des critères exclusivement objectifs, tels que la population, la superficie, les indices de développement, sans qu’elle puisse donner lieu à des considérations politiques.

Une telle mesure aurait l’avantage de limiter les tensions entre les Régions et les Communautés, de rassurer tous les Guinéens et de réduire la monstrueuse attractivité de la Présidence qui alimente ces rêves récurrents de Messies.

La démocratie va découler d’elle-même de ce modèle, sans qu’on ait besoin de forcer.

Mais évidemment que si vous maintenez ce mauvais modèle où un seul individu prétendant incarner la Nation s’arroge le contrôle de toutes les ressources publiques et prétend par son « charisme » développer la Guinée à la place des Guinéens, alors ce pays ne sortira jamais de sa situation tragique.

Dieudonné Essomba


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