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Lutte contre le covid-19 :  La Banque mondiale pourrait décaisser 81 milliards de FCFA au profit du Cameroun

Abdoulay Seck

C’est la substance d’une interview qu’a accordée à notre confrère d’Investir au Cameroun, Abdoulaye Seck, directeur des opérations de la Banque mondiale (BM).


Abdoulay Seck
Abdoulaye Seck (c) Droits réservés

Dans l’interview que le cadre de la Banque mondiale a accordée au journaliste Aboudi Ottou d’Investir au Cameroun, Lebledparle.com apprend qu’en guise de « réponse d’urgence » à la pandémie du coronavirus, la BM va défalquer 21 milliards de FCFA d’ici juin 2020. Ajouté à cela un prêt de 60 milliards de FCFA sous forme d’appui budgétaire supplémentaire soit un total de 81 milliards de FCFA.

Pour plus de détails, Lebledparle.com vous propose l’interview du Sénégalais à notre confrère.

Le Cameroun est l’un des pays les plus touchés par le coronavirus en Afrique. Plusieurs partenaires bilatéraux et multilatéraux se mobilisent pour l’accompagner dans la lutte contre ce virus. Mais on ne voit pas la Banque mondiale. Que se passe-t-il ?

La Banque mondiale est présente au côté du gouvernement camerounais en cette période difficile. Dès le 3 mars, notre institution a annoncé la fourniture d’une aide d’un montant allant jusqu’à 12 milliards de dollars (plus de 7000 milliards de FCFA, Ndlr) aux pays en développement frappés par cette pandémie. Ce premier financement est conçu pour apporter un appui rapide aux pays en proie aux conséquences sanitaires et économiques de cette pandémie. Il devait aussi aider les pays membres de l’institution à prendre des mesures efficaces pour faire face et, si possible, atténuer les conséquences tragiques du Covid-19 (coronavirus). 

Pour les pays ciblés, comme pour le Cameroun, cela comprend des financements d’urgence, des services de conseil et une assistance technique, basés sur les instruments et l’expertise existants du groupe de la Banque mondiale.

Concrètement, qu’est-ce qui reviendra au Cameroun et à quelles conditions ? 

Le Cameroun a sollicité l’assistance et le soutien de la Banque mondiale dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19. Cette aide financière se manifestera de plusieurs façons :

  1. 6,8 millions de dollars (plus de 4 milliards de FCFA, Ndlr) pour la première réponse d’urgence. Une partie a été mise à la disposition du gouvernement pour former les acteurs du système à la gestion de l’urgence. Elle a également permis d’acheter des équipements médicaux (tests kits, équipements de protection, etc.) dont la remise officielle au ministère de la Santé s’est faite le 4 mai. Un dernier lot contenant les tests de dépistage devra se faire d’ici la quinzaine du mois de mai.
  2. 29 millions de dollars (17,4 milliards de FCFA, Ndlr) pour un projet d’urgence de plus grande ampleur. Il est en préparation pour poursuivre l’accompagnement du programme du gouvernement afin de lutter contre la pandémie. Le projet est préparé en utilisant la procédure expédiée spéciale pour la pandémie et entrera en vigueur, d’ici un mois.
  3. Et enfin, la Banque propose au gouvernement camerounais de restructurer le projet de filet social qui est en cours, afin d’augmenter le montant des sommes versées directement à la population bénéficiaire pendant les 6 prochains mois (de mai à octobre 2020), ainsi que d’appuyer des activités associées à la distanciation sociale.

Vous conduisez aux côtés des autorités camerounaises plusieurs programmes dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la réduction de la pauvreté. Peut-on s’attendre à un ajustement de ces programmes au regard des urgences actuelles ?

En priorité nous allons aider à sauver des vies humaines à travers des investissements d’envergure pour enrayer la propagation du Covid-19, à hauteur d’environ 35 millions de dollars (21 milliards de FCFA). Ces investissements s’ajouteront à notre appui au renforcement de la performance du système de santé. Ensuite, parce que les mesures pour contenir la pandémie peuvent aussi avoir un coup sur la pauvreté et le capital humain de chaque Camerounais et du pays dans son entièreté, des actions urgentes et des ajustements seront entrepris au bénéfice des ménages pauvres, des déplacés internes, mais aussi des groupes qui restent vulnérables en raison de la nature informelle ou précaire de leur activité. 

Nous allons d’abord aider à une expansion massive de la couverture des transferts monétaires en utilisant des procédures d’urgence, et surtout dans les grandes villes touchées par l’épidémie. Pour ce, nous mobiliserons, en accord avec le gouvernement, au moins 20 millions de dollars (12 milliards de FCFA, Ndlr) du projet de filets sociaux existant. Afin d’éviter d’ajouter aux risques de contact et de propagation, nous allons aider à la modernisation des transferts par l’expansion de moyens technologiques adaptés (en utilisant la digitalisation des paiements autant que faire possible). Enfin, dans le cadre de la reprise, nous nous attacherons à appuyer le gouvernement à travers un programme modernisé de protection sociale et de génération de revenus et d’emplois pour les plus touchés par la crise.

