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Cameroun : Peut-on envisager une augmentation de salaires en 2020 ?

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La question du traitement salariale des personnels de l’État refait surface dans le débat public. Cette fois, ce n’est pas sous la forme d’une revendication corporatiste, mais de recommandation.

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Image du ministère des Finances (c) Droist réservés

Dans une correspondance adressée au président de la République, reçue le 6 novembre 2019, le président de la Commission nationale anti-corruption (Conac), Dieudonné Massi Gams, recommande « la révision du statut de la magistrature avec en prime la revalorisation des salaires des magistrats ». Le président de la Conac y voit un moyen pour prévenir et juguler la corruption dans la magistrature au Cameroun.

Cette sortie de la Conac n’est pas sans rappeler l’espoir que de nombreux agents publics ont exprimé à la suite de l’opération de Comptage physique du personnel de l’État du Cameroun (Coppe). Selon le ministère des Finances (Minfi), l’assainissement du fichier solde a permis à l’État de faire des économies de plus de 30 milliards de FCFA par mois. Des ressources que certains proposaient d’être redistribuées au personnel de l’État. Mais ce n’est pas aussi simple que cela.

En effet, et contrairement aux apparences, la masse salariale publique est de plus en plus lourde. Depuis 2010, les salaires absorbent chaque année près du quart du budget annuel et représentent plus de 5% du PIB. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les meilleures pratiques internationales plafonnent ce ratio à 5% du PIB. Au niveau sous régional, les critères de convergence de la Cemac prescrivent que la masse salariale soit inférieure ou égale à 35% des recettes fiscales. Or, la masse salariale représentait 22,83% du budget de l’État et 39,7% des recettes fiscales en 2017, selon le ministère des Finances. Bien plus, « l’ensemble des dépenses de personnel représentait 41,3% des recettes fiscales [en 2016], largement au-dessus de la norme communautaire », révèle l’étude réalisée en 2018 par le Minfi sur la soutenabilité de la masse salariale au cours de la période 2019-2023. À l’évidence, le gouvernement est loin d’envisager une quelconque revalorisation des salaires des agents de l’Etat.

En dépit de la résilience de l’économie camerounaise face au double choc pétrolier et sécuritaire, la réduction du train de vie de l’État apparaît comme principal levier de remédiation de la crise économique que traverse la zone Cemac. Dans cette optique, la maîtrise de la masse salariale est un impératif. En effet, « la forte croissance de la masse salariale au cours de la dernière décennie a conduit à un niveau de dépenses supérieur au seuil de soutenabilité exigé par les critères de convergence de la Cemac », indique le Minfi. Cette maîtrise est d’autant plus nécessaire que la consolidation budgétaire et la rationalisation de la dépense publique sont primordiales pour le respect des engagements pris dans le cadre du programme économique et financier conclu avec le FMI.

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Le Minfi rappelle que, la masse salariale a été un sérieux problème macroéconomique et budgétaire dans le passé puisqu’elle réduit fortement l’enveloppe budgétaire à affecter à d’autres secteurs. Il n’est même pas exclu que la masse salariale redevienne un problème alors que n’est pas traitée la question capitale du rôle incitatif des rémunérations relatives au sein de l’administration, entre l’administration et les établissements publics ou le secteur privé.

Le gouvernement pieds et poings liés

Primes de rendements, primes pour travaux spécifiques et primes spécifiques, indemnités de mission (au Cameroun ou à l’étranger), heures supplémentaires, gratifications des indemnités spécifiques, indemnités forfaitaires de tournées et de risque, indemnités de permanence, dotation en carburant, etc. Contrairement à ce qu’il veut faire croire, le fonctionnaire camerounais n’a vraiment pas de quoi se plaindre. L’on comprend donc que certains bailleurs de fonds trouvent que cela est un peu « trop généreux », en cette période de conjoncture difficile.

