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[Tribune] Vérités cardinales

Cardinal Christian Tumi edito

A 90 ans, le cardinal Tumi livre sans doute le dernier combat de sa vie sur la terre des hommes. Celui du retour à la paix dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, dont il est originaire. Ces deux régions sont en proie depuis quatre ans à une crise qui a fait des milliers de morts, de blessés et de déplacés. Autorité morale respectée et au-dessus de la mêlée, l’archevêque émérite de Douala fait pratiquement sacrifice de sa personne pour que ses volontés cardinales sur cette crise soient prises en compte par les deux camps, qui, des fois, n’hésitent pas à le « courtiser ».


Cardinal Christian Tumi edito
Cardinal Christian Tumi, Archevêque émérite de Douala – DR

Tâche pas du tout aisée pour ce prélat qui est, en fonction de ses initiatives ou de ses déclarations, taxé de proximité avec le pouvoir ou avec les Ambazoniens. C’est ainsi qu’après avoir été enlevé puis libéré les 5 et 6 novembre derniers, le cardinal Tumi s’est attiré les foudres des thuriféraires du pouvoir, suite à ses propos sur Radio France Internationale (RFI), le 16 novembre : « Je crois que c’est au chef de l’Etat maintenant de faire quelque et je crois qu’il peut le faire, c’est-à-dire déclarer l’amnistie pour qu’il y’ait la paix et que les enfants aillent à l’école. Il faut que l’armée rentre dans les casernes et que ces garçons-là déposent les armes »,  a-t-il indiqué, tout en précisant que ses ravisseurs voulaient savoir quelle était son opinion sur la forme de l’Etat. « Je leur ai dit : c’est le fédéralisme ». Très remontés contre le cardinal Tumi, il s’en faut de peu pour que certains apparatchiks affirment que son enlèvement n’était qu’une mise en scène…

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Les mêmes qui avaient présenté la participation de ce prélat charismatique au Grand dialogue national comme un gage de la légitimité et la crédibilité de ce raout. De l’autre côté, Christian Tumi, précurseur de la Conférence générale anglophone (torpillée par le pouvoir), était voué aux gémonies. Ce prince de l’église avait tout aussi essuyé une volée de bois vert des partisans et sympathisants discrets ou assumés de la République fantasmée d’Ambazonie lorsqu’il avait cru percevoir des signes d’une accalmie dans l’Ouest anglophone, après le Dialogue national.

Pris entre deux feux, le cardinal Tumi ne désarme pas pour autant. En réalité, il demeure l’une des rares personnalités de la scène camerounaise à pouvoir jouer les « go between » entre le pouvoir et les Ambazoniens. En tout état de cause, il serait inconsidéré, particulièrement pour l’ordre gouvernant, garant de la sécurité des personnes et des biens, de s’aliéner cette carte maîtresse, ce joker. Au lieu de regarder la direction qu’il indique, beaucoup de ses contempteurs ne s’appliquent malheureusement qu’a contempler son doigt.

De notre point de vue, le Cardinal Tumi, à travers sa sortie sur RFI, plaide pour de nouvelles concessions du pouvoir afin de désamorcer cette crise qui n’a que trop duré. il s’agit pour le chef de l’Etat de continuer à couper l’herbe sous les pieds des extrémistes en posant des actes de décrispation, tels qu’une amnistie bien encadrée, après des négociations sincères avec des acteurs ou groupes influents, minutieusement identifiés.

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Lorsqu’on est « mendiant de la paix », on ne doit faire l’économie d’aucun geste d’apaisement tant que l’objectif recherché n’est pas atteint. La main doit rester tendue pour espérer obtenir la moisson escomptée. Le cardinal Tumi n’est certes pas un spécialiste en matière de guerre, mais en qualité de bon berger de la communauté et d’apôtre du pardon et de la paix, il est bien placé pour dire ses quatre vérités, lorsque le crépitement des armes a montré ses limites.

Édito du 23 novembre 2020 dans Mutations

Par Georges Alain Boyomo


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