En matière d’éducation, plus de 7,2 millions d’élèves et d’étudiants sont directement affectés par la fermeture de tous les écoles et établissements d’enseignements et de formation depuis le 18 mars 2020. La crise exacerbe les inégalités existantes sur la base de revenu, du genre, de l’accès aux technologies pour l’éducation à distance et elle pourrait créer des décrochages irréparables chez les plus vulnérables. Notre projet d’éducation de base actuelle (plus de 130 millions de dollars, 78 milliards de FCFA) ajuste d’ores et déjà ses interventions et inclut les réponses Covid-19 dans la conception et la mise en œuvre de la stratégie d’intervention d’urgence.

Dans le court terme, en appui à la feuille de route des ministères en charge de l’éducation et en coordination étroite avec le Groupe local pour l’éducation, il appuiera l’accès aux contenus d’apprentissage à distance (en ligne ou physique) pour assurer la continuité des apprentissages. Dès la réduction des mesures de confinement, il s’agira de fournir un soutien à la réouverture des écoles (notamment à travers la communication aux élèves, aux parents, aux communautés et aux enseignants sur le soutien à l’apprentissage et à la prévention du Covid-19) et d’aider le gouvernement à identifier et à suivre les élèves qui risquent abandonner leur cursus scolaire.

En parallèle, nous sommes en train de finaliser la préparation d’un projet nouveau de 125 millions de dollars (75 milliards de FCFA, Ndlr) sur le développement du secondaire et des compétences pour l’emploi. Il permettra entre autres d’inclure des normes et standards d’hygiène adaptés à la prévention de la maladie dans les établissements secondaires et de favoriser le retour des élèves en toute sécurité dans les écoles et de travailler avec le gouvernement pour réduire le nombre d’abandons potentiels lors de la réouverture des écoles. Ce projet aidera aussi à créer les conditions pour que les jeunes filles soient plus et mieux scolarisées à travers de meilleures conditions d’apprentissage, un environnement plus protecteur et des personnels mieux formés à leur accueil.

La Banque mondiale a rendu public le 9 avril son rapport sur les perspectives économiques en Afrique. Il en ressort que la croissance en Afrique subsaharienne va baisser de 2,4% en 2019 à une fourchette entre -2 et -5%. Quelles sont vos projections pour le Cameroun ?

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Comme lors des précédentes crises mondiales, les pays seront différemment affectés par l’épidémie du Covid-19. L’impact économique sera fonction d’un certain nombre de variables. Sur le plan externe, il s’agira notamment le degré de dépendance vis-à-vis des matières premières, le niveau d’intégration dans les chaines de valeur et des marchés financiers internationaux, la part du tourisme international dans les économies ; et sur le plan interne, la taille des secteurs directement affectés par les mesures de lutte contre l’épidémie (transport, hôtellerie, restauration…) et le niveau de perturbations des chaines de valeur nationales, notamment dans la manufacture et l’agriculture, déterminera l’ampleur de la crise.

Pour le Cameroun, nous avons considéré pour le moment deux scénarios. Un scénario de référence qui table sur un ralentissement de l’activité en Chine, une contraction dans la zone euro, principaux partenaires commerciaux du Cameroun, des perturbations dans les marchés financiers, une propagation de l’épidémie au reste du monde par le commerce et les coupes dans les dépenses de transport aérien, de tourisme, de restauration et de divertissement en raison de la distanciation sociale dans tous les pays. Le scénario de référence prend également en compte les mesures vigoureuses de lutte contre l’épidémie qui sont progressivement mises en œuvre par le gouvernement dans le cadre de son Plan de riposte sanitaire, d’adaptation et de soutien socio-économique (Pasec). Dans un tel contexte, la croissance ralentirait considérablement, mais pourrait demeurer positive.

Dans un scénario plus pessimiste, où l’épidémie persiste et génère des effets négatifs plus importants dans tous les pays touchés, et si les mesures de lutte ne sont pas mises en œuvre rapidement, le Cameroun enregistrerait pour la première fois depuis 1993, un taux de croissance négatif qui aurait un impact désastreux sur l’emploi et la pauvreté.

Quel que soit le scénario, nous encourageons le gouvernement à achever la préparation de son plan de réponse socio-économique et à conclure les discussions avec les partenaires internationaux pour obtenir le financement d’un tel plan. Les mesures politiques devraient inclure une nouvelle hiérarchisation des allocations budgétaires en vue de réorienter les ressources vers la protection des plus vulnérables et fournir un soutien aux petites et moyennes entreprises touchées par la crise. Le gouvernement du Cameroun devrait également envisager de soutenir le secteur informel qui sera probablement l’un des plus touchés.

