Cabral Libii : la paix et l’honneur des vivants ou des survivants sont toutes aussi importantes que la paix des morts
Ce que je retiens malheureusement en tant que Camerounais, de l’immense production intellectuelle du Professeur Hubert Mono Ndjana , c’est qu’il aura été, celui qui a conceptualisé, formulé, défendu et validé, de la manière la plus aboutie sur le plan intellectuel, la politique d’apartheid tribal, devenu l’omni-variable de la gouvernance au Cameroun.
Désormais, de cette République des marasmes dont Paul Biya est l’architecte et le bâtisseur depuis 41 années, le tribalisme est le ferment. Il oriente tout, il régente tout.
Cabral Libii doit prendre toute sa part dans le chantier national camerounais et non se limiter à couper sa part de camerounais
L’injonction au silence sur les crimes intellectuels du Professeur Hubert Mono Ndjana, suivie d’un hymne à sa béatification, faite par Cabral Libii est en réalité la manifestation de l’expression politique de ces héritiers du « Monofascime », englués dans une paresse politique, intellectuelle et philosophique qui les enjoint à n’imaginer le devenir du Cameroun que comme un fatras de groupes ethniques, fragmentés, superposés, qu’on protégerait des autres… C’est dans ce contexte que prolifèrent des concepts en réalité xénophobes tels qu’allogenes, autochtones ; que sont consacrées des inepties managériales telles que « l’équilibre régional », que germent des idées qui figent des peuples dans leur essence comme le « Fédéralisme Communautaire » de Cabral Libii.
Il est donc intellectuellement légitime de soupçonner chez le Président du PCRN, l’intention subliminale de sanctuariser l’ethnicisme intellectuel du défunt philosophe en lui permettant de survivre, dans une formulation politique, après sa mort.
Renonçant donc à l’ambition nationale, Cabral Libii, comme mimant le régime BIYA, qui a savamment inoculé dans le peuple, l’idée de l’élection et de la sélection par la tribu, veut couper sa portion de la Nation dans son Régionalisme Communautaire.
En réalité, celle-ci n’a qu’une seule finalité, aider à la conservation du pouvoir par le régime RDPC. Le projet national ne s’accommodant pas des règnes sans fin, on a choisi au Cameroun de s’en éloigner et l’ordre régnant a métastasé dans une partie de l’opposition.
La débâcle d’un tel système est patente : on a construit au Cameroun un pouvoir essentiellement mono-ethnique et on a recruté dans certaines autres, des éléments pour en faire le vernis… Finalement, BIYA et cette opposition d’accompagnement de la dictature ont fait du Cameroun une géhenne de laquelle la jeunesse ne rêve que de se sauver par l’émigration.
Il est donc criminel aujourd’hui d’avoir pour ambition, au nom d’un certain réalisme politique, de faire idéologiquement alliance avec cet establishment mafieux qui travaille main dans main à la conservation du pouvoir, en se protégeant essentiellement avec les matériaux fissiles de l’ethnicité. Ainsi que toute démarche politique ambitionnant de prendre résolument le pouvoir sera rapidement présentée comme l’agression d’une ethnie contre la République. La République ici étant le pouvoir dominant, mono-ethnique. Dans cet ordre d’idées, on a parlé en 1984 des Nordistes, en 1990 des anglo-Bami, en 2018 des Bamiléké…
Le Défi majeur des politiques au Cameroun, c’est le chantier de la construction d’une Nation. Pour y arriver, il faut congédier résolument l’indigénat politique du RDPC pour proposer le rêve National aux Camerounais. Un leader qui ne rêve pas, qui ne fait pas rêver, est inapte à faire face aux défis qui sont ceux du Cameroun que laissera demain Paul Biya.
Sortir du piège de l’ethnicité
Si notre diversité et richesses culturelles sont ce qui fait le charme unique de ce pays, l’identité ne saurait avoir une certaine primauté sur la vie, sur la citoyenneté. C’est sur cette unique base que se construit une majorité politique en démocratie. Une voix toupouri, n’est pas moins importante qu’une voix bamiléké, béti ou anglophone et inversement.
On doit être capable dans ce pays, émancipé de ce carcan ethnique dans lequel le colon et le néo-colon nous ont enfermé, de penser que pour être élu, on doit simplement pouvoir réunir la majorité des suffrages exprimés. Un élu ayant obtenu 55% des suffrages constitués essentiellement des voix des régions du grand Nord a bel et bien battu celui qui vient en deuxième position avec 45% des suffrages exprimés d’électeurs répartis dans les 7 autres régions.
Si on veut construire une Nation, on doit en avoir l’ambition et le courage. On doit pouvoir faire rêver les camerounais, on doit se donner l’ambition de sortir du modèle colonial et néocolonial de la confrontation ethnique du « divisé pour régner ».
L’intelligence managériale et politique de dirigeants démocratiquement élus, sur la base d’un Projet National ambitieux, doit permettre de conjuguer l’extraordinaire ressource de nos identités plurielles.
Ma conviction, c’est qu’on ne peut, sur le chantier de la construction nationale faire pire que ce qu’à fait le régime Biya.
Il faut donc sur ces sujets, arrêter de faire peur aux camerounais.
Le suffrage et l’alternance au pouvoir assurent la sanction des mauvais ou la récompense des bons dirigeants.
Amédée Dimitri Touko Tom