Une fin de règne catastrophique
Eric Essono Tsimi déplore l’hyperpersonnalisation qui fausse les enjeux de la succession de Paul Biya. « Le problème de la succession est le même qui se pose au régime depuis plusieurs décennies: l’hyper personnalisation. On ne veut pas des profils, on cherche des noms, pire des consonances (des noms attachés à des lieux). Il y a deux peurs, contradictoires, celle du vide et l’autre du trop-plein. Le vide c’est quand le camerounais gamma dit : d’accord tu dis que Cabral n’est pas la solution, alors tu roules pour Franck ! Une variante : si tu ne roules pas pour Franck, la solution c’est alors qui ? », écrit-il.
Le profil du successeur « idéaliste »
Ce qu’il faut pour le Cameroun, c’est un leadership fort, dynamique et éclairé. « Chacun sait que c’est plus facile de tromper les gens que de les convaincre qu’ils ont été trompés ou qu’ils sont en train de l’être. Les camerounais croient donc mais n’acceptent qu’ils puissent être dupes. Quand on leur dit voici celui qu’il nous faut, ils croient à moitié même s’ils n’adhèrent pas. Quand on leur dit ce n’est pas lui, ils sont perdus. Je vais être honnête : je ne sais pas non plus. Je ne veux même pas savoir qui c’est, mais je veux d’avance être certain de ce qu’il apportera. Nous avons un besoin vital d’un leadership fort, dynamique et éclairé. Mais ne pas savoir ne signifie pas que le successeur idéal n’existe pas ni qu’il ne puisse être inventé, ni qu’il faille choisir maintenant pour n’avoir pas à ne pas savoir plus longtemps. La peur du trop-plein est celle de dire : ce n’est pas tout le monde qui peut, le fait de n’être pas satisfait des individus qui se déclarent au nom de la grandeur qu’on associe à son pays, un peu comme le vieux beau qui devient toujours plus sélectif dans le choix de sa future épouse alors qu’il ne devient pas plus beau. Soit qu’ils ne sachent pas ce qu’ils veulent soit qu’ils veuillent se déterminer en fonction des candidatures qui arrivent les camerounais donnent l’impression en permanence de juste essayer de combler un vide. Et dans le cas de la succession à Biya c’est plus vicieux : comme un désir d’oublier une histoire douloureuse avec la première personne qui vient. N’importe quelle eau éteint le feu. Et ils sont influencés par un profil, celui de leur ex abuseur qu’ils essaient précisément d’oublier. S’ils voient un candidat qui est trop proche, une personne claire de peau et a fortiori une personne avec le même nom ça peut être un a priori favorable: une personne très noire de peau, une personne expansive, un tel candidat ne leur semblera pas assez présidentiable. Ils veulent quelque chose de différent mais recherchent les éléments de profil du sortant. Qui que ce soit qui succède, il est désiré, mais sera très vite combattu, parce qu’on ne se sera pas entendu sur ce qu’on veut de l’après Biya, ce dont on ne veut plus », explique l’analyste politique.