Vous recommandez de renforcer les chaînes de valeur agricole régionale afin d’éviter une crise alimentaire… Comment financer de tels investissements dans le contexte actuel ? 

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Afin de garantir la sécurité alimentaire des Camerounais et notamment des populations les plus vulnérables, nos recommandations s’organisent autour de 3 axes :

  • Assurer la continuité des échanges commerciaux internationaux de produits alimentaires : (i) supprimer les barrières aux échanges commerciaux et autres mesures politiques restrictives, notamment l’interdiction des exportations et des importations, (ii) renforcer l’utilisation des technologies numériques pour faciliter les échanges, (iii) renforcer si besoin les contrôles sanitaires et phytosanitaires (SPS) pour les importations et les exportations ;
  • Éviter les réactions de panique coûteuses : (i) éviter le « stockage » des aliments au-delà des niveaux habituels, (ii) améliorer la gestion des stocks stratégiques ;
  • Limiter les perturbations des chaînes d’approvisionnement alimentaires nationales : (i) maintenir les circuits d’approvisionnement pleinement opérationnels (limiter les blocages sur les transports et la logistique, limiter les fermetures de points de vente en gros ou de vente au détail d’aliments), (ii) aider les producteurs à accéder si besoin à de nouveaux marchés, (iii) garantir la sécurité des travailleurs, (iv) garantir la sécurité des aliments, (v) apporter un soutien économique aux PME et acteurs informels du secteur alimentaire (colonne vertébrale des circuits d’approvisionnement alimentaire).

Il nous semble également très important d’identifier des mesures de soutien économique spécifiques pour les acteurs du secteur agropastoral (qui représente une grande proportion des ménages vulnérables). Il faudrait notamment :

  • Renforcer les filets sociaux pour les ménages agropastoraux ;
  • Et assurer l’accès aux intrants clés et à la main-d’œuvre pour la prochaine campagne agricole : (i) assurer la fonctionnalité des chaînes d’approvisionnement en intrants agricoles, (ii) limiter les contraintes sur la mobilité de la main-d’œuvre pour les opérations de production agricole, (iii) promouvoir la continuité des activités en aidant les entreprises (dont la plupart sont des PME dans le secteur alimentaire) à demeurer solvables, (iv) déployer des solutions numériques pour faciliter l’accès à l’information et aux intrants.

Des discussions sont en cours avec les ministères sectoriels en charge du secteur agropastoral (Minader et Minepia) et avec les autres partenaires techniques et financiers actifs dans le secteur de l’agriculture pour identifier des solutions de financement des activités les plus urgentes d’appui au secteur agropastoral.

Le G20 a appelé les créanciers multilatéraux « à explorer plus avant les options de suspension du paiement du service de la dette ». Que peut attendre le Cameroun du groupe de la Banque mondiale (premier créancier multilatéral du pays avec un encours de la dette autour de 1000 milliards de FCFA) ?

Le soutien de la Banque mondiale au Cameroun pour faire face à l’épidémie du Covid-19 est multidimensionnel. Il comprend (i) la mobilisation de 6 millions de dollars d’un projet de santé existant pour financer les activités d’intervention d’urgence (ii) la mobilisation de 35 millions de dollars du mécanisme accéléré de la Banque mondiale par le biais de nouveaux projets dans le cadre de procédures condensées et de restructuration du portefeuille pour faire face à l’évolution du Covid-19. Cet appui pourrait également inclure l’augmentation du montant de la troisième opération d’appui budgétaire de 100 à 200 millions de dollars avec des réformes supplémentaires en réponse à la crise.

La Banque mondiale possède un portefeuille important de projet au Cameroun. La pandémie impacte-t-elle sa mise en œuvre ?

Le groupe de la Banque mondiale est doté de divers systèmes qui lui permettent d’être pleinement opérationnel et de continuer à répondre aux besoins des pays partenaires selon des modalités de travail à distance.

Par ailleurs, nous disposons de systèmes solides pour garantir la continuité des décaissements dans le monde entier. Nous nous employons tout particulièrement à éviter toute interruption dans l’appui que nous apportons à nos pays partenaires compte tenu de l’évolution de la situation.

Nous ne prévoyons pas d’interruption dans nos opérations financières. Le département de la Trésorerie de la Bird/Ida dispose d’un plan de continuité des activités établi, avec des équipes opérant déjà depuis différents sites. Ce qui nous permet d’accéder à distance à tous les systèmes nécessaires pour la réalisation des transactions et règlements.


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