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Christian Djoko : « chaque minute que [Kamto] passe dans les geôles de la tyrannie est une cuisante défaite pour le régime »

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*De la cécité calculée à l’indignation sélective*

À la suite des incidents survenus à l’ambassade du Cameroun à Paris dimanche 26 janvier, plusieurs camerounais(es) se sont offusqués de bonne foi. D’autres en revanche y ont vu un prétexte sur lequel s’appuyer pour justifier l’arrestation du leadership du MRC et la répression sauvage des opposant(e)s au régime Biya. 


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Maurice KAMTO – DR

En réalité, le cocktail d’événements qui a émaillé la vie politique camerounaise ces derniers jours met en relief les trois sortes de violence identifiées.

La violence comme mode de gouvernance

La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations par une petite clique de gouvernant(e)s. Celle qui écrase et lamine des millions de camerounais(es) dans ses rouages silencieux et bien huilés d’un système autoritaire.

La seconde est la violence citoyenne et révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.

La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.

Comme le fait remarquer Hélder Pessoa Câmara, il n’y a pas pire hypocrisie que de n’appeler violence que la seconde, en oubliant subrepticement la première qui la fait naître, et la troisième qui essaie de la reprimer.

En réalité, même si j’ai toujours privilégié la résistance intellectuelle à toute forme de violence, je ne saurais verser une larme devant le saccage des bureaux de cette ambassade. C’est un événement fort regrettable, mais secondaire. Secondaire au vu des dégâts causés par le régime Biya en 37 ans de règne. Si comparaison n’est pas raison, il n’en demeure pas moins que la comparaison permet de débusquer la cécité calculée et la sélectivité de certaines indignations.

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L’indignation sélective

La portée pseudo-patriotique de la colère de certains compatriotes contre la destruction des « édifices publics » ferait presqu’oublier que cette ambassade abrite sans doute plus de réunions du RDPC que les rencontres de travail dans l’intérêt de tous les camerounais.

Elle ferait presque oublier qu’on a l’un des pires services consulaires au monde. Elle ferait presque oublier que ce régime saccage le pays et hypothèque l’avenir des millions de camerounais(es) depuis 37 ans.

Elle ferait presque oublier que les adeptes du respect des institutions et les pharisiens de la légalité républicaine sont ceux-là mêmes qui foulent à la cheville l’article 66 de la Constitution. Elle ferait presque oublier qu’au Cameroun on peut encore maquiller en suicide l’assassinat d’un évêque.

Elle ferait presque oublier que la dette publique (toxique) du Cameroun est passée de 3 726 milliards en 2014 à 7 131 milliards FCFA en 2018. Elle ferait presque oublier que 57 % de filles de 6 à 11 ans ne vont pas à l’école à Yaoundé.

Elle ferait presque oublier que nous avons aujourd’hui un système de santé à deux vitesses. Les évacuations sanitaires pour les membres du régime et les mouroirs locaux pour le reste du peuple.

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Elle ferait presque oublier que le retrait de la CAN 2019 résume à lui seul montre le niveau d’opprobre et de discrédit que le régime Biya ne cesse de jeter sur notre pays. Pire encore, elle ferait presque oublier que la mal gouvernance, l’allergie à tout dialogue sociale et la logique répressive du régime Biya ont plongé la zone anglophone dans l’ornière de la guerre civile. La liste est loin d’être exhaustive.

Un régime aux abois

À y regarder de près, ce régime ne semble pas avoir tiré les leçons de la crise anglophone. Comment pourrait-il en être autrement pour un régime dont le principal logiciel de gouvernance n’est rien d’autre que la répression? La preuve nous a été une fois de plus donnée samedi 26 janvier 2019.

Du reste, Maurice Kamto et tous les autres prisonniers politiques seront libres. D’ici là, chaque minute qu’ils passent dans les geôles de la tyrannie est une cuisante défaite pour le régime. En fait, ils ne tarderont pas à recouvrer leur liberté grâce à la pression populaire. Cette libération ne sera pas une victoire en soi, car la défaite n’a jamais été envisagée. En revanche, les faucons du régime seront une fois de plus couverts de ridicule. Signe d’un pouvoir aux abois.


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