Pour la Banque mondiale, le Cameroun doit supprimer les avantages des fonctionnaires. Ces mesures préalables à son appui budgétaire prévoient une « réforme de la Fonction publique ». Afin d’améliorer la transparence et l’efficacité dans la gestion de la solde et contrôler la masse salariale, la Banque mondiale demande au gouvernement de « prendre un texte portant sur les modalités de création des commissions, comités et groupes de travail et règlementant la tenue de leurs sessions et la rémunération de leurs membres ; de mettre en œuvre le nouveau système de gestion de la solde, Sigipes II, dans dix ministères ».

Dans une étude sur la soutenabilité de la masse salariale au cours de la période 2019-2023, le ministère des Finances s’attèle à trouver le moyen de la ramener, au cours des cinq prochaines années, à un niveau compatible avec les ressources fiscales permises par les performances économiques, tout en tenant compte de la nécessité de maintenir le pouvoir d’achat des salariés, et de couvrir les besoins quantitatifs et qualitatifs en ressources humaines de l’administration.

En effet, les chiffres du Minfi qu’entre 2006 et 2017, la masse des salaires a augmenté à un rythme annuel moyen de 7,8% contre 7,6% pour les recettes fiscales. Ce qui qui traduit une détérioration de la soutenabilité budgétaire des dépenses salariales. Selon les spécialistes des finances publiques, cette situation est préoccupante, dans la mesure où les dérapages dans cette rubrique du budget entraînent toujours des perturbations majeures dans l’équilibre des finances publiques. Par ailleurs, à cause de son caractère rémanent, la masse salariale est la composante budgétaire la plus difficile à réformer, notamment en cas de retournement de la conjoncture.

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En outre, l’atonie de la croissance (4,6% en moyenne entre 2010 et 2019) est une contrainte budgétaire majeure et les 4% prévus cette année ne permettent pas d’inverser cette tendance. La recherche d’une croissance forte et accélérée est donc d’un intérêt primordial pour relâcher la contrainte budgétaire en ressources pérennes à même de (re)donner une certaine marge de manœuvre au gouvernement.

Le jeu d’équilibrisme

Pour déterminer le niveau soutenable de la masse salariale au cours de la période 2019-2023, les analystes du Minfi ont retenu trois hypothèses sur l’évolution des recettes fiscales : le statu quo qui correspond à une croissance de 4,5% comme au cours de la période récente ; une croissance de 6% de ces recettes ; et une croissance de 8,3 % suivant les prévisions du Rapport sur les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation 2017.

Pour chaque scénario, l’objectif est de ramener le ratio de soutenabilité de 38% actuel vers une zone de soutenabilité confortable à l’horizon 2023, soit 34%. L’étude sur la soutenabilité de la masse salariale relie le niveau des recettes fiscales successivement à la masse salariale soutenable puis, à un plafond de crédits réservés aux recrutements et enfin, à un niveau maximal d’effectifs des personnels civils susceptibles d’être recrutés.

Avec l’hypothèse de la croissance annuelle des recettes fiscales de l’ordre de 4,5%, il est possible d’effectuer en moyenne 5 948 nouveaux recrutements chaque année, mais sans marge pour l’augmentation des salaires.

Avec l’hypothèse d’une croissance des recettes fiscales de 6% par an, un volume annuel moyen de 7 208 nouveaux recrutements peut être permis, avec une possibilité d’ajustement salarial au taux maximum global de 8% sur toute la période. Cette marge d’ajustement pourrait également couvrir de nouvelles mesures catégorielles, tout comme elle pourrait permettre de diminuer le stock de la dette salariale.

Avec l’hypothèse d’une croissance des recettes fiscales de 8,3% par an, l’on pourrait envisager une moyenne de 7 536 nouveaux recrutements, avec une possibilité d’ajustement salarial au taux maximum global de 22% sur toute la période. Cette marge d’ajustement est également utilisable pour la couverture des éventuelles mesures catégorielles ou encore, pour diminuer le stock de la dette salariale